Le gigolo à l’église
Quelques mésaventures du lit de Gédéon, un personnage, gigolo de vingt ans, de mon recueil de nouvelles Le Gigolo de la réforme (Edilivre, Paris, 2009).
Ma gonzesse au dos
J’étais, un jour, au lit avec une femme mariée qui subitement commença par crier et aboyer comme un chien enragé. Né au village où les pratiques animistes n’avaient pas besoin de crier gare pour se vautrer dans les habitudes, j’avais quelques notions de ces barbaries. Je courus dehors, Dieu ou Satan merci (je ne sais lequel m’assistait dans ces moments), ma mère n’était pas à la maison. Je cherchai un morceau de cola et un peu de gingembre, les mâchai longuement en prononçant des formules bizarres que je ne comprenais pas, et partis appliquer le mélange obtenu sur tout le corps de la possédée. Au lieu de se calmer, elle se jeta sur moi, et commença par me frapper violemment, m’arrachant les cheveux et les poils en criant d’une voix rauque :
– Tu vas me porter au dos et m’emmener chez mon mari pour lui avouer ce que tu m’as fait. Tu dois le faire tout de suite ou je vais te tuer.
– Quoi ! ai-je crié étonné, te faire quoi et quoi chez qui ou comment ?
– Je ne vais plus le répéter, cria-t-elle plus fort en se jetant sur mon monsieur-d’en-bas qu’elle commença par tirer très fort.
Je me pliai en deux, essayant de la forcer à me laisser mon pauvre bâton-de-malheur mais rien n’y fit. Madame criait toujours comme une folle, en maltraitant sans pitié mon pauvre petit zizi. J’éclatai en sanglots, lui demandant pardon, la suppliant au nom de Dieu (le pauvre, même les sorciers l’appellent avant d’envoûter de pauvres malheureux), de Satan, de la Bible de me laisser mon cher trésor mais madame ne céda pas. Trente minutes et mon supplice continuait. Il n’y avait pas de compromis, je devais me transformer en une maman et porter mon bébé au dos, traverser tout le village et aller avouer ma faute à son mari. Je cherchai donc un pagne, et comme le font les mamans, mis mon bébé qui se calma complètement au dos. Elle pesait très lourd et je dus me plier en deux pour avancer. Arrivé au beau milieu de la cour de la maison, je défis le nœud du pagne et madame-bébé tomba lourdement comme une vache en poussant un grand cri. Je pris la fuite en m’échappant de la maison à une vitesse que même Jesse Owens aurait toutes les difficultés à atteindre. Ce qui arriva après à cette maudite sorcière, je ne le sus plus.
Le gigolo à l’église
Une femme de quarante-huit ans, riche commerçante, revendeuse de céréales et de denrées alimentaires m’invita chez elle pour la « détendre pour quatre heures », ce qui faisait au total une rémunération de huit mille francs à raison de deux mille francs l’heure, sans compter les primes d’excellence dont je bénéficiais quand je m’appliquais très bien et les éventuelles heures supplémentaires. Je m’y présentai donc avec mes outils de travail : lubrifiant, Viagra, paquets de préservatifs. La séance de travail commença comme toujours dans une ambiance très chaude où se croisaient toute la vigueur et la fraîcheur d’un jeune homme adroit et l’expérience et la fougue d’une vieille femme ratatinée et irresponsable. Je sentis brusquement une main imaginaire qui me passa sur le visage, rapide comme un éclair et tout devint noir autour de moi… Je me réveillai dans un temple, entouré d’un pasteur et de beaucoup de fidèles essayant de consoler ma mère qui pleurait en s’arrachant les cheveux.
– Dis-moi mon fils, que t’est-il arrivé ? Comment t’es-tu retrouvé là-bas ?
– Où maman ? avais-je demandé essayant de me redresser.
– Tu ne savais donc même pas où tu étais ? On t’avait retrouvé évanoui sur la grande route, nu.
– Quoi ! m’étais-je écrié, moi sur la grande route, nu ? Mais je dormais tranquillement dans ma chambre, avais-je menti, j’étais tellement fatigué parce que toute la journée j’avais étudié et je dormais profondément ! Que m’est-il arrivé ?
– Vous voyez ! fit ma mère en se tournant vers le pasteur, je le disais, ils veulent me tuer mon fils, les sorciers de ce village veulent me tuer mon fils mais ils ont menti. Ils ont échoué au nom puissant de mon Seigneur et Sauveur Jésus. Le feu du Saint-Esprit les brûlera tous. Oh sorciers, écoutez bien, vous avez été battus, votre maître a été catapulté du ciel et il attend son jugement qui le condamnera à jamais.
Du lit au ring
Un jour, alors que j’étais au lit avec une vieille libidineuse, son fils fit irruption en force dans la chambre et sauta sur moi. Je suis sans doute le garçon le plus trouillard et le plus faible de la Terre et jamais depuis mon enfance je ne me suis bagarré. Le jeune homme jaloux de mes compétences et de mon bonheur se jeta sur moi, me frappa furieusement, me donnant de violents coups de poings dans le ventre et au visage malgré les contestations et les menaces de sa mère qui criait : « Laisse ce garçon en paix ou je vais te maudire. Hervé je te dis de laisser ce garçon, je suis ta mère et je risque de te maudire si tu continues de le frapper ainsi. Tu es très bête ; il était seulement en train de me masser. Tu sais que je vieillis et je commence par avoir des courbatures et des maux d’articulations ; tu veux que je meurs vite ou quoi, hein ? Hervé laisse ce garçon ou je vais te maudire ! » Hervé, le plus méchant garçon que la Terre ait déjà connu fit la sourde oreille et me frappa pendant plus de trente minutes. Il me jeta dehors nu, avec le monsieur-d’en-bas, la source de tous mes malheurs, dehors et toujours tendu malgré mon calvaire. Dieu ou Satan merci (je ne sais plus trop lequel des deux m’aida ce jour), je trouvai un pagne dans un coin de la maison et me couvris, cachant ainsi mon monsieur-d’en-bas insatiable.
Le Gigolo de la réforme, Edilivre, Paris 2009, Nouvelles, 256 pages.
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