Ma fille-dictionnaire plus l’addition
Portrait d’une jeune fille malienne
Suite à mes articles Capitaine Sanogo, le septième amant et L’Ivoirienne s’agenouille pour sucer, respectivement consacrés aux Sénégalaises et aux Ivoiriennes, deux ou trois Maliennes jalouses m’ont écrit sur Facebook pour m’exprimer leur colère. Eh bien, Dave, notre Dévé à nous, comment peux-tu être aussi sadique avec nous, hein, nous t’avons accueilli ici les bras et d’autres parties de nos corps ouverts, quand en 2008 tu fuyais ton petit pays de merde-là où la dictature voulait te dézinguer, voilà que t’es là à écrire des articles sur les autres filles et pas nous, eh bien, dis, elles ont quoi plus que nous, ces Sénégalaises noires-charbon et ces Ivoiriennes vantardes-là hein, tu dis que les Sénégalaises sont belles et les Ivoiriennes généreuses et niqueuses, eh bien, qui t’a dit que les Ivoiriennes savent mieux niquer que nous, hein, c’est pas parce que tu nous vois faire semblant que tu vas dire que les Ivoiriennes niquent mieux que nous, pour nous-là c’est à cause de la religion que nous jouons les hypocrites, sinon si c’est la nique-là, Dave, va te coucher pour dormir, faut pas faire, plus niqueuse que Malienne tu crèves, le danger c’est que tu risques même d’écrire sur les Guinéennes avant nous, et là ce sera la mort, parce que ces Guinéennes-là et nous, y a pas photo, si ce n’est qu’elles sont plus spécialisées dans la création de scandales dans des hôtels de luxe, t’es là tout le temps à nous critiquer que nous sommes des limes, que nous demandons trop de l’argent aux hommes, eh bien, on va faire comment si nos hommes sont moches, ne savent pas draguer comme les Ivoiriens et les Togolais, et pire sont des polygames, hein, tu épouses un Malien, il t’use en te faisant des enfants rachitiques, t’envoie à la retraite et épouse une autre fille, au nom de la religion, nous gagnons donc quoi durant nos années de retraite si ce n’est ce que nous leur avions soutiré quand nous étions à la page, hein, bah, écoute, Dave, si tu veux pas que nous envoyions des hommes du capi Sanogo te loger deux explosifs dans ta gueule de petit tombeur, eh bien, fais un article sur nous, nous sommes après tout tes secondes chouchoutes après ces Togolaises courtes et laides-là, hein !
J’ai, du coup, senti une forte empathie vis-à-vis de ces pauvres filles jalouses. Je les ai comprises. Voici quatre ans qu’elles partagent mon quotidien. Etudiantes, fiancées, presque-fiancées, copines, ramassées-dans-les-boîtes, voisines, amies, bonnes… les Maliennes m’ont tout donné. Et j’ai décidé de leur consacrer un article, un souvenir lointain surgi à la suite d’un film que j’ai hier suivi, The Sleeping dictionary, où il était question de filles asiatiques, des filles-dictionnaires, que des fonctionnaires coloniaux britanniques utilisaient pour apprendre la langue des indigènes, mais aussi pour se réchauffer durant les nuits de grande fraîcheur.
Disons que j’ai aussi eu une fille-dictionnaire quand je suis arrivé au Mali en 2008. J’avais 24 ans. Le propriétaire et toute la maison ne m’avaient pas caché leur étonnement quand je leur fis savoir que j’étais célibataire. Célibataire à 24 ans, haram ! Un de mes colocataires, un enseignant peul, eu la magnanimité de mettre à ma disposition sa jeune fille de seize ans, Leïna, pour m’apprendre le bambara, dialecte dominant au Mali. Chaque nuit, Leïna m’amenait un grand plat de riz préparé par ses parents et restait avec moi jusqu’à une heure tardive de la nuit pour m’apprendre le bambara. La saison des pluies arriva et les nuits devinrent si froides, trop froides pour le jeune célibataire solitaire et étranger que j’étais. Leïna me réchauffa une nuit.
Ce que j’aime des Maliennes, c’est cette anecdote qui circule sur elles, stipulant qu’au nom d’un principe religieux que j’ai toujours du mal à comprendre, elles ne se refusent jamais à leurs maris. Femme, tu ne t’opposeras pas aux désirs de ton mari. Donc, selon cette logique, tu as une Malienne et tu peux tirer ton coup trois cents soixante-cinq fois par an, trente fois par mois, sept fois par semaine, vingt-quatre heures par jour si tu veux. Elle n’a pas le droit de te refuser. J’aime cette soumission des Maliennes. Je leur consacrerai très bientôt un livre, sans doute celui par lequel je deviendrai tellement riche au point de me payer une suite à l’hôtel Sofitel de New York et exiger une Guinéenne comme femme de chambre, un livre que j’intitulerai, avec la simplicité de tous les titres de mes futurs best-sellers, en faisant un clin d’œil à mes supers mentors Alain Mabanckou, Et Dieu seul sait comment la Malienne dort, ou Florent Couao-Zotti, Notre Malienne de chaque nuit. Si je trépasse sans avoir pu épouser une Malienne, qu’on me momifie et m’expose au Musée dela Femme du Mali.
Leïna me réchauffa, donc, cette nuit. Et se présenta la nuit suivante avec son bol de riz habituel et un bout de papier. Mon père t’envoie les choses à payer pour marier une femme selon nos coutumes, il est au courant de notre relation. Des vertiges ! Quelle relation, hein. Elle parut étonnée. Mais la relation de toi et de moi, ou bien. Juste par curiosité, je jetai un coup d’œil sur le bout de papier en souriant, amer. Des bœufs, des pagnes, des.. des… des… à acheter, pour payer la dot d’une seule femme, d’une femme-même-pas-femme, une fille de seize ans ! Va te renseigner sur nous, ma vieille. Venir du Togo où les parents supplient leur beau-fils ayant confisqué leur fille depuis plus de dix ans, lui fabriquant des enfants à loisir, de venir juste leur donner une bouteille de liqueur et une bouteille d’eau pour symboliser la dot de leur fille, où des couples ses sont formés pour des générations sans avoir pensé à cette histoire de dot, où ma femme signifie celle qui habite avec moi et me fait à manger à moi et à mes gosses et non celle que j’ai épousée, où déjà quand une fille commence à fréquenter un gars les parents lui sortent ses valises, ses bafanas et kpononkpètès, pour aller habiter avec lui gratos, où Etienne, ce conducteur de zémidjan originaire de Vogan avait même proposé à ses beaux-parents de lui prêter de l’argent pour payer la dot de leur propre fille…
… venir de ce pays où on ignore la dot, où le premier citoyen, le président de la République, à plus de quarante ans, fornique toujours et n’a jamais payé de dot, même en rêve, venir du Togo et payer toute cette fortune juste pour avoir tiré un coup avec une fillette de seize ans ! Euh, écoute Leïna, je sais pas ce que tu appelles notre relation mais sache que même si je dois t’épouser, il va falloir que je te connaisse un peu plus parce que… Elle tira la bouche en signe de mécontentement, Me connaître comment, hein, tu me connais déjà, ou bien. Je m’obstinai à la raisonner. Ecoute, si je ne te connais pas assez et que tu ne me connais pas assez, après le mariage, on risque de ne pas se comprendre et… Elle coupa, Et qu’est-ce qui nous empêchera de divorcer, hein, tu ne vois pas tous ces gens qui divorcent ici chaque jour, hein, ici le divorce est plus facile que le mariage, tu pourras me divorcer si je ne te conviens pas. Je pouffai de rire et décidai de couper court, Je n’ai d’ailleurs pas d’argent, le montant de toutes ces choses est trop élevé. Contre-attaque, Mais tu travailles, ou bien, tu n’as qu’à faire un prêt à la banque pour payer, c’est ce que les fonctionnaires font ici, ils font des prêts pour payer la dot, pourquoi toi tu ne peux pas le faire, hein. Cette fille avait la chance qu’en quittant le Togo j’avais oublié mon revolver OT235-ER, une arme qui m’avait déjà servi à tuer trois fois au Togo, successivement un rat domestique dans notre cuisine, un pintadeau boiteux dans notre cour, une tortue dans notre champ. J’allais lui livrer deux ou trois balles dans cette gueule en accent circonflexe qu’elle me faisait. Faire un prêt pour payer la dot d’une fille de seize ans ! Valait mieux en faire pour acheter des cartes de recharge à offrir à Faure Gnassingbé pour envoyer des textos à son harem de copines. Ecoute, Leïna, propose à tes parents que je paierai la dot, par tranches, après notre mariage, dans trois ou quatre ans, je t’épouserai quand tu auras au moins vingt ans, pour le moment, soyons des… Elle s’abaissa, ramassa le plat de riz que je n’avais même pas encore touché, m’arracha le bout de papier, Va t’faire niquer en enfer, vieux connard ! Hein, elle avait même déjà appris ma langue de pute, mon Dieu !
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