Pitié pour notre sébile, Messieurs de la Minusma !

26 mai 2014

Pitié pour notre sébile, Messieurs de la Minusma !

Soldats de la Minusma
Soldats de la Minusma

Messieurs de la Minusma,

C’est un honneur pour moi de vous adresser cette lettre en ce moment crucial de la vie sociopolitique du Mali, vous qui êtes des amis du Mali, comme nous l’a rappelé tout récemment le président malien. Un honneur pour moi parce que, tout comme vous, je suis un ami du Mali, pays où je vis et travaille depuis six ans. Un honneur pour moi, parce que selon la sagesse africaine, il y a des vérités que les amis doivent se dire de temps à autre, pour renforcer leur amitié. Et la vérité, elle rougit les yeux de l’ami, mais les crève pas. Disons-nous donc, chers amis de la Minusma, certaines vérités, entre amis du Mali.

Messieurs de la Minusma, il serait honnête que nous commencions cette lettre en vous avouant que si les Maliens vous ont fait appel en 2013, ce n’est vraiment pas avec joie. Ah ça non ! C’est simplement parce que le Mali était dans une situation désespérée et avait besoin d’aide, de n’importe quelle aide, à n’importe quel prix. « Celui qui se noie ne distingue pas un papayer d’un iroko, il s’accroche à tout », sagesse des anciens. Le Mali a été obligé, en 2013, de s’accrocher à vous parce qu’il était au bord de la noyade. Aucun pays africain n’est prêt aujourd’hui à faire appel à l’ONU et à ses pompeuses missions de son plein gré, puisqu’on connaît le prix, la durée – indéterminée – et le résultat.

Chers Messieurs de la Minusma, dans votre mandat au Mali, il est mentionné que vous êtes là pour la « Stabilisation de la situation dans les principales agglomérations et la contribution au rétablissement de l’autorité de l’État dans tout le pays. » Votre mission se définit d’ailleurs comme : « Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali ». Nous autres de la tourbe avons donc été étonnés, il y a quelques jours, par votre refus de prêter main-forte à l’armée malienne dans ses tentatives de reconquête des zones du territoire malien illégalement occupées. Vous avez même refusé, nous a-t-on raconté, de protéger des officiels maliens, prétendant que cela ne faisait pas partie de vos missions. Vous avez copieusement assisté aux mortels affrontements entre les militaires maliens et les groupes armés ayant envahi le nord du Mali. Vous avez regardé des hommes tuer et exécuter des hommes, des soldats agoniser et mourir… alors que dans votre mandat, il est également mentionné que vous êtes au Mali pour la « Promotion et la défense des droits de l’homme. » Le droit à la vie ne fait-il pas partie des droits de l’homme version Minusma ?

Messieurs de la Minusma, nous serions ingrats, dix fois ingrats, cent fois, mille fois ingrats, si nous affirmons que votre présence au Mali n’a rien donné de positif. Vous avez contribué à maintenir presque debout ce pays, à un moment où il était complètement terrassé – et nous saluons particulièrement le sacrifice de nos amis et frères du Tchad, même si votre mission n’est pas gratuite, et que vous la ferez payer par… par…  qui déjà ? Pourquoi ne pas nous le dire, comme nous sommes entre amis, vous la ferez payer complètement, votre mission, par le Mali ! Et quand on voit le coût, on ne peut que commencer à pousser des soupirs de compassion pour ce pays aride en Cfa. Tiens, juste pour mémoire – on est entre amis et on peut se communiquer des chiffres, les bons comptes faisant les bons amis -, le budget approuvé de votre mission sur la période du 1er juillet au 31 décembre 2013 est de 366 774 500 dollars américains !

Messieurs de la Minusma, vous voyez vous-mêmes qu’à ce prix vous ne pouvez pas ne pas faire du bon travail à votre ami le Mali. A ce prix on ne donne pas du faux à son ami. Ce pays est trop pauvre pour que l’ONU et votre mission n’aient pas pitié de lui. Même le voleur le plus éhonté frémit devant la sébile d’un lépreux, et sucer si injustement les pécules de ce pauvre Mali est aussi cruel que voler des pièces de monnaie dans la sébile d’un lépreux. Le Mali n’est ni la République démocratique du Congo ni la Côte d’Ivoire. Le Mali c’est le Mali, 2/3 de désert, pas de cacao, pas de café, pas de diamant, seulement un peu d’or, et même pas encore de pétrole ! Pitié pour le Mali, chers amis !

Chers Messieurs de la Minusma, nous nous indignons, oui, nous sommes inquiets, parce que nous commençons à sentir que vous êtes en train de livrer un mauvais travail au Mali. Et le mauvais travail, c’est de regarder les bras croisés des assaillants exterminer les défenseurs de ce territoire que vous êtes censés protéger. Le mauvais travail c’est quand on voit des voitures de votre mission marquées de l’inscription « UN » végéter devant des bars de Bamako à longueur de journée. Les bières de Bamako n’ont pas nécessairement besoin de vos agents pour êtres bues : les Camerounais, les Congolais et les Togolais sont là, à Bamako, pour ça. Le mauvais travail, c’est de croiser vos agents paradant dans vos grosses 4X4 dans toutes les ruelles de Bamako, aux côtés des jeunes Maliennes, comme s’il n’y avait pas déjà assez d’Ivoiriens pour les courtiser, ces filles. Le mauvais travail, Messieurs de la Minusma, c’est de venir passer cinq ou dix ans dans ce pays, avec ces salaires colossaux que vous percevez, et vous en aller un jour – ou ne même plus vous en aller – sans avoir réglé le problème du Mali d’un seul cheveu.

Messieurs de la Minusma, chers amis du Mali, cette sagesse africaine le dit si bien, mieux vaut ne pas être présent aux funérailles de sa belle-mère que d’y être présent et voir cette dernière être enterrée dans un pagne déchiré. Il est vrai que c’est nous-mêmes, Maliens et amis du Mali, qui vous avons fait appel en 2013, mais si vous n’êtes vraiment pas là pour sortir le Mali de cette grande humiliation jetée sur lui depuis deux ans, si vous n’êtes pas là pour aider le Mali à retrouver son intégrité territoriale, si vous n’êtes pas là pour redonner le sourire aux Maliens devant leur pays apaisé et réconcilié, si vous n’êtes pas là pour le Mali, rien que le Mali, eh bien, chers amis, ramassez déjà vos cliques et vos claques et quittez ! Vous nous aurez au moins épargné nos pauvres Cfa, nos casiers de bière, et… nos filles !

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

AD1
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Rien que la verité merci Kpelly de votre analyse tres pertinente

Abdoulaye
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Merci de votre franchise. Très bonne reflexion.

mareklloyd
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Comme d'habitude hein.. Dis, quand vas tu me prêter ta plume??

DEBELLAHI
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Les choses que tu fais, sont tout simplement merveilleuses. Bravo pour le talent, merci pour la qualité. Toutes mes amitiés. Même si j'ai quitté la plateforme, je n'ai pas l'intention de te rater, un seul instant.

David Kpelly
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Cher Debellahi, Merci des compliments. Pour ton départ de la plateforme, j'en suis très touché. Et je voudrais qu'on en parle en privé. Je te contacterai donc très bientôt par mail.
Amitiés, cher ami et collègue.