Monsieur Ouattara, votre sécurité ne vaut pas la vie de cent personnes

30 juin 2017

Monsieur Ouattara, votre sécurité ne vaut pas la vie de cent personnes

Alassane Ouattara

Monsieur Ouattara, je suis un citoyen togolais, voisin et frère de la Côte d’Ivoire, le pays que vous dirigez depuis six ans. Permettez-moi, tout d’abord, de vous souhaiter beaucoup de courage dans la gestion de toutes ces mutineries qui embrasent votre pays depuis un certain temps. Vous êtes, aujourd’hui, dans la posture d’un père de famille condamné à vivre sous le même toit avec des enfants ayant sombré dans le grand banditisme et pouvant prendre les armes contre lui n’importe quand. Mais passons, vous auriez dû y penser quand vous faisiez appel à des bandits, des drogués, des gangsters et des rebelles pour vous aider à prendre le pouvoir.

Monsieur Ouattara, je vous écris par rapport à une situation vécue le dimanche 25 juin 2017 dans un avion de la compagnie Air Côte d’Ivoire en partance de Lomé pour Abidjan. Il sonnait 09H25 minutes. Nous étions une centaine de passagers installés dans un bombardier de la compagnie aérienne ivoirienne, quand on nous informa que notre décollage allait prendre une vingtaine de minutes de retard, l’aéroport d’Abidjan étant fermé pour raisons de sécurité à cause d’un voyage présidentiel.

Je ne vous reporterai pas ici toutes les injures, les menaces, les malédictions et mauvais sorts dégainés contre vous par les passagers, des Togolais, des Ivoiriens, des Congolais, des Ghanéens, des Nigérians, des Camerounais… mais je peux juste vous confirmer une chose : vous êtes, Monsieur Ouattara, un président très détesté. Sans doute l’un des plus détesté du continent noir.

Nous avons fini par décoller après une vingtaine de minutes de retard et, sur fond de commentaires désobligeants, de railleries et de quolibets sur vous, nous arrivâmes à Abidjan. Mais au moment de la descente, on nous informa une fois de plus qu’à cause d’un retard de votre vol, l’aéroport était toujours fermé et que nous étions obligés, tout comme d’autres avions, de tournoyer dans les airs pendant une vingtaine de minutes, le temps que vous décolliez.

Branlebas. La colère des passagers contre vous, Monsieur Ouattara, devint hystérie. Une sexagénaire congolaise derrière moi sortit sa Bible et récita un chapelet de malédictions contre vous, votre famille et votre descendance. Notre petit avion à la dérive tanguait dans une zone de turbulence, certains passagers réclamant qu’on nous amène atterrir à Yamoussoukro, une autre ville de la Côte d’Ivoire, ou bien à Conakry ou Accra, des capitales africaines proches d’Abidjan. Les vingt minutes de retard devinrent trente, quarante puis cinquante. Et nous atterrîmes, enfin, les cœurs en rage, la peur au ventre, désespérés, après le départ de votre avion.

Monsieur Ouattara, nous le savons tous dans ce continent : nos humeurs, nos peurs, nos angoisses, nos inquiétudes sont le dernier des soucis de ceux qui dirigent nos pays. Mais, soyez rassuré, ce mépris, ce dégoût que vous, les dirigeants, vous nourrissez envers nous, vos administrés, est réciproque. Si nous en avions la capacité, nous aurions trouvé un moyen de ne plus jamais poser les yeux sur vous.

Donc, pour votre sécurité (puisque vous n’avez aucune confiance en nous, au point de fermer et de bloquer tout dans le pays chaque fois que vous passez ou devez voyager), construisez, vous et vos compères, des aéroports personnels loin de nous, dans des profondeurs où vous n’aurez plus à nous éviter, étant donné que vous nous suspectez de vouloir vous tuer. Construisez-les, nous le permettrons, avec l’argent public devenu votre argent, nous n’en dirons rien. Nous avons déjà vu certains d’entre vous construire des palais de milliards de francs dans leurs bourgades natales de moins de 100 habitants, des palais ayant pour seuls habitants les lézards, les rats et les serpents et autres reptiles qui s’y accouplent et y défèquent à volonté. D’autres ont allongé des routes bitumées depuis nos capitales sans routes vers les villages de leurs mères, juste pour y passer deux jours dans l’année. D’autres encore ont, avec l’argent public, c’est-à-dire leur argent, construit des hôpitaux personnels à eux et leurs familles. Un aéroport pour vous seuls, qui nous permettrait de jouir tranquillement de nos aéroports nationaux, ne serait pas un gâchis.

Parce que, Monsieur Ouattara, tant que vous et vos pairs continuerez de vous mélanger à nous autres de la tourbe, eh bien, vous n’aurez pas le choix, vous serez obligés de composer avec nous, de subir nos colères, nos indignations, nos injures, nos malédictions… chaque fois que, pour décoller, vous nous contraignez à risquer nos vies (nos vies de rien de tout, à vos yeux, mais des vies quand même) dans les airs. Car votre sécurité ne vaut pas la vie de cent personnes. Pas même celle d’une seule !

 

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Commentaires

RitaFlower
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Le ton de la lettre reste courtois et poli à la fois.La sécurité aérienne des voyageurs ne semble pas etre une priorité nationale pour un Chef d'Etat qui n'a le souçi que de sa propre sécurité et celle aussi de ses proches.

King
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Je suis heureux d'avoir lu une telle vérité ... partagez pour que cela arrive dans leurs oreilles .... bande de vautours ! Suceurs de sang oui... C'est pas sur nos vies vous aurez cette chance . Tsrrrmmmm

Mawulolo
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Je savais qu'un verbe comme "s'accoupler" sera toujours là...

N'Guessan Jean Christ Koffi
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No, comment. Je valide !

Emile Bela
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Depuis quand tu es si sage, hein? Ce ton si courtois ne te ressembles pas didonc!
N'est-ce pas toi qui parle, parle, parle jusqu'àààà fort fort comme ça, hein?
Or donc, tu as peur de parler cette fois Ahahahaha
Clin d'oeil frangin!