«Mo », notre héros c’est toi

21 octobre 2011

«Mo », notre héros c’est toi

Mohammed Nabouss

 

 

 

In Memoriam, Mohammed Nabbous (27 février 1983 – 19 mars 2011)

« Aigles qui passez sur nos têtes

Allez dire aux vents déchaînés

Que nous défions leurs tempêtes

Par nos mâts enracinés. »

Alphonse de Lamartine, La Chute d’un ange

Mouammar Kadhafi est mort. Tué. Mort, le mythe. Mort après les milliers et les milliers de Libyens qui ont perdu la vie depuis février 2011, début de la révolution libyenne. Mort, bah ! Mort, ouf ! Mort, hélas ! Mouammar Kadhafi, toute une histoire, une légende !

Et cette histoire, cette légende que fut celui qui pendant quarante-deux ans s’est fait « guide » du peuple libyen, celui qui pendant quatre décennies fut l’un des plus grands cauchemars de l’Occident, véritable icône de la résistance contre l’Occident et l’impérialisme, celui qui pendant quatre décennies fut l’un des tyrans les plus sanglants de notre continent… chacun l’écrira, cette histoire, à sa manière, dans son cœur. Ses adulateurs le hisseront dans leur panthéon, ses détracteurs feront de lui l’un de leurs plus noirs souvenirs. A chacun donc de porter Kadhafi, le monstre-héros, comme il veut.

Mais au-delà de tous les hommages que méritent tous ceux qui sont morts pour la bonne cause, ou innocemment durant cette révolution, que tout jeune digne et fier, de la Libye, d’Afrique et d’ailleurs s’incline aujourd’hui, demain, à jamais devant la mémoire de celui qui fut, dès les premiers jours de cette révolution, le symbole même du courage, de la détermination, du patriotisme, de l’amour de la terre natale… Un jeune homme de vingt-huit ans qui trouva la mort le 19 mars 2011 à Benghazi, abattu par un sniper du monstre-héros. Mohammed Al Nabbous, qu’il s’appelait. 

Ce jeune blogueur et journaliste citoyen, ingénieur en télécommunications de formation, avait créé dès les premiers jours de la révolte libyenne la première station de télévision privée établie dans le territoire au nom évocateur : Libya Alhurra TV (Télévision Libye Libre). Exhortant les médias à ne pas oublier la Libye, il défiait les fusillades et bombardements, pour filmer les images des combats à diffuser sur sa chaîne de télévision d’information en continu, pour que le monde entier suive, loin des spéculations des grands médias qui font et défont l’actualité au gré de leurs humeurs et intérêts, ce qui se passait réellement en Libye. Et c’est en filmant, ce 19 mars 2011, les combats, qu’il fut assassiné, laissant derrière lui une femme enceinte.

Il voulait une Libye libre, juste une Libye libre. Et il en avait le droit. Tout citoyen a le droit de vouloir son pays libre. Libre de s’exprimer, libre d’adorer le dieu de son choix, libre de choisir son dirigeant, libre de le révoquer… Il voulait une Libye différente de celle-là que lui avait imposée Kadhafi depuis sa naissance. Et ce fut son erreur, vouloir son pays libre. Il perdit la vie, lui qui devait donner la vie dans quelques mois. Il s’en était allé, s’en avoir jamais vu son pays libre. Peut-être avec une seule consolation, l’histoire retiendra qu’il avait essayé, avec ses moyens, de libérer son pays, de se libérer.

Un symbole émouvant, ce jeune homme. Le symbole de cette jeune génération étouffée libyenne, africaine décidée à s’exprimer, à parler, à crier au monde entier son mal de vivre, sa détresse. Mohammed Nabbous, qui se faisait appeler « Mo », est le symbole de tous ces jeunes-là qui à travers les médias, Internet surtout, les marches de protestation, les batailles au front… cherchent à dévoiler à la face de la terre les souillures et pourritures que cachent leurs pays, les horreurs qu’entretiennent, que nourrissent leurs dictateurs, les atrocités que fabriquent des régimes pour la plupart existant longtemps avant leur naissance et dont ils ne veulent pas. Cette génération africaine sacrifiée sur l’autel de la démagogie, de la corruption, du népotisme, de la prévarication, du meurtre… qui criait hier « Ben Ali, Moubarak, Kadhafi… Dégagez ! », qui crie aujourd’hui à gorge déployée « Abdoulaye Wade, Faure Gnassingbé, Paul Biya, Blaise Compaoré, Sassou N’Gésso… Dégagez ! », qui criera demain, après-demain, toujours…

Mohammed Nabbous, tu es le symbole d’une génération de jeunes Africains étouffés, démunis, aux mains nus, mais fiers, forts, courageux… qui ne se soumettront plus.

Que Kadhafi ou ceux qui l’ont tué reçoivent des honneurs et des honneurs de ceux qui veulent bien leur en donner. Mais toi tu es notre héros. Le héros d’une génération de jeunes qui veulent, désirent, enfin, faire l’histoire de leur continent. La vraie.

 

Partagez

Commentaires

David Kpelly
Répondre

It's on!

Charles Lebon
Répondre

"Mohammed Nabbous, tu es le symbole d’une génération de jeunes Africains étouffés, démunis, aux mains nus, mais fiers, forts, courageux… qui ne se soumettront plus."

Salut David,

Dans ce brouhaha d'opposition, de divergence de point de vue sur la fin du Kadhafi, tu a choisi la meilleure perspective d'analyse, de point d'arrêt où l'analyse et l'appréciation de l'histoire qui se construit, mérite une prosternation.

Merci de diriger nos vues sur ces petits qui sont en fait les vrais géants de notre histoire, ces Mohammed Nabbous!!!

David Kpelly
Répondre

Bien sûr que la fin de Kadhafi divise l'opinion. Mais loin de ce monstre-héros, puisque c'est ce qu'est Kadhafi, et les litanies qui entourent sa mort, celui que nous devons porter haut, très haut, nous jeunes, est ce Mo, le symbole du courage, de la fierté, de la détermination d'une jeunesse en action, celle de l'Afrique.
Amitiés

Mamadou Alimou SOW
Répondre

"Mohammed Nabbous, tu es le symbole d’une génération de jeunes Africains étouffés, démunis, aux mains nues, mais fiers, forts, courageux… qui ne se soumettront plus."

Requiem pour un jeune Africain engagé et valeureux. Mo te bénit du haut des Cieux où il se trouve. Merci, très cher David.

David Kpelly
Répondre

Qu'il repose donc en paix au Ciel, notre Mo, et nous bénisse nous qui vivons et devons continuer le combat pour l'émancipation, la vraie, de la jeunesse afrcicaine.
Amitiés, Alimou, et congèle bien à Mbingué!

Hugues
Répondre

Bel hommage David, encourageant devoir de mémoire!
Quel est le prix de la liberté,
quel est le seuil acceptable du prix à payer pour la liberté,
de qui devons-nous émanciper en priorité,
de nos vieillards de dirigeants épris de leurs fauteuils,
somme toute, éjectables,
ou du vicieux, invisible et renouvelé impérialisme et néocolonialisme occidental
qui survit et se régénère au fil des générations,
liberté contre pétrole ?
liberté avec pétrole ? (impossible, n'y pensez-pas)
liberté sans pétrole ?
pétrole sans liberté
liberté sans liberté
de quels droits de l'homme et de quelle liberté parlons-nous,
où se trouve la voie, mon cher David ?

David Kpelly
Répondre

Mon cher Hugues, nos vieux dirigeants, qu'ils soient antioccidentaux ou francafricains, ne m'intéressent plus, ou m'inspirent du dégoût une fois qu'ils sont prêts à tuer pour s'accrocher au pouvoir.
Ceux que j'admire moi, c'est ces jeunes hommes aux mains nues qui se battent pour leur liberté, leur dignité, la liberté, la dignité de leur continent.
Que Mo repose, à jamais, en paix.
Amitiés

lavie
Répondre

KADHAFI etait le poumon del'Afrique on pourrais arriver a une union africaine grace a lui mais enfin les detracteurs del'afrique n'ont pas permis ca, et nous idiots, incompetent, insuciant,lache president africain se sont laises faire pas d'intervention...KADHAFI you are my hero

David Kpelly
Répondre

Mon cher Lavie
Kadhafi héros ou pas, à chacun de le porter comme il veut. Moi je tiens tout d'abord à rendre hommage à un jeune qui doit tous nous inspirer, jeunes Africains. Mo avait ce que doit avoir tout jeune Africain d'aujourd'hui: le courage et la détermination pour réclammer la liberté. Même au prix de la vie. Il nous l'a bien montré. Qu'il repose donc en paix.
Amitiés