Lettre d’un colonisé aux patriotes maliens
J’ai reçu, ce matin, à 10h57, dans ma messagerie Facebook, ce message d’un internaute malien, dont j’ai accepté hier l’invitation sur Facebook. « Monsieur David Kpelly, j’aimerais être plus courtois avec à vous dans ce message, parce que je respecte votre niveau, en lisant votre biographie, mais je ne peux pas le faire, compte tenu de la colère que vous me donnez au cœur en ce moment. Force est de constater que suite à vos articles, Le Mali et sa déhontée façon d’être libéré et Main basse sur le Mali, autopsie d’un putsch que j’ai lus dans le journal en ligne africain www.koaci.com, j’ai décidé de vous dire que vous n’aimez pas le Mali comme vous le dites, mais que vous êtes un ennemi de ce pays. Si vous ne pouvez pas vous joindre aux Maliens pour sauver notre pays de l’occupation française et de la Cedeao, laissez-nous les Maliens on va le faire nous-mêmes. Nous ne voulons pas de la France et de la Cedeao et de vos ONU et autres chez nous. Si vous voulez vendre un pays aux Français parce que vous êtes payé pour écrire, allez vendre votre pays le Togo. Nous sommes des dignes fils de Modibo Keita, et notre patriotisme ne nous permet pas de voir ces troupes occuper notre pays pour nous piller après. Nous connaissons nos vrais intellectuels maliens et nous les respectons. Allez au diable avec vos idées de lâche et de nègre néocolisé. A bon entendeur salut. Pour le Mali nous sommes prêts à mourir. Merci. »
Mon cher Abdoulaye – je garde votre nom secret, merci de votre message. J’ai lu sur votre profil Facebook que vous êtes étudiant en sciences juridiques à l’université de Bamako. C’est bien, et j’aime des jeunes ayant du caractère comme vous. L’Afrique en a besoin… Cher Abdoulaye, la grande source de votre colère suite à la lecture de mes deux articles que vous incriminez est mon soutien à l’intervention de la France et de la Cedeao pour soutenir l’armée malienne contre les islamistes qui s’avançaient à grands pas vers le sud du Mali. Je vais vous répondre, et vous dire les raisons de mon soutien à cette intervention.
Sachez, mon cher Abdoulaye, pour commencer, que s’il y a un groupe dont je n’aimerais jamais faire partie, c’est celui-là que vous avez créé, vous certains Africains goinfrés des discours oiseux de certains intellectuels africains, vous qui vous baptisez « patriotes, panafricanistes, anti-impérialistes… » et dont la grande devise est la haine de l’Occident et la victimisation vis-à-vis d’un passé qui ne vous a pas été glorieux. Parce que contrairement à vous, moi je ne conçois pas le patriotisme comme un fardeau qu’on est obligé de nourrir avec une perpétuelle haine envers les autres, mais comme un sentiment d’amour de la patrie, un amour qui pousse le patriote à faire appel à ses frères des autres patries pour sauver sa patrie quand elle est en danger. Voilà ma conception du patriotisme, et c’est pourquoi je n’hésite pas à crier au secours aux Africains, aux Occidentaux, aux Asiatiques… chaque fois que je sens que mes patries le Togo, le Mali et tous les autres pays africains sont en danger. Si c’est cette conception qui fait de moi un néo-impérialiste, je l’accepte, avec plaisir.
Mon cher Abdoulaye, vous avez sans doute fait partie de ces Maliens qui ont applaudi, le 22 mars 2012, le renversement du président malien démocratiquement élu Amadou Toumani Touré par un groupe de sous-officiers, le Capitaine Sanogo en tête. Vous avez, je crois bien, fait partie de ces jeunes qui ont, quelques jours après, crié « A bas la Cedeao, l’Union africaine, l’Onu, la France, la Communauté internationale… » quand ces derniers ont ordonné aux putschistes de laisser le pouvoir pour permettre aux vraies autorités maliennes de régler le problème de la rébellion touarègue qui venait d’éclater au Nord. Vous aviez, je crois, mon cher Abdoulaye, été de ces jeunes qui ont envahi le tarmac de l’aéroport de Bamako en mars 2012 pour empêcher une délégation de la Cedeao d’atterrir au Mali pour régler la crise institutionnelle qui venait de s’ajouter à la guerre au Nord… Et vous êtes aujourd’hui de ces Maliens qui critiquent l’appui apporté par les forces françaises et africaines aux troupes maliennes pour contenir l’assaut des islamistes qui s’avançaient sans défense vers la capitale malienne Bamako. Inutile de vous préciser que la France a intervenu sur la demande du président malien par intérim Dioncounda Traoré, puisque que vous dites ne pas reconnaître ce président à vous imposé par la Communauté internationale. Vous aviez d’ailleurs manqué de l’assassiner dans son bureau en mai 2012, pour le contraindre à la démission.
Cher Abdoulaye, il est beau, votre patriotisme. Mais je voudrais savoir si vous vous êtes déjà demandé ce qu’il peut vous apporter, ce patriotisme, s’il ne se manifeste qu’à travers les beaux discours sur les valeurs et richesses de l’Afrique, ces discours que vous peaufinez avec des personnalités aussi hétéroclites que Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Martin Luther King, Kwame N’krumah, Sylvanus Olympio, Sékou Touré, Chaka Zulu… et même Kadhafi ! Vous chantiez votre patriotisme quand les islamistes occupaient une à une toutes les villes du Nord, devant une armée totalement déstabilisée et divisée par votre grand capitaine patriote Sanogo. Vous dansiez votre patriotisme quand ces criminels endoctrinaient des enfants du Nord en leur donnant des armes pour tuer leurs propres frères, violaient nos sœurs, humiliaient nos mères, coupaient mains et pieds à nos frères, détruisaient des monuments et tombes vieux de centaines d’années… Vous proclamiez votre patriotisme à travers des marches dans les rues de Bamako, le mercredi passé, quand les islamistes marchaient paisiblement sur la ville de Konna, ayant neutralisé l’armée malienne en un clin d’œil. Vous serez là à professer votre patriotisme quand ces criminels drogués massacreront toutes les villes maliennes dont Bamako et instaureront leur terreur.
Cher Abdoulaye, vous perdrez ainsi le Mali, en chantant votre amour pour lui. Parce que vous ne savez que chanter, danser et marcher pour montrer votre soi-disant amour pour votre pays et l’Afrique. Voilà pourquoi, mon cher, je ne ferai jamais partie de votre groupe de patriotes-là. Un groupe de patriotes qui ne peut rien faire pour aider l’Afrique à part de beaux et longs discours. Un groupe de patriotes qui ne peut défendre le Mali, l’Afrique contre aucun, mais alors aucun danger. Je crois en l’amitié entre les peuples, je crois en un monde où tous les Etats peuvent s’aider, où tous les pays, sans distinction de race, de position géographique, de richesse, de religion… peuvent s’aider entre eux. Je crois surtout en une Afrique qui doit, enfin, faire partie du monde, et compter sur le soutien de tous ses amis – tout comme tous ses amis européens, asiatiques, américains… comptent sur son soutien – quand elle est en danger. C’est pourquoi je dis « Bienvenue » à l’armée française au Mali.
Très Cordialement
Votre néo-impérialiste si fier de l’être…
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