SOS, l’éducation malienne a coulé !
J’avais passé une grande partie de la nuit du vendredi dans un maquis ivoirien, en train de l’avaler, je veux dire me saouler la gueule, avec des amis, comme un policier burkinabé à la fin de mois, parlant politique ivoirienne… et filles – bien sûr -, ayant oublié que j’étais invité le samedi pour siéger dans un jury pour une soutenance dans une école supérieure privée de Bamako. J’étais sollicité pour juger la forme du document. Rentré autour de deux heures dans un état indescriptible, je m’étais effondré dans un profond sommeil, pour ne rouvrir les yeux qu’à neuf heures. J’étais en retard pour la soutenance, et je dus appeler pour signaler mon absence en tant que membre du jury, en décidant de m’y présenter au moins comme spectateur, pour ne pas créer trop de frustrations.
Ma première grande grâce de l’année, Dieu venait ainsi de me la faire en m’empêchant de siéger dans le jury de cette soutenance.
L’auteur du mémoire, en fin de cycle DUT (Diplôme universitaire de Technologie) en Informatique de Gestion, qui s’était plu à remplir toute la salle d’une centaine d’invités, avait passé toute la séance à dire « ma mémoire » pour désigner son document, « la thème », « un entreprise »… malgré les corrections des membres du jury. Le thème sur la page de garde du document et écrit au tableau contenait un « aux Mali » qui m’avait durant toute la séance donné des idées de meurtre. Le document n’était pas justifié, était mal paginé, et contenait plus de trois caractères différents. Le plus énervant, c’est quand notre cher petit salaud se permit de rétorquer, quand un membre du jury lui fit savoir que son document était bourré de fautes de grammaire et de conjugaison, « Non, monsieur, ce n’est pas possible que mon document contienne des fautes, j’ai installé un dictionnaire sur mon ordinateur. »
Eh bien, la grâce que m’avait faite Dieu se trouvait juste là, car j’eusse été membre de ce jury, jugeant la forme de son document, que j’aurais pris un ineffable plaisir à décapiter son brouillon pas même bon à se torcher le cul dont il était si fier, passer plus d’une heure à sortir toutes les fautes grossières qui jonchaient toutes les lignes de son document, bien l’insulter et l’humilier, grand Casanova qu’il était, devant ces belles filles qu’il avait invitées tout seul. Remarquez une petite teinte de jalousie dans ma démarche si vous voulez ! J’aurais même exigé qu’il soit ajourné, qu’il présente un autre document. Et tous ses parents et amis m’auraient détesté, moi un étranger qui barrait la route au bonheur de leur fils. Qui sait même s’ils n’auraient poussé loin leur vengeance en m’expédiant comme un colis des islamistes terroristes vers ma dictature militaire, analphabète et cinquantenaire de pays ?
Le comble du ridicule, c’est quand le jury délibéra et donna une moyenne de 14/20 soit une mention Bien à cet étudiant en Informatique de Gestion qui n’était pas arrivé à expliquer son thème de mémoire, ni définir le terme « système d’exploitation» !
Comment le Mali, le pays de Seydou Badian, d’Amadou Hampâté Bâ, de Yambo Ouologuem, ce pays qui fait partie de ceux-là qui ont offert à l’Afrique ses premiers intellos est-il arrivé là ? Que va devenir ce Mali dans dix ans dans ce processus vertigineux d’intégration et de mondialisation ?
J’étais là, parmi les invités contents, fiers de leur fils et ami qui venait de décrocher la mention Bien, quand je sentis une tape amicale sur mon épaule gauche.
– Bonjour monsieur !
– Quoi, Mariam, c’est toi, hein, mais t’as changé, t’es encore plus belle qu’avant, t’as même pris du poids, mais tu fais quoi ?
Elle faisait partie des premiers étudiants que j’encadrais durant les travaux dirigés quand je commençais mon expérience de prof de Marketing en 2008. Je n’avais normalement pas besoin de lui demander ce qu’elle faisait pour être si bien habillée. Une Malienne bien habillée, il faut toujours voir un homme derrière. D’abord. J’aurais dû lui demander « Mais dis-moi, que fait ton mari, quel âge a-t-il ? »
– Monsieur, j’ai commencé à travailler, j’occupe une poste de gestionnaire au direction générale des Impôts.
Dégoûté, je me rappelai la mise en garde d’un de mes compatriotes quand je venais d’arriver au Mali, et que je poussais des cris d’étonnement devant l’extraordinaire beauté de la quasi-totalité des Maliennes, « Eh bien, toi qui aimes tellement le français, sache que derrière ces beaux visages que tu apprécies tant, se cachent des fautes grossières qui peuvent te faire vomir tous tes intestins ! »
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