28 mars 2011

Prenez la Libye, chers amis occidentaux !

« … L’Afrique n’a pas d’histoire, une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe… Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte, c’est la sauvagerie… Au dix-neuvième siècle, le Blanc a fait du Noir un homme, au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde… Allez, peuples ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-la. A qui ? A personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes. Dieu donne l’Afrique à l’Europe. Prenez-la… »

Ces « phrases terribles, ahurissantes » – je reprends les mots de l’éminent historien congolais Elikia M’Bokolo dans la préface de l’ouvrage collectif Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy -, ont été prononcées à Paris par le grand écrivain français Victor Hugo, réputé pour être un « ami des peuples noirs », le 18 mai 1879 lors d’une cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage en France.

Le 26 juillet 2007, un autre ami de l’Afrique, qui a sans doute lu cet appel lancé il y avait plus de cent ans, par son grand-père ami des peuples noirs, était venu à Dakar, à l’université Cheik Anta Diop, affirmer que « La réalité de l’Afrique, c’est un continent qui a tout pour réussir mais qui ne réussit pas… »

Ce message délivré le 26 juillet 2007 par cet ami de l’Afrique, Nicolas Sarkozy, le président de la république française, présente le même fond que celui de l’ancêtre des amis d’Afrique, Victor Hugo. L’Afrique est un continent sans histoire, sans morale, sans propriétaire, mais qui bizarrement a tout pour réussir. Il faut donc l’aider à réussir.

Ce qui est frappant dans le rapprochement des déclarations de ces deux amis des Noirs, des Africains, c’est le nombre d’années qui les sépare. Plus de cent vingt-cinq ans ! L’Afrique est donc restée, durant plus de cent vingt-cinq ans, le même handicapé, la même forme immonde, incapable du moindre geste, que ses amis sont toujours obligés de plaindre !

Le même appel pour sauver l’Afrique a été lancé, il y a quelques jours seulement, par des amis des Africains, dirigés par le plus sincère et intime à l’Afrique, Nicolas Sarkozy, aux Nations unis, pour voler au secours, une fois de plus, à cette Afrique à qui la barbarie colle, toujours, à la peau. « Allez, prenez le peuple libyen, prenez la Libye. A qui ? A personne. »

Interviewée tout récemment dans le cadre de la crise libyenne sur les ondes de la Radio France internationale, l’historienne malienne Adame Ba Konaré, épouse de l’ancien chef d’Etat malien Alpha Oumar Konaré, affirmait qu’étant historienne, elle pouvait affirmer que l’intervention de la coalition internationale en Libye était purement et simplement une occupation, du néocolonialisme, dans la mesure où les mêmes arguments avancés aujourd’hui par les Occidentaux étaient ceux qu’ils avaient avancés il y a plus de cent ans, quand ils débarquaient en Afrique avec leurs idées coloniales. Et elle n’a pas tort, l’historienne. Mais ce qu’elle a oublié de faire – son émotion était peut-être trop grande devant ce énième coup porté à son Afrique -, c’est de se demander pourquoi après plus de cent ans, son continent est toujours celui-là qui doit être à la portée des impérialistes qui peuvent s’y aventurer, pour leurs intérêts, quand et comme ils veulent ? Pourquoi l’Afrique est-elle demeurée, malgré toutes ces années qui se sont écoulées depuis l’appel de Victor Hugo à la prendre, le même continent, la même masse de terre, la même tourbe, la même plèbe qu’on peut si facilement prendre ? Pourquoi des peuples, comme ceux de l’Asie, qui auraient pu faire prononcer à Victor Hugo les mêmes phrases en 1879, ne peuvent plus être envahis, aujourd’hui, de manière anarchique, par les impérialistes ?

Suite au fameux discours du 26 Juillet 2007, beaucoup de théoriciens africains, ayant trouvé un bon moyen pour sortir de leur désœuvrement, avaient sorti des livres et des livres, pour montrer à Nicolas Sarkozy que leur Afrique était entrée dans l’histoire, qu’elle n’était pas un paillasson sur lequel n’importe quel énergumène pourra s’essuyer sa crasseuse bouche remplie d’injures… Mais, curieusement, c’est le même Nicolas Sarkozy, narguant tous ses tomes dont certains lui avaient même été dédiés, qui, quatre ans seulement après son discours si contesté, ordonne que cette Afrique qui ne réussit toujours pas soit aidée… par ses amis dont lui.

Il est temps que ces intellectuels hypocrites, presque tous ayant fui l’Afrique et s’étant naturalisés Français, qui n’ont trouvé aucun moyen de jouer à la star que tromper des masses par leurs viles théories anti-impérialistes, leurs litanies antifrançaises blasphématoires, leurs logiques antioccidentales qui ne tiennent pas… comprennent, enfin, ou plutôt aient l’honnêteté d’affirmer – comme ils le savent très bien -, que personne ne sauvera personne dans ce continent par des discours émouvants. Car il est très facile, trop facile aujourd’hui d’émouvoir les masses africaines aveuglées par trop de frustrations. Voici des années et des années que nous sommes là, inertes, répétant la même chanson, transformant des mots en des maux pour justifier notre incapacité : néocolonialisme, françafrique… et bientôt, chinafrique, indafrique, brésilafrique… La soif de domination n’est pas spécifique à l’Occident. Tout peuple, toute ethnie, tout groupe puissant cherche toujours à dominer. Les multiples guerres tribales et conquêtes qui jalonnent l’histoire des tribus africaines le prouvent très bien. Toujours là, à la même place, à chercher les causes de notre échec dans les autres, oubliant que nous-mêmes, entre os et cuir, nous portons trop de paresse, trop d’hypocrisie, trop de méchanceté, trop de haine, trop de mesquinerie, trop d’irresponsabilité, trop de lâcheté, trop de traitrise…

Victor Hugo n’aurait jamais demandé à ses compatriotes d’aller prendre l’Afrique à personne, s’il n’y avait pas senti un vide. Nicolas Sarkozy n’aurait pas prononcé le discours de Dakar s’il n’était pas convaincu qu’il s’adressait à des incapables qui ne savent que s’émouvoir. Il n’aurait pas donné l’ordre d’aller bombarder la Libye, si ces polichinelles qui forment ce que nous appelons Union africaine avaient eu la force de conseiller leur mécène, leur tuteur, leur bon Samaritain Mouammar Kadhafi de quitter, de manière pacifique, un pouvoir qu’il a obtenu par un coup d’Etat.

Il y a deux ans, aux Nations unis, Mouammar Kadhafi, dans ses jours de gloire, pour émouvoir la plèbe africaine, demandait aux Occidentaux de payer une dette coloniale à l’Afrique ou les Africains iront eux-mêmes la chercher. S’ils savent, bigre, où elle se trouve, cette dette coloniale, pourquoi ne sont-ils pas encore partis la chercher ? De retour chez lui, heurté à la contestation de son peuple fatigué de sa dictature, il crée une nouvelle raison pour faire coloniser son pays, s’autoproclame antioccidental, joue à la victime, lui qui juste hier sillonnait la France et toute l’Europe, encensé. En on s’indigne dans nos petits coins invisibles, pauvres miséreux ! Indignez-vous, mes chers, Stéphane Hessel1 vous en donne le plein droit, indignons-nous, nous sommes nés pour nous indigner en Afrique… quand nos amis occidentaux viennent nous… sauver.

Prenez la Libye, chers amis occidentaux ! Prenez cette Libye orpheline de l’Union africaine ! Pillez-la, volez-la ! Finissez-la ! Notre émotion passera bientôt. Elle passe très vite, l’émotion nègre. Prenez la Libye, impérialistes, colonisateurs, néocolonisateurs, françafricains… A qui ? A personne ! Euh… à Dieu.

1-     Le Français Stéphane Hessel a publié en 2010 un petit livre à succès, Indignez-vous.

 

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

Alimou
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C'est incroyable ce que nous partageons la même vision quant à cette attitude "indignatoire", attentiste et nombriliste de "nos" pseudointellectuels, prestes à défendre à cors et à cris, des causes perdues et indéfendables! Haro sur eux! Je te soutiens, encore, mille fois amigo et ton billet constitue à lui seul une véritable coalition pour les bombarder tous,de Kadafi à Ba Konaré, en passant par K. Béyala et Ce Bag que les Ivoiriens n'arrivent pas à ce défaire!

David Kpelly
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Alimou, ce qui est fatal, c'est que ces pseudo intellectuels,produits finis de la France, savent très bien que leurs théories antioccidentales bancales ne peuvent jamais tenir! Jamais! Et c'est là le drame. L'hypocrisie, toujours l'hypocrisie, pour des intérêts individuels.
Amitiés

Thomas
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Digne d'être Africain !

sall
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Je partage votre avis à 100%; je crois qu'il est temp que les dirigents Africains, comprennent, qu'ils sont completement à côté de la plaque et qu'ils sont trés loins des aspirations de leurs peuple; et que diriger c'est guidé vers la limière et pas dans un trou infecté ,de PALIDISME,de SIDA, de la MISERE

David Kpelly
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Mon cher Sall, et toute cette mascarade indigeste, c'est nous, jeunes africains, qui en souffrons. Et c'est triste.
Amitiés

seyd
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Je suis indigné par tes propos antiafricain, il n'ya pas de peuple sans histoire, la France et les USA que vous admirés tant ont connu aussi des périodes de grandes guerres et de combats farouchs avant qu'ils ne soient ce qu'ils sont aujourd'hui. La france et les USA n'ont nullement le droit de bombarder un pays souverrain sous pretexte de sauver la population, si c'est le cas pourquoi n'ont-ils pas bombardé la chine,ou le zimbabwe ou la russie...
On n'est tous d'accord de ne pas être d'accord c'est ça la democratie.
Donc respect à toi

David Kpelly
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Je ne tiens pas de propos antiafricains, mon cher. Je suis africain et je respecte mon continent, je me respecte. Je propose juste que nous cessions de nous voiler la face en nous cachant derrière des mythes. C'est de la pure irresponsabilité. L'Afrique se lèvera quand nous apprendrons à nous questionner nous-mêmes et laisser les autres en paix.
Cordialement

Marine
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J'ai la honte toute bue d'adherer a ce discours de verité. Je suis atterré par ce qui se passe en Lybie mais dois je accepter la triste verité de ton billet .

David Kpelly
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Honte, oui, c'est le sentiment qui doit nous inonder, Africains, chaque fois que l'on s'interroge sur les réalités de notre continent. Mais il faut que cette honte nous fasse vraiment honte, nous pousse à changer, pour enfin aider ce pauvre continent à évoluer.
Amitiés

Christelle BITTNER
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Très très juste... Je me pose souvent la question des modèles économiques ou de développement que l'on veut "imposer" en tant que micro ONG au Pérou... Lire ces lignes me fait du bien. ça n'a rien à voir dans l'objectif ni l'ampleur mais c'est certain que se questionner et se mettre à faire par soi-même est le début du bon sens...

David Kpelly
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Se questionner, c'est juste ce que nous ne voulons pas faire, Christelle, et c'est la seule cause de notre éternel échec.
Amitiés!