La révolution presque cocasse des Togolais1
La révolution presque cocasse des Togolais1
Prologue
Un lecteur du site Icilome.com (www.icilome.com), l’un des plus grands journaux en ligne du Togo où je signe des contributions, m’a écrit un mail ce samedi, me demandant pourquoi depuis le début des soulèvements au Maghreb, je n’ai pas encore publié un seul article pour faire un rapprochement avec notre pays le Togo, et exhorter l’opposition togolaise et tout le peuple à se soulever contre le régime illégitime, dictatorial, lâche et éhonté de Faure Gnassingbé. Depuis que je suis retourné en novembre dernier au Togo pour recevoir le Prix Littéraire France-Togo 2010, poursuit mon cher lecteur, on ne me sent plus à travers mes articles virulents. M’aurait-on corrompu à Lomé ? Ah, le cynisme de certains Togolais !
Un rapprochement entre les révolutions du monde arabe et le Togo ! Bah, quelle audace ! Quelle gaucherie ! Le Togo ne partage actuellement la situation sociopolitique d’aucun de ces pays qui se soulèvent contre leurs tyrans ces temps-ci. Un adroit blogueur togolais le faisait remarquer dans son article, la révolution du peuple togolais a déjà eu lieu, il y a plus de vingt ans –en 1990- quand le peuple s’est soulevé victorieusement contre le sinistre Eyadema, et le Togo jouit depuis de plusieurs avantages dont n’ont jamais joui ces pays du monde arabe. Très belle remarque, dans la mesure où le pouvoir dictatorial du Togo a des fois – par imprudence ou contrainte – fait à l’opposition togolaise certaines concessions qui eussent pu lui être fatales si les opposants togolais avaient tout simplement été plus lucides et moins cupides et vils. L’opposition togolaise avait réussi à avoir une tribune où s’exprimer et se faire écouter, la conférence nationale souveraine. Elle avait eu la sublime chance d’avoir remporté des élections législatives, notamment avec le Comité d’Action pour le Renouveau, CAR, de l’opposant Yawovi Agboyibo. Elle avait réussi à avoir des dialogues avec le parti au pouvoir, des gouvernements d’union nationale, des accords dont le célèbre Accord politique global, APG, de 2006… Tant et tant d’occasions mal négociées… Pourquoi donc aurait-on encore besoin d’un soulèvement populaire au Togo pour destituer le parti au pouvoir, un parti si fragile, si incohérent, si mal organisé, malgré l’apparente coquille de solidité dont il se pare juste pour impressionner ?
Soulèvement populaire au Togo ? Eh bien, parlons-en, puisque tout le monde s’efforce aujourd’hui de l’imaginer.
Le Togo est sans doute le pays africain où un soulèvement populaire réussirait très facilement à faire tomber le régime en place, en une fraction de seconde. Pour plusieurs raisons.
D’abord, connaissant très bien les aspirations du peuple togolais, je ne vois pas aujourd’hui une seule région du Togo qui serait favorable au régime de Faure Gnassingbé, qui est sans aucun doute l’un des régimes les plus impopulaires de l’Afrique. Du Sud, fief incontestable et légendaire de l’opposition au Nord – l’origine des Gnassingbé -, Faure Gnassingbé n’a pas aujourd’hui une seule ville capable de défendre jusqu’au bout son régime. En 2005, lors de la boucherie qui a suivi la mort d’Eyadema, plusieurs villes du Nord ont connu plus de victimes que celles du Sud pendant les contestations postélectorales. La quasi-totalité des Togolais est prête aujourd’hui à extirper Faure Gnassingbé hors du Togo, si l’occasion se présente.
Ensuite, la légèreté de Faure Gnassingbé devant la communauté internationale, reconnue pour son hypocrisie, qui n’hésiterait pas à s’aligner sur le peuple togolais une fois qu’il se jette dans la rue, comme elle l’a jusqu’ici fait pour tous les peuples arabes qui se révoltent. Et Faure Gnassingbé, petite bite inconnue, minuscule, lâche et timide, n’hésiterait pas à s’enfuir sous une ou deux menaces de l’ONU et de l’UE, pour aller trouver refuge loin, très loin du Togo, chez Berlusconi, par exemple, qui l’amènera chaque soir sucer le clitoris à de petites putes en chaleur.
Enfin, les divisions au sein de l’armée togolaise, qui n’est pas unie derrière le Président. Une division encore accentuée par la célèbre affaire de Faure Gnassingbé contre son frère Kpatcha Gnassingbé, actuellement en prison, qui dispose aussi de ses éléments dans l’armée. Il faut y ajouter les mauvaises conditions de vie des militaires togolais, à part quelques officiers privilégiés. Ces chiens méchants affamés et frustrés n’auront aucun calcul à faire avant de se retourner contre ce régime qui les fait au jour le jour détester par le peuple togolais, sans les mettre à l’aise.
Mon très cher lecteur d’Icilome.com qui veut que je fasse un parallèle entre la révolution du monde arabe et celle du Togo, tu comprends donc que chez nous, cette révolution dont nous n’avons pas en fait besoin, ne ferait même pas une demi-journée pour aboutir à un résultat positif. Mais notre malheur, tu le sais bien, mon cher, ce sont nos leaders de l’opposition. J’espère que tu as suivi le scénario ridicule de l’une des toutes dernières marches de l’opposition où des jeunes militants d’un parti d’opposition auraient agressé des militants d’un autre parti d’opposition, les accusant de distribuer des tracts « Faure dégage, Faure démissionne » qui ne seraient pas des tracts de Jean-Pierre Fabre, le vrai opposant, mais ceux d’Agbéyomé, le faux opposant. Tu peux donc facilement imaginer l’après-révolution au Togo. Faure Gnassingbé, qui aura démissionné devant la révolte populaire, le slip mouillé d’urine, oubliant toutes ses copines, n’aura même pas encore pris l’avion pour l’exil, quand nos chers opposants commenceront à se disputer le fauteuil présidentiel, devant les yeux ahuris du peuple essoufflé par la contestation, et ceux fermés, à jamais, des morts jonchant les rues. Et, faute de compromis, ils referont appel à Faure Gnassingbé pour revenir prendre le fauteuil présidentiel, et les inviter à un dialogue… pour la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Epilogue
La révolution des Togolais, qu’on baptisera sûrement la révolution des Eperviers – parce qu’il paraît que c’est un oiseau qui nous porte chance-, au lieu d’inspirer et galvaniser d’autres peuples, fera tout simplement rigoler le monde entier, tout comme la participation de notre équipe nationale de foot, Les Eperviers du Togo, à la Coupe du Monde 2006 en Allemagne.
1- Titre inspiré du titre du roman La ruine presque cocasse d’un polichinelle de l’écrivain camerounais Mongo Beti.
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