Le Mali, c’est la nudité de l’O.N.U !

17 juillet 2012

Le Mali, c’est la nudité de l’O.N.U !

 

Ban-Ki-Moon, Secrétaire Général de L’ONU

 Il est doux, il est beau de mourir pour sa patrie… Bout de vers surgissant de ma mémoire encombrée de tous ces vers philosophiques que j’ai, durant mes années de lycée, ingurgités sans jamais avoir réussi à les comprendre à fond. Je ne sais de quel poème, de quelle œuvre je l’ai gardé, peut-être de Servitudes et grandeur militaires d’Alfred de Vigny, ou d’un philosophe quelconque, Rousseau, Aristote, Horace, Cicéron… je ne sais pas. Mais ce matin, en lisant les informations sur la crise malienne et la décision de plusieurs jeunes Maliens, lassés de la trop longue attente de voir, enfin, des forces, intérieures ou extérieures, intervenir au Nord du Mali pour chasser les islamistes qui y font la loi depuis avril passé, j’ai pensé à ce bout de vers. Et j’ai soupiré. J’ai soupiré en me remémorant cette autre phrase, d’Anatole France cette fois-ci, On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels.

Quatre mois déjà que le capitaine Sanogo a renversé Amadou Toumani Touré, pour lutter contre la rébellion touarègue, quatre mois que les rebelles touaregs jubilent, par médias interposés, d’avoir libéré leur territoire l’Azawad, quatre mois déjà que le Nord du Mali est tombé entre les mains des terroristes et des islamistes, quatre mois que les populations de cette région sinistrée subissent les pires châtiments que puissent engendrer des esprits aussi pervers et tordus que ceux de ces criminels drogués qui disent agir au nom d’Allah – Ah, Allah, curieux nom que celui-là !, quatre mois que ces populations sont privées et de vivres et d’eau et d’électricité, quatre mois que des jeunes sont privés de liberté, que des filles sont violées à ciel ouvert, que des femmes sont empêchées de saluer leurs fils, que des hommes sont empêchés de voir leurs femmes, que des enfants sont empêchés de jouer, que des amants sont fouettés en public puis mariés sur-le-champ. Quatre mois que les jeunes Maliens voient Tombouctou, la face de l’histoire, en train d’être démolie monument par monument, brûlée manuscrit par manuscrit, profanée tombe par tombe… Quatre mois qu’on leur promet que tout va se régler, que les islamistes et terroristes vont être chassés à coups de baïonnettes, que leur pays ne sera jamais laissé entre les mains des extrémistes, quatre mois qu’on leur fait réciter, comme une incantation, que le Mali est un et indivisible… mais quatre mois que le Mali est divisé, avec tout le Nord contrôlé par les barbus fanatiques, quatre mois d’une étrange inaction suspecte de ceux-là qui, à l’intérieur et à l’extérieur du Mali, prétendent régler le problème.

Alpha Omar Konaré, l’apparent chanceux qui a pendant dix ans préparé le Mali à l’humiliation en le vilipendant et qui s’est terré dans un silence incompréhensible depuis le début de la crise… Amadou Toumani Touré – Dieu seul sait où tu es et comment tu dors, général brave et patriote devenu un président aussi souriant que fourbe, aussi gentil qu’hypocrite, aussi conciliant que louche… Sanogo, le véreux, celui qui finalement a ouvert la porte à un malheur depuis des dizaines d’années tenu caché, patriote autoproclamé devant les peuples, toi qui as prétendu avoir pris le pouvoir pour lutter contre la rébellion et qui t’es retrouvé quelques jours après en train de négocier un titre de général puis d’ancien chef d’Etat… Cedeao, Union africaine, Etats-Unis, France, Algérie, Qatar, Onu… et tout le bazar d’industriels qui avez provoqué et qui nourrissez aujourd’hui la chute préparée du Mali, vous êtes seuls à connaître le rôle que chacun de vous joue dans ce théâtre ! Ceux parmi vous qui soutiennent les rebelles et les financent, ceux qui soutiennent les islamistes et autres terroristes et les arment pour de sombres raisons religieuses, ou économiques, ou pour pouvoir récupérer leurs otages, et ceux qui veulent vraiment sauver le Mali.

Il est clair qu’ils doivent être en très petit nombre parmi ce grand groupe que vous formez, tas d’industriels, ceux qui veulent vraiment sauver le Mali. Car voici quatre mois que vous alignez des sommets et des sommets, que vous sillonnez des salles de conférence et des salles de conférence, que vous organisez des négociations et des négociations, tous ces emberlificotages devenus vos moyens les plus réputés pour enfoncer les peuples qui, malheur, n’ont d’autres espoirs, d’autres forces que de croire en vous. On comprend mal comment après tant de sommets, de conférences et de négociations, vous n’êtes pas encore arrivés à poser un seul acte concret pour donner un brin d’espoir au peuple malien qui au jour le jour sombre dans le désespoir. Pendant que les islamistes et terroristes, saoulés et drogués, anéantissent des centaines d’années d’histoire à Tombouctou, rudoient de jeunes gens, violent de jeunes filles, endoctrinent et arment des adolescents, Laurent Fabius et son homologue algérien Mourad Medelci sourient sous les flashs et les sunlights à Alger, pour, nous dit-on, régler la crise malienne, Alassane Ouattara et Yayi Boni jouent au tennis avec le Conseil de Sécurité de l’Onu, se renvoyant tour à tour la balle de l’intervention militaire, Jean Ping debout devant le Conseil de Sécurité de l’Union africaine et François Hollande s’envoient, comme des boîtes de chocolat entre adolescents amoureux, des tags sur les moyens à mettre en œuvre pour restaurer le Mali.

Il revient « aux Africains eux-mêmes d’organiser le soutien au Mali », déclare François Hollande dans son interview du 14 Juillet. Ah oui, bon vieux François, s’il revient aux Africains eux-mêmes de s’organiser pour soutenir et sauver le Mali, eh bien, il leur revenait aussi eux-mêmes d’organiser le soutien à la Libye et à la Côte d’Ivoire en 2011. La résolution 1973 de l’Onu avait été votée en un clignement de cils en 2011, quand il s’agissait de liquider Kadhafi, et les chars français n’avaient pas attendu que les Ivoiriens s’organisent, toujours en 2011, avant d’aller déloger Laurent Gbagbo. On se demande ce que cherchent nos pays à l’Onu si chaque fois qu’une crise dépassant leurs capacités surgit, l’intervention internationale doit être liée aux intérêts de certaines puissances occidentales. La crise malienne n’est plus à la portée du Mali. Cette crise n’a d’ailleurs jamais été à la portée du Mali. Des revendications des séparatistes touaregs, ce pauvre pays vendu par ses présidents respectifs, presque sans armée et sans armes, est aujourd’hui face à une nébuleuse de terroristes, d’assassins, de narcotrafiquants et de brigands. Mais comme les tout-puissants décideurs n’ont pas encore défini avec précision leurs intérêts dans une éventuelle intervention, eh bien, on a la magnanimité et la bonne foi de laisser les Africains s’organiser entre eux et régler leur crise.

Il revient « aux Africains eux-mêmes d’organiser le soutien au Mali ». Tant mieux ! C’est ce que nous voulons d’ailleurs ici, cher François. Que vous nous laissiez nous-mêmes régler nos affaires, avec nos incapacités et nos insuffisances. Que vous laissiez nos institutions internationales incapables devant leurs responsabilités. Cessez donc d’envoyer vos ministres ici pour des intérêts flous, nous leurrant qu’ils sont là pour régler notre crise, cessez de nous duper par ces multiples conférences où vous affirmez parler du Mali sans jamais vouloir trouver des solutions pour sauver le Mali, cessez de nous embrouiller, de nous perdre du temps dans vos sommets infructueux sur le Mali, cessez de nous divertir avec tout ce bazar improductif, et vous verrez que des centaines de milliers de jeunes Maliens iront, ou armés, ou les mains nues, affronter leur ennemi. Des jeunes du Nord l’ont d’ailleurs déjà démontré le mois passé. Peut-être qu’ils mourront tous. Mais ils seront morts pour leur patrie le Mali, au lieu de mourir de chagrin et de rage en attendant vos douteuses solutions greffées sur vos maffieux cartels d’exploitation.

 

Titre inspiré de la pensée, L’exil, c’est la nudité du droit, de Victor Hugo

 

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

jean baptiste kouadio
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NO COMMENT

David Kpelly
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No comment, good comment. Amitiés!

Ahmed Bah
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Respect, mon cher respect. Le Mali te sera toujours reconnaissant pour cette forte implication dans notre crise. Merci.

David Kpelly
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Amitiés, cher Ahmed. Le Mali c'est mon pays. Je me sens tellement concerné par la chute de ce pays. Aussi concerné que les Maliens d'origine.

Aminata Yaressi
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Très impressionnant,le Mali vous remercie. On espère que vous resterez définitivement chez nous. Vous êtes très valeureux. Merci.

David Kpelly
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Oh, chère Aminata, je suis déjà au Mali, et je ne sais si je vais quitter, et quand. Je suis quand même là. Merci de l'hospitalité au Maliba!

Konate
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Je suis vraiment touchée par vos écrits..Que Dieu vous garde!!

David Kpelly
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Tout un plaisir, cher Konaté.
Amitiés

Andeye Coulibaly
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Le Mali s'en sortira, cher écrivain, et vous tous qui vous souciez de son bien-être vous retrouverez votre joie perdue.
Merci beaucoup pour ce message de coeur. Merci

David Kpelly
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Tout un plaisir, chère Andeye.
Amitiés

Agnès
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Bien dit, rien à ajouter.

Mass
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Bien dit. Merci.