Confessions d’un visionnaire fessologue

25 avril 2011

Confessions d’un visionnaire fessologue

 

Eh Dieu, tu as été témoin, hein ! Tout a commencé ce matin de septembre 2006, mes jours sombres de chômage, où plus d’un an après l’obtention de mon Brevet de Technicien supérieur en Marketing et Communication mes multiples demandes d’emploi n’avaient réussi à séduire même pas une seule entreprise togolaise. Ma mère, Mère Marthe, fatiguée de me nourrir après s’être totalement endettée pour m’inscrire dans une de ces prestigieuses écoles supérieures privées qui coûtaient une fortune en ces temps au Togo, avait fait une violente irruption dans ma chambre, ce matin, quand j’étais toujours en train de prendre mon plaisir de chômeur oisif entre les bras de sire Morphée : « Crois-tu que tu pourras réussir quelque chose ici-bas sans Dieu, hein, n’as-tu pas honte de traîner tous les jours à la maison comme une tortue, hein, crois-tu que moi, la pauvre, je vais passer toute ma vie à te nourrir, hein, regarde autour de toi, des garçons moins âgés que toi ont des femmes, ils ont des enfants et s’occupent de leurs parents alors que toi tu ne peux rien faire, rien à part sucer mon sang, moi une vieille veuve, rien à part t’enfermer dans ta chambre et te masturber parce que malgré ton chômage tu penses à ces choses, crois-tu que je ne vois pas tes vieux habits dans lesquels tu fais ces cochonneries-là et que tu caches sous ton lit, hein. Ecoute-moi bien, si ce soir tu ne vas pas à la veillée de prière te faire délivrer pour toujours de ces esprits maléfiques que tu as dans le corps et que tu as hérités de ta maudite famille paternelle, je ne vais plus te faire manger et tu  mourras de faim, espèce d’animiste sans vergogne.»

Hum ! Comment réagit un chômeur oisif même quand il se sent blessé jusqu’aux confins de son amour-propre ? Se soumettre. Tout simplement. J’acceptai d’aller à la veillée de prière.

Et le soir, à vingt-deux heures, j’étais dans le temple de l’une de ces églises qui naissent n’importe quand et n’importe comment au Togo, comme pour traduire l’image du pays où n’importe qui se retrouve n’importe où et n’importe quand, et dont la plus grande passion est de fustiger les églises catholique et protestante, les accusant d’être des assemblées d’animistes et d’idolâtres, d’églises mortes non visitées par le Saint Esprit, d’églises où l’on ne reçoit pas de visions, de révélations… Un temple plein à craquer où le pasteur, l’entrecuisse gonflé comme un ballon de foot devant les déhanchements de ces femmes cherchant soit un mari, soit un enfant, soit la paix avec leur belle-famille qui ne les aime pas, soit la mort de leur coépouse… récitait en anglais des prières et des prières en s’égosillant, noyant le jeune chômeur qui lui servait d’interprète sous un déluge de salive fétide.

Ce fut à la fin de la veillée, autour de quatre heures, que le pasteur interpella ma mère quand on s’apprêtait à rentrer. J’avais les yeux lourds de sommeil. «Marthe, fit-il à ma mère, remercie le ciel ce soir parce qu’il vient de te sauver. Sœur Marthe, je te dis que le ciel a répondu ce soir à tes prières. Je viens de trouver la solution au chômage de ton fils, il a enfin trouvé du travail, et un bon travail. Je te dis que Dieu me charge de te dire qu’Il va élever ton fils, très  haut, comme Il le fit à Joseph en Egypte. Remercie-Le ». Mère Marthe, sautant comme un ballon de tennis de Raphaël Nadal, répondait par des milliers de Dieu soit loué pour des siècles et des siècles, Amen. Le pasteur, excité, caressait la croix qu’il avait au cou. Qu’ils peuvent être de grands comédiens, ces pasteurs dont la formation se résume à trois mois passés à la frontière du Togo et du Ghana pour apprendre un anglais mal cuit à faire remuer sans cesse Shakespeare dans sa tombe ! Fatigué, je ne regardais que d’un air indifférent ces deux comédiens qui s’étaient trompé de profession. Ils auraient pu rivaliser avec Louis de Funès. Le comédien continua : «Dieu veut exploiter ton fils, comme Il a dans le passé exploité Gédéon. Dieu a placé en ton fils un don de vision, et il va, sur la demande de Dieu, devenir visionnaire dans cette église jusqu’à la fin de ses jours, il viendra vivre ici avec moi au temple, et servira le Dieu d’Israël. Dieu soit loué pour des siècles et des siècles. Amen.» La comédienne, ma mère, qui sautait toujours, cria un Amen à crever les tympans d’un vieux varan. Elle se tourna vers moi « Gédéon mon fils, quelle grâce pour moi ! Tu es ma fierté, mon bien-aimé fils. Je savais, depuis que je portais ta grossesse, que Dieu avait en moi mis un de Ses serviteurs. Moi Marthe, mère d’un visionnaire dans la maison du Seigneur ! Ô, servante de Dieu je suis, qu’il me soit arrivé comme le veut le Seigneur. Mon fils Gédéon, ta bénédiction est infinie. » Je faillis éclater en sanglots sous la vive déception. Rien à faire, Mère Marthe avait demandé au pasteur de me garder, par cette ruse, dans le temple, pour servir comme visionnaire dans l’église, comme l’ancien visionnaire avait gagné à la loterie visa et était parti aux States il y avait deux semaines. Elle préférait, Mère Marthe,  me sacrifier à ce filou de pasteur, que me voir passer toute ma vie comme chômeur. Moi qui avais toute ma vie rêvé devenir un cadre de banque !

Je me retrouvai le lendemain, avec toutes mes affaires, dans la maison du pasteur qui vivait seul, sans femme, sans enfants.

Le dimanche suivant, je fus présenté, sous un tonnerre d’applaudissements, au temple comme le nouveau visionnaire. Révélation de Dieu Lui-même, sur la tête du pasteur descendue. J’étais chargé de transmettre les volontés du Seigneur au temple. Et ma première mission était de révéler la fiancée d’un jeune cadre de l’église nommé Marc, qui souhaitait se marier. Car les mariages se déroulaient ainsi dans cette église, les jeunes désireux de se marier exprimaient leur désir au pasteur qui chargeait le visionnaire de leur révéler le choix de Dieu. Et c’était moi qui devais révéler le nom de la future épouse du jeune Marc.

Marc était un de ces jeunes hommes-là qui donnent la force à tous les jeunes d’étudier, gagner un boulot, réussir et s’enrichir jeunes. Agé à peine d’une trentaine d’années, il était responsable informatique à Air France Togo. Il était le jeune homme le plus riche, le plus propre et le plus respecté de l’église. Véritable fantasme de toutes les minettes de l’église. Ma première mission, donc, moi le nouveau visionnaire, était de révéler au temple la fille que Dieu choisissait pour ce play-boy. Quelle gloire, Terre et Ciel !

Ah, la belle vie ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la Terre aux chômeurs devenus visionnaires ! J’en avais vu ! Mais alors j’en avais goûté ! Consommé !

« Monsieur le visionnaire, il faut vraiment que tu me le fasses. Je te promets que tu auras tout, tout, tu comprends, hein, cette fois-ci je veux être l’heureuse élue, l’ancien visionnaire n’était pas sérieux, il prenait les sous, faisait même ça mais c’était toujours une autre qu’il désignait. Tu ne vas pas aussi me tromper je pense bien, tu auras tout, tu pourras même continuer à me faire ça après mon mariage avec Marc, ça va rester entre toi et moi. Fais-le-moi, au nom de Jésus, Monsieur le visionnaire, fais-moi épouser Marc, je t’en serai reconnaissante toute ma vie…»

Et, l’air sérieux, le nouveau visionnaire que j’étais, vautré entre les cuisses de ces filles qui voulaient être désignées comme étant la future épouse du jeune Marc, promettait de les révéler. J’en avais vu, touché, consommé ! Des claires, des café, des foncées, des noires, des multicolores, des rasées, des touffues, des larges, des moins larges, des pas-si-larges-que-ça, des profondes, des très profondes, des trop profondes, des sèches, des humides… ! De quoi compenser toutes mes années de masturbation !

Et, embarrassé, je me demandais encore ce matin, à quelques heures de la grande révélation que je devais faire devant tous les fidèles dans le temple, laquelle de ces filles, que j’avais labourées et relabourées, révéler quand le pasteur dans ma chambre rentra et s’assit à côté de moi sur mon lit : « Euh… mon enfant, tu viens de commencer ton métier de visionnaire et Dieu ne va pas te révéler des choses directement, Il va pour le moment passer par moi, voici le nom que tu dois révéler, la future épouse de Marc. » Je pris le bout de papier qu’il me tendait. Madeleine ! Cette jeune fille avec qui, la nuit passée, à son insu, je l’ai surpris rentrer dans sa chambre, sur la pointe des pieds !

 

Partagez

Commentaires

David Kpelly
Répondre

It's on!

Simon Decreuze
Répondre

les voix du seigneur sont impénétrables pas celles de ses sujets ;-)

David Kpelly
Répondre

Ah, Simon, c'est nous les visionnaires seuls qui pouvons pénétrer les impénétrables voies du Seigneur! Même si des fois on doit passer par les paires de fesses pour les découvrir (rires)
Amitiés!

Sylvia A.
Répondre

Euh, Dave plus en forme que jamais! C'est pas pour rien que Dieu t'a donné une tête aussi grosse (au sens propre et figuré). TRu sais, David, que tu es superbe quand t'es en forme? Courage avec ton imagination pépère!

David Kpelly
Répondre

Merci ma Sylvia, pour les compliments. Mais tu sais que je t'aime plus quand tu m'insultes, hein! Insulte moi donc, au lieu de me jeter des fleurs. Je ne peux être superbe, avec ma grosse tête, que quand tu m'insulte, ma ptite chérie. Allez, bonjour à tout le monde à Lomé.
Amitiés

Manon
Répondre

Mais je ne vois pas le rapport avec la photo. Cette photo, c'est un peu "comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer". Je n'ai pas eu mon histoire de fessée. Je suis frustrée. Je te tends une perche de dix mètres de long, là. Rebondis.

David Kpelly
Répondre

Frustrée, non, ma petite Manon, ma manonette à moi. Bien sûr qu'il y a des histoires de fessée (bob, au sens figuré). Ces filles qui se font dézinguer par le fameux visionnaire, ne sont-elles pas en train de réclamer des fessées? Bon, j'aime pas te voir frustrée. Tu le sais non, ma petite. Je vais rebondir, pour toi! Si si, pour toi seule.
Amitiés

Christelle
Répondre

Rock and roll... ça me rappelle une grand mère évangéliste alors que le reste de la famille est adventiste qui me dit: avant il n'y avant qu'une église mais depuis que les frères américains sont venus on nous a bien appris. ça me rappelle que dans le village le seul projet qu'ils voulaient développer c'était construire un nouvelle église et que je m'en suis sortir en me retranchant sous la laïcité... Je vais voir si ils n'ont pas besoin d'une visionnaire gringa, ça me paraît un métier honnête et divertissant... Bravo David

David Kpelly
Répondre

Euh, Christelle, faudra que tu me fasses signe quand tu gagnes ce boulot, j'ai de secrets à te filer, moi ancien visionnaire à la retraite.
Amitiés

Emile Bela
Répondre

Je crois qu'avec un tel billet, les chrétiens auraient dû de faire exploser le cerveau. ahahahah.
Drôle toi Yao, mon frère Baoulé
Amitiés

K G
Répondre

Cool. j'aime et je savoure.