David Kpelly

Urinez, madame, on vous suit !

 Urinez, madame, on vous suit !

Femme accroupie, Carole Herlaut, mai 2005

 Certains les trouvent très efficaces et prétendent ne pas pouvoir s’en passer, d’autres les jugent au contraire inefficaces et disent ne jamais s’en servir, d’autres encore les trouvent tout simplement dépassés, les considérant comme des tas de saletés en ce siècle où tout est luxe et beauté.

Les gris-gris, appelons-les par leur nom, ont toujours défrayé la chronique dans les sociétés africaines animistes – parce que tous les Africains sont des animistes avant d’être chrétiens, ou musulmans, ou bouddhistes, ou shintoïstes, ou juifs… Les gris-gris sont-ils efficaces ou simplement de la pure arnaque de nos féticheurs, charlatans, marabouts et autres adeptes des dieux en bois, en argile… ? Difficile de répondre à cette question d’autant plus que si ces soi-disant porte-bonheur – et aussi porte-malheur – avaient une certaine efficacité, les Africains, champions dans ces pratiques, ne seraient toujours pas dans l’état où nous les connaissons tous aujourd’hui et que les charlatans, féticheurs, marabouts… soient encore là, vautrés dans une saleté indescriptible, à tirer le diable par la queue comme tout le monde. Cela relèverait aussi de la mauvaise foi que d’affirmer in extenso que nos chers gris-gris sont juste des ornements incapables de faire du bien ou du mal à qui que ce soit, car tout Africain, du moins tous ceux-là qui ont déjà vécu en Afrique juste pour quelques jours, peut affirmer avoir assisté, au moins une fois, à des prouesses de ces sacrées amulettes. Destination Bénin pour ceux qui n’ont jamais vu un gri-gri au boulot !

Cependant, la question qu’il convient de se poser est l’universalité de l’efficacité de ces gris-gris qui, pour avoir tout crédit, doivent normalement être utilisables et efficaces n’importe où sur la planète, euh, pourquoi pas dans l’univers, comme c’est des dieux !

Souley est un jeune cuisinier togolais vivant à Bamako au Mali. Il y a six mois, une jeune Malienne, bossant dans une grande banque de la place, lui a attrapé le cœur, c’est-à-dire lui a mordu dans l’âme, lui coupé le sommeil, pour tout dire clairement. Souley prétend être tombé amoureux de la jeune banquière. Mais la maladie d’amour, même si elle court dans le cœur de tous les enfants de sept à soixante-dix-sept ans, ne relie pas, ne relie plus des cœurs de différentes classes sociales. Tout se calcule maintenant, même si le cœur, dit-on, a ses raisons que la raison ne connaît point.

Souley est incapable de séduire la jeune banquière, il le sait bien. Que peut-il lui dire, lui donner, lui promettre, bon Dieu ! Son incapacité devant la situation le guida vers le recours que trouvent toujours les Africains devant les situations compliquées, les gris-gris. Un tour chez un charlatan togolais installé à Bamako. Le remède est simple, et tous les jeunes Togolais le connaissent, l’ayant au moins une fois pratiqué surtout durant leur enfance. Une tête de margouillat séchée, puis écrasée, et la poudre versée dans une petite boîte de parfum. Suivre la fille convoitée et en verser une petite quantité dans son urine. Tu parles, mon vieux, et la nana te suit comme hypnotisée !

Voici six mois que Souley a consulté son charlatan et préparé le remède, mais il n’a pas encore, même en rêve, eu l’occasion de sentir le parfum de la jeune banquière. Le problème ? Il n’a pas, encore, pu verser la poudre dans l’urine de la nana ! Simplement parce que les Bamakoises ne tripotent pas leurs culs dans la rue pour faire pipi. Le Mali, contrairement au Togo où les filles urinent peinardes dans la rue, est un pays à forte majorité musulmane et ces histoires de cul – surtout de femme – qu’on montre en public, ça n’existe pas, du moins au vu et au su de tous !

Le Souley suit donc la nana, son obsession, à l’insu de cette dernière, tous les matins jusqu’à son lieu de travail, la guette pendant toute la journée, la suit de nouveau le soir dans toute la ville dans ses courses de jeune fille, passe une bonne partie de la nuit tapi dans l’ombre derrière la maison de la gonzesse… juste pour la voir uriner, juste une goutte, pour appliquer le remède et l’envoûter !

Au Togo, son cher gri-gri aurait depuis fort longtemps accompli sa mission, comme là-bas, même les femmes et les maîtresses du président de la République n’hésiteraient même pas, pour une seule seconde, à sortir de leur 4X4, écarter leurs cuisses, et arroser tout ce qui a le malheur de passer dans ce rayon de leur déluge d’urine. Mais à quelques deux mille kilomètres, au Mali, eh bien, ce vilain incompétent gri-gri risque de moisir d’oisiveté dans sa poche, aucune Malienne, même très petite, n’ouvrant ses deux battants dans la rue pour faire pipi !


Un carnaval, euh… des carnavaux !

 

Un carnaval, euh… des carnavaux !

Etudiante d'un institut privé du Mali

La baisse du niveau de l’éducation dans les pays africains francophones devient au jour le jour un problème très crucial. Les écoles privées, qu’elles soient primaires, secondaires, ou supérieures, qui poussent dans tous les coins de rue comme des champignons, sont désignées comme principales responsables. Dans ces écoles, où la qualification des enseignants n’est pas garantie, raconte-t-on, les promoteurs, encaissant quelques pécules, sont prêts à faire passer avec de très bonnes moyennes les élèves les plus nuls. Le résultat est inévitable, c’est la production de masse d’une élite qui ne peut briller que par son incompétence. On se rappelle qu’avec un diplôme d’études primaires, nos grands-parents et parents étaient aptes à faire un très bon usage de la langue de Molière. Mais aujourd’hui, du Mali au Congo, en passant par le Togo, le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal, le Niger… c’est des étudiants incapables de faire une phrase simple sans une faute grossière qu’on rencontre. Quant à leur compétence dans leurs domaines respectifs, bah !

Il n’est pas possible de concevoir le moindre développement de notre continent avec un facteur humain mal formé. Même si, comme le disait un personnage d’Alain Mabanckou dans le roman Black Bazar (Seuil 2009), nous n’avons pas inventé l’imprimerie et le Bic, ce n’est pas avec nos sagaies que nous écrirons, enfin, une belle page de l’histoire de notre continent. Un peuple mal formé est une masse immonde, une plèbe… une tourbe selon Victor Hugo. Un peuple inutile qui ne peut jamais constituer une nation. Le temps où nous, les Noirs, aurions pu aller à la conquête du monde avec nos couteaux, nos sagaies, nos lances, nos gris-gris… est passé. Aujourd’hui, pour, enfin, briller aux yeux du monde, nous sommes tenus de prouver notre poids dans tous les domaines du savoir : art, sciences, lettres, technologie… Et cela ne peut arriver qu’à travers une très bonne formation.

Trop facile de mettre le fardeau de la mauvaise formation des élèves et étudiants sur le dos des seules écoles privées. Les écoles publiques ne valent pas mieux. Il y règne aussi la corruption, le népotisme, l’impunité, le harcèlement sexuel… Les autorités compétentes comme les inspections – si elles ne sont pas encore corrompues elles-mêmes – doivent mettre sur pied une vraie équipe de contrôle pour vraiment suivre le déroulement des cours dans les écoles publiques et privées. Les bibliothèques scolaires, encore inexistantes dans la quasi-totalité des écoles privées et publiques, sont à garnir de documents conformes aux réalités contemporaines. Les punitions corporelles, qu’on cherche de nos jours à éradiquer dans les écoles, bigre, Dieu seul sait pourquoi, doivent être remises à leur place, mais modérées. Le salaire des enseignants – le sempiternel problème – doit être revu à la hausse.

Et la vente des diplômes dans les ministères de l’Enseignement ? Ah, ça, on y reviendra, c’est un cas à étudier à part, un virus qui a besoin d’un vaccin spécial !

NB : Pour ne pas subir un procès de bidasse – parce que j’évite comme je peux ces gens-là, je précise, chers internautes, que la nana de la photo ci-dessus n’est pas une mauvaise étudiante ! Loin de là !


Bienvenue dans le monde de David Kpelly !

 Bienvenue dans le monde de David Kpelly !

Bienvenue, chers internautes, dans cet espace. Vous êtes dans le blog de David Kelly, un Togolais, passionné de littérature, observant son pays, le Togo, l’Afrique et le monde depuis Bamako, au Mali.

Castigat ridendo mores (corrige les mœurs en riant), nous avons baptisé ce blog, car notre devoir sera de porter un regard critique et objectif sur tout ce qui s’est fait et se fait au Togo, en Afrique, et dans le monde, avec humour, vivacité, optimisme, et dans une ambiance conviviale.

L’Afrique ! Oui, l’Afrique, bien sûr, nous en parlerons beaucoup plus, pas comme un Africain désireux de défendre son continent contre qui que ce soit mais comme un simple observateur regardant un continent avec ses joies et ses peines, ses déboires et ses espoirs, ses forces et ses faiblesses… Parce que nous faisons partie de ceux qui croient que le premier rôle d’un Africain n’est pas de défendre l’Afrique contre les critiques et les railleries, mais de l’aider à se perfectionner et s’élever au-dessus de ces critiques et railleries. Ce continent a besoin que l’on parle de lui, que l’on parle de lui pour le construire, et nous en parlerons.

Les articles postés aborderont tous les thèmes : politique, société, culture, histoire, nouvelles technologies… Chaque vendredi ou samedi, nous publierons, dans une rubrique intitulée « Afro découverte », une œuvre scientifique, technologique, historique, ou culturelle réalisée par un Africain d’hier ou d’aujourd’hui, pour montrer en quoi notre continent, à l’instar des autres, bouge, à sa manière. Et chaque dimanche, nous publierons une revue de presse intitulée « Afro hebdo », relatant les grands points de l’actualité africaine publiés dans des sites comme : Jeune Afrique, Afrik.com, Koaci.com, Icilome.com, Maliweb, Seneweb, Republicoftogo.com….

Cet espace vivra pour vous, comme c’est pour vous qu’il a été créé, mais d’abord par vous, à travers vos commentaires constructifs que vous posterez sur les articles  publiés, et vos remarques sur nos imperfections que vous ne devez pas hésiter à nous signaler.

Vivement, bienvenue dans notre monde, pour le Togo, l’Afrique, le monde, l’humanité. Toujours !

Cordialement

David Kpelly