La femme de l’officier niquée !

7 août 2011

La femme de l’officier niquée !

 


Trois mois plus tôt…

J’étais dans le hall d’Ecobank Mali, pour un transfert d’argent vers le Togo. Sacré chemin de Croix pour un jeune Togolais sorti d’une famille pauvre, démunie, que de trimer à l’étranger ! Il est la solution à tous les problèmes de sa famille au pays restée, et il suffit que son phone sonne, affiche l’indicatif du pays, pour que son cœur commence à battre tam-tam. Un nouveau problème à régler. Sur-le-champ. Vite, les dix chiffres de Western Union, la question et la réponse test. La sœur est très très très gravement malade. Le père en coma. L’oncle paralysé. La cousine a été opérée et son mari, conducteur de zémidjan, taxi-moto, n’a pas assez de sous pour la prendre en charge, elle est presque morte. Funérailles, cercueil à acheter. Toits à réparer dans la maison familiale. Uniforme de la mère à acheter pour la fête de la chorale à l’église. Ravitaillement impératif, cela fait plus de trois jours que personne n’a plus mangé à la maison… Tout !

Rien à faire, les Togolais restés au pays s’appauvrissent de plus en plus, au jour le jour, deviennent presque des mendiants, et posent tous leurs soucis sur les épaules des immigrés. Faure Gnassingbé, oisif, incompétent, toujours en train de tourner sur lui-même comme une toupie, emprisonnant ses frères et matant les opposants et étudiants. Les vieux collaborateurs de son dictateur de père reconvertis en conseillers à la Présidence en train de bousiller toutes les ressources de ce petit pauvre pays. Bon appétit, mes vieux, et à bas les jaloux ! Que vive le de-père-en-fils. Discipline.

Je boudais, donc, ce jour, il y a trois mois, derrière une queue d’une dizaine de clients devant le guichet de la banque dite panafricaine – slogan prétentieux pour une banque ! -, triste comme le Christ au Jardin des Oliviers, attendant mon tour pour envoyer vers le pays mon sang en CFA transformé, quand une femme balèze, une de celles-là qu’on voit aux volants des plus luxueuses voitures au Mali, ignorant la foule, alla se placer devant l’opérateur de la banque. Certains hommes maliens prétendent observer un semblant de galanterie ou un foutu principe de respect de la femme qui m’a toujours fait râler. Des hommes qui sont prêts, au nom d’une sourate mal interprétée, à entasser des femmes et des femmes sous un même toit, qui partent arracher au sein de leur mère des bébés qu’ils transforment en fabricatrices d’enfants, vous stipulent qu’en Afrique ils sont les plus grands galants, qui savent le plus respecter les femmes. Où qu’ils soient, quels que soient l’heure et leur programme, ces machos déguisés et hypocrites doivent toujours laisser passer les femmes ! Et ces femmes ont fini par s’y habituer, réclamant même cette galanterie et ce respect à qui ne veut les leur concéder.

Ce soir donc où, grinçant des dents, j’attendais mon tour pour faire mon transfert, cette femme chiant sur nous, comme une chèvre diarrhéique sur des balayeurs, alla se planter devant l’opérateur. Tous les grands galants d’Afrique se turent, refroidis comme le museau d’un chien. Fils de ma mère, Mère Marthe même en chair et en os, je devais réagir, même étant seul dans ce groupe de macho-maboulo-hypocrito galants. Fais confiance à ton fétiche et écrase du piment avec ton sexe, sagesse de mon grand frère de valeur Kangni Alem. Je me détachai du groupe, Madame, veuillez venir vous placer derrière la queue, vous venez d’arriver. Sans même daigner me regarder, elle me fit savoir qu’elle était très pressée. Croyez-vous, madame, que nous qui attendons depuis n’avons rien à faire de notre temps, hein ? Vous ne serez servie avant personne ici. Une clameur générale s’éleva dans le hall. Je crus d’abord que c’était mon franc-parler qui avait fait réagir, en ma faveur, le public. Erreur ! On ne parle pas ainsi à une femme au Mali. Un homme se détacha de la queue et vint droit devant moi se planter, commençant à me parler en bambara, la langue nationale du Mali que je ne comprends pas. La pâleur de ses yeux me fit savoir que son allumette était éteinte depuis fort longtemps. Astuce d’une vieille togolaise, Les hommes qui ne sont pas puissants en bas ont des yeux tellement pâles. Dix sur dix, grand-maman. Je lui demandai, à mon pâle impuissant, d’y aller en français parce qu’il aurait parlé à un roc s’il continuait dans cette langue. Ah, vous êtes même un étranger, eh bien, monsieur, sachez qu’il n’est pas bon de s’adresser ainsi à une femme. Cette femme peut être ta mère. C’est une responsable et elle mérite du respect. Je ne sais pas comment on vous éduque ailleurs pour que vous ne sachiez pas respecter les femmes. Tu as la chance d’être un étranger sinon nous t’aurions bien corrigé. Ne répète quand même plus ça. Je ne lui donnai même pas la valeur du cadavre d’une chèvre rachitique, fixant toujours, avec rage, mon adversaire qui n’avait plus ouvert la bouche, me fixant aussi. Tous les regards, étonnés, étaient sur moi. C’est un Ivoirien, ils ont toujours été impolis et orgueilleux, ils prennent les autres pour des animaux. C’est notre hospitalité qui nous fait accepter des choses comme cela dans ce pays, avait lancé une voix. Mon adversaire, enfin décidée à manifester sa colère par des mots, Jeune homme, j’aurais tant voulu te pardonner, mais mon cœur ne me le permet pas. Je n’ai jamais subi une telle humiliation de toute ma vie et je ne pourrai me calmer que quand je te sentirai puni. Je suis mère de famille et j’ai des fils plus âgés et plus instruits que toi. Elle coulissa son téléphone, Ousmane, rentre, j’ai besoin de toi. Ousmane, son mari sûrement, véritable vert-galant, ployant sous les galons qui recouvraient son uniforme d’officier, rentra la mine ferme, suivi d’un garde…

Je passai deux jours au commissariat de police, pour agression verbale commise sur la femme d’un officier…

Aujourd’hui…

Vingt-deux heures. Je suis devant l’hôtel Niger à Bamako. J’attends mon compatriote et ami Parfait, un cuisinier, qui depuis une semaine me demande de rencontrer la nouvelle mamito qu’il s’est tapée. Elle assure grave, crois-moi, elle avale mal, faut pas faire. Elle prend devant, elle prend derrière, elle prend sur le côté gauche, elle prend sur le côté droit, elle prend dans le grand trou, elle prend dans le petit trou. Et elle me bourre de CFA. Son mari est officier dans l’armée… Une tape amicale sur mon épaule. Parfait me présente à sa vache à lait, Voilà mon meilleur ami, madame, il se nomme David, il est professeur. Je lui tends la main et la regarde. Mais c’est elle ! Mme Officier ! Elle me reconnaît mais ne laisse rien paraître. Elle vient de se faire, une fois de plus, sauter, dans une chambre d’hôtel, dans le dos de son officier de mari, par Parfait, gigolo de la pure race, un de ces jeunes Togolais et Ivoiriens qui ont juré sur leurs fétiches de ne rien faire à part taper dans le dos des Maliens.

Je souris légèrement en baissant la tête. Je n’ai jamais subi une telle humiliation de toute ma vie, m’avait-elle dit dans le hall de la banque panafricaine.

 

 

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

Lalatiana Rahariniaina
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hé bein!

David Kpelly
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Hé bon quoi, hein Lala, cela m'apprendra à respecter les femmes, veux-tu dire?

ariniaina
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mdr
non, c'est la tournure de l'histoire qui m'étonne. Les femmes faisant la queue comme tout le monde, je trouve ça normal. Mais quand elles sont enceintes, dans certains endroits chez nous, on les fait passer avant, franchement, je pense, il n'y a pas de mal si c'est pour ça. Qu'est-ce que tu en dis?

David Kpelly
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Non ma chère, il n'y a aucun mal à laisser une femme enceinte passer avant les autres, son état l'exige. Mais dans le cas de mon histoire la mémère n'était pas enceinte, crois-moi!
Amitiés

Marine
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deux jours au gnouf pour ça!!!!!!!

David Kpelly
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Bien sûr, deux jours au gnouf pour avoir demandé à une femme de se mettre à sa place, que veux-tu, hein? C'est ça le respect de la femme selon ces gens-là! Heureusement que mon ami m'a vengé! Bien niquée!

Yvonne
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Hou la la! Bien fait pour toi. On aurait même mieux fait de ne pas t'avoir libéré, de te garder parmi les criminels et autres du commissariat, pour t'apprendre à respecter les femmes. T'as pas dit qu'avec ta grosse tête-là t'as peur de rien hein? Même moi qui suis ta grande soeur tu me respectes pas. Bon, donc tu crois que ton ami t'a vengé en niquant ton emprisonneuse? Nan nan, monsieur, ton ami poursuivait juste le chemin de son destin, qui est de niquer des femmes plus vieilles que lui, et toi celui d'embêter les nanas et de te faire gnouffer. Haaaaaaaaaa, petit mari, désolé, hein!
Tu reviens quand, les vacances finissent bientôt!

David Kpelly
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Quel sacré adorable pian que tu es dans ma vie, ma bienaimée Yvonne! Dire que t'es d'accord que ces ignobles mecs me gnouffent pour avoir mis une femme à sa place! Ok, écoute, je reviens plus à Lomé. Pire, je vais m'immoler. Pour protester contre tes mauvais souhaits envers moi. Et tes multiples gars que tu cocufies n'importe comment, ils vont bien?

Sam Okoundji
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On se demande si vous aussi vous avez appris le français à l'école comme tout le monde. De toute façon, vos profs de français doivent être très fiers de vous. Vous avez un style impec. Tout un plaisir de vous lire. Et aussi l'humour, lèger et railleur. Du courage.

David Kpelly
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Un plaisir, mon bon vieux Charles.
Amitiés