Ma mère, rivale de mon amour

25 mars 2011

Ma mère, rivale de mon amour

–          David, tu aimes trop ta mère !

–          Ben, c’est normal, Ruth, combien de fois dois-je te dire que cette femme s’est trop sacrifiée pour moi ?

–          Je sais, mais tu l’aimes trop, tu l’aimes comme si tu étais encore un adolescent. Tu es maintenant un homme, David, et tu l’aimes trop, ma belle-mère, ta Maman Marthe.

–          …

Que répondre ? J’ai déjà à plusieurs reprises expliqué à Ruth que je ne peux qu’aimer ma mère comme je le fais. Cette jeune fille tombée amoureuse puis enceinte de son prof d’anglais au lycée, mon père, rejetée par ses parents avec sa grossesse, devenue une institutrice reconvertie en ménagère par mon père qui ne pouvait pas supporter une femme fonctionnaire comme lui, veuve à quarante ans à la mort de mon père, avec quatre enfants sous les bras, mes trois sœurs et moi… je ne peux que l’aimer comme je l’aime aujourd’hui. Je la revois toujours, quelques jours après la mort de mon père, quand nos oncles et tantes s’étaient emparés, arbitrairement, des biens de ce dernier, à genoux, tous les matins, récitant des prières et des prières pour notre survie. Je la revois, assurant à ses copines qui la plaignaient, qu’elle s’en sortirait avec nous, que nous n’allions pas abandonner les études, encore moins devenir des délinquants, comme l’avaient prédit beaucoup de mauvaises langues. Je la revois, à l’obtention de mon baccalauréat, m’assurant qu’elle allait m’inscrire dans une école supérieure privée, ces écoles réservées à une catégorie très privilégiée de Togolais, elle qui se tuait déjà à assurer les études supérieures de ma grande sœur au Bénin. Je la revois se débarrasser une à une de ses paires de pagne, de ses bijoux… pour payer ma scolarité. Ses larmes et ses larmes, quand je pliais mes bagages pour le Mali, pour un stage… Ses bips de tous les soirs depuis mon départ du Togo il y a presque trois ans, exigeant mon appel, pour écouter ma voix, savoir si j’ai bien passé la journée, si j’ai mangé, si j’ai prié… afin de pouvoir dormir en paix…

– Ruth, tu vois pourquoi je n’ai pas le choix, je ne peux qu’aimer ma mère, fort, très fort, comme je le fais. Cette femme mourra le jour où je cesserai de lui donner la dose d’amour que je lui donne. Je dois aimer Maman Marthe, Ruth. D’ailleurs il faut que je cherche une carte pour l’appeler, il est midi, elle doit être en train de manger. Je vais lui raconter une petite blague, cela lui fera faire une bonne sieste.

– Depuis hier tu as oublié d’appeler mon père, pourtant il te demande. Voici plus d’une semaine qu’il te demande, depuis qu’il est hospitalisé, et tu n’es pas parti le voir, tu ne l’appelles pas après ta mère ?

– Oui, je l’appelle avant le soir.

– Pourquoi pas maintenant ?

– Il faut que je raconte d’abord une blague à Maman Marthe, elle aime quand je lui raconte des blagues. Tu sais, quand j’étais plus jeune, quelques années après la mort de mon père, chaque soir, avant d’aller au lit, elle me disait…

– Tu achètes une carte de cinq mille pour appeler papa après avoir appelé ta mère…

– Euh, je dois même lui envoyer ses pagnes demain, elle doit vite les avoir, son anniversaire c’est la semaine prochaine et…

– Tu as envoyé des basins à ta mère il y a à peine un mois et…

– Mais je lui envoie des pagnes cette fois-ci, Maman Marthe ne portera jamais du basin pour son anniversaire, elle adore les pagnes.

– Tu m’offriras quoi, à moi ta fiancée, le jour du deuxième anniversaire de notre rencontre ?

– Euh, je verrai, Ruth, t’inquiète, ce sera une très belle robe. Attends que je cherche la carte pour appeler Maman Marthe avant qu’elle ne commence sa sieste…

– Puis mon père.

– Euh, euh, oui…

– C’est quand le deuxième anniversaire de notre rencontre, David ?

– Euh, il faut que je fouille mon agenda, Ruth, tu sais que je ne garde pas les dates d’anniversaire en tête et…

– A part celle de ta mère, ma belle-mère, hein. David c’est aujourd’hui le deuxième anniversaire de notre rencontre. Voici maintenant deux ans que nous nous aimons. Que tu as décidé de donner la plus grande partie de ton amour à une seule femme, moi. J’ai laissé ton cadeau ce matin dans ton armoire. Tu m’offres quoi, toi ?

– Euh, je verrai, je te chercherai un pagne demain, en allant chercher ceux de Maman Marthe.

– Ah, oui, un cadeau pour moi, ta fiancée, quand tu iras chercher celui de ta mère. David, tu aimes trop ta mère, comme un adolescent. Tu es un homme, et tu aimes trop ta mère.

Partagez

Commentaires

David Kpelly
Répondre

It's on!

René Nkowa
Répondre

Tu vois, Davidos, ton texte me parle profondément.
J'étais (et je le suis toujours) amoureux d'une fille avec qui j'ai fait deux ans. On s'est séparés il y a quelques mois parce que sa maman ne voulait pas quelqu'un de ma tribu pour sa fille. Il faut noter que le papa de ma belle est de ma tribu. La fille a décidé de mettre un terme à notre relation. Et je ne lui en ai pas voulu d'avoir écouté sa maman. Son père a abandonné sa mère quand elle était enceinte d'elle, sa mère a subi la fureur de son propre père. Elle a dû vendre des beignets au bord de la route pour élever sa fille. Aujourd'hui elle est à l'Université, ça coûte un oeil, sa maman a un job, mais pas si rémunérateur que ça. Mais elle se bat pour que sa fille ne manque de rien. Sachant tout ça, quand sa maman a dit qu'elle ne voulait pas de quelqu'un comme moi et qu'elle avait décidé de l'écouter, je ne lui en ai pas voulu.

Juste, fais attention. Aime ta maman. Mais fais gaffe à ce que ta Ruth ne s'en rende pas trop compte.

David Kpelly
Répondre

Et c'est justement là le problème, Jackson! Comment puis-je cacher mon amour pour ma mère à ma femme?
Amitiés!

René Nkowa
Répondre

Ne fais pas trop cas de ce que tu lui donnes devant ta Ruth. Appelle-la, mais rarement en présence de ta fiancée. Tu vois, agis un peu devant elle comme un gars qui a une maîtresse dehors. Mais la maîtresse étant ta maman. Et tu verras, un jour elle te demandera: "Mais mon Beckham adoré, pourquoi n'appelle-tu plus ma belle-maman? Doudou, il faut le faire hein! Faut garder et chérir sa maman!"

manon
Répondre

Vous êtes fous les mecs.
Elle a l'air très bien, cette petite Maman Marthe. Et cette jeune Ruth aussi. Fais les s'aimer, David, et tout ira pour le mieux.

David Kpelly
Répondre

@Jackson
Ah, Jackson, non! Jamais! J'aime follement ma mère, et j'exhibe son amour devant n'importe qui, que ce soit Ruth ou pas. Elle doit le comprendre.

David Kpelly
Répondre

@ Manon
Merci pour le conseil!

ariniaina
Répondre

Tout à fait d'accord avec Manon.
Aimer sa mère, il n'y a rien de plus normal. Mais quand tu dis aimer les deux femmes, évite de trop pencher vers l'une d'elles. C'est comme ça que la jalousie commence et ça entrainera la guerre entre vous et entre les deux femmes. Quand tu te souviens de l'anniversaire de ta mère et que tu tiens à tout prix à lui offrir un joli cadeau, essaie de ne pas oublier celui de l'autre ;)

David Kpelly
Répondre

Merci, ma chère, pas facile, ce casse-tête. Mais je gère, c'est l'Afrique!

Christelle BITTNER
Répondre

Mmmm oserai-je publier sur ma belle-mère péruvienne? Maintenant je vais y penser. ça s'est arrangé?

Laura
Répondre

Nous recherchons des personnes désireuses de témoigner de leur expérience afin de réaliser un documentaire pour la chaîne de la TNT NRJ12, dont la thématique sera "Ma mère ma rivale".
Si vous avez une relation particulière avec votre mère ou votre fille, et que vous voulez nous faire part de votre histoire, n'hésitez pas à nous contacter.
contact: laura.electronlibre@gmail.com