Roméo moins Juliette à l’odontologie
Reviens, Juliette, Crédit image: paolalovestoshop.blogspot.com
Une heure maintenant que j’attends. Je l’attends. Encore deux personnes, deux imbéciles rabat-joie de plus, et je serai, enfin, chez elle, avec elle, seule dans son bureau. J’ai failli m’évanouir quand elle s’était présentée il y a une heure. Je l’ai crue une actrice de Hollywood venue tourner une séquence à l’hôpital. Belle, gracieuse, bien habillée, alors que c’est elle qui va m’opérer. La beauté, la classe, et l’intelligence réunies en un seul corps. Touché, pussy cat. Je me ferais amputer, avec plaisir, tous mes organes par cette fille. Je sentirai son bistouri sur ma peau comme des caresses. Vivement, que vienne mon tour. J’oublie presque la vive douleur qui m’éclate les mâchoires et la tête. Bien sûr que ça ne me fera pas mal. Ses douces mains enlèveront la douleur. Je l’imagine déjà me murmurant de doux mots avant l’opération, pour me rassurer, ses mains me caressant doucement le visage et la tête, Monsieur, ne vous inquiétez pas, ça ne vous fera pas mal, allez, doucement fermez les yeux… Bien sûr que je ne m’inquiète pas, ma cocotte, comment m’inquiéter quand c’est toi qui es aux commandes, hein, t’es un ange, et je ne peux jamais avoir mal entre tes mains.
J’ai mal à la dent. Chut, je vous arrête déjà, car je vous vois en train de faire la moue, Pouah, il a la carie, hein, c’est pas du tout cool pour le beau gosse qu’il est, eh bien, vous imaginez un adonis comme lui qui a les dents cariées, la bouche qui pue comme celle d’un petit talibé malien, hein… pouah, c’est dégoûtant, Dévé, t’as la carie et c’est dégoûtant, merde. Ecoutez, bande de diffamateurs, bande de chrétiens faiseurs de films insultants, je n’ai pas de carie… euh… bon, disons que je n’ai pas la carie que vous croyez, parce qu’il faut dire qu’il y a différents types de caries, et moi ma carie est une bonne carie, la classe, une carie de riche, c’est-à-dire celle que nous les gosses de riches attrapons à force de manger trop de chocolats, de sucreries et de glaces, pas la carie que vous les pauvres vous attrapez parce que vous n’avez pas d’argent pour acheter des brosses et des pâtes dentifrices, ou qui utilisez des brosses et des pâtes aussi moins chères qu’un plat de viande de chien en pays kabyè au Togo … Non, ma carie est une carie privilégiée, et les filles me l’ont d’ailleurs toujours dit, Non Dave, notre Dévé à nous, tu sais que nous aimons ta carie, hein, cette manière dont elle a noirci tes dents et les a rendues aussi brillantes que le teint d’un mannequin sénégalais, ça te rend encore plus Brad Pitt, tout te réussit si bien, même la carie, et nous sommes prêtes à aller embrasser les islamistes du Nord Mali avec leur haleine pourrie de rat en putréfaction pour te faire plaisir, t’es un petit dieu, Dévé.
Aïe, j’ai mal à la dent, j’ai la carie, une carie de gosse de riche, mais bon Dieu ça fait mal, la carie, et quand je vois toute cette barbarie que foutent les mahométans juste parce qu’on a comparé l’islam au cancer, je me demande ce qu’ils auraient fait si on avait plutôt comparé leur religion à la carie dentaire, parce que, nom d’une molaire cariée, à côté de la carie dentaire, le cancer c’est rien, c’est Faure Gnassingbé devant Silvio Berlusconi en lubricité, c’est Djénéba la bonne sénégalaise de ma voisine devant Zahia en dévergondage, c’est Samuel Eto’o devant Pelé en football, c’est Angélina Jolie devant ma copine métisse Rita – salut ma Rita à moi – en beauté… le cancer devant les maux de dent, c’est de la petite, de la toute petite bite.
J’ai mal à la dent, parce que la carie, qu’elle soit celle des riches ou des pauvres, ça fait mal, c’est comme les adolescentes maliennes, quand tu les as comme copines, qu’elles soient riches ou pauvres, elle sont chiantes, détestables, elles passent tout leur temps à te demander de l’argent, Allô, je peux passer récupérer ce que je t’ai demandé, hein, le tailleur vient de m’appeler qu’il a terminé la robe, et le mariage c’est demain, je passe déjà, hein, ok, je t’aime, bizou, c’est comme les Tchadiennes, qu’elles soient riches ou pauvres, quand tu sors avec elles, elles te parlent toujours de mariage, Tu m’avais promis que tu appellerais mes parents cette semaine, hein, écoute, je ne peux pas continuer de vivre en concubinage avec toi, mes parents m’insultent, je vais te laisser bientôt, c’est comme les Guinéennes de Bamako, quand tu les dragues, qu’elles soient riches ou pauvres, elles passent tout leur temps à t’envoyer des textos qui t’énervent même à deux heures du matin quand tu travailles sur un article, Dis-moi, mon amour, t’es sûr sûr sûr que tu m’aimes hein, Non, la niaque, ce dont je suis sûr sûr sûr c’est que tu m’fais chier, fous-moi la paix, c’est parce que t’as de l’électricité ici que tu ne peux t’empêcher de m’envoyer des messages énervants, hein, va le faire aussi dans ton Conakry-là où l’électricité est aussi rare que les mains au bout des bras des habitants de Gao sous les islamistes…
… c’est comme les Camerounaises, quand tu es avec elles, qu’elles soient riches ou pauvres, elles sont trop grasses, pètent trop parce qu’elles mangent trop gras surtout les bamilékés, c’est comme les Sénégalaises, quand tu les épouses, qu’elles soient riches ou pauvres, elles consultent trop les marabouts, tu te réveilles chaque matin avec des sacrifices éparpillés partout dans ta cour, c’est comme les Ivoiriennes, qu’elles soient riches ou pauvres, elles aiment trop les shows et les boîtes de nuit, elles te finissent ton salaire en une seule nuit, c’est comme les Togolaises et les Béninoises, qu’elles soient riches ou pauvres, elles sont trop courtes et potelées et pas belles, tu les épouses juste pour te faire à manger, pour aller dehors va falloir chercher une femme sortable, c’est comme les Nigériennes, qu’elles soient riches ou pauvres, quand tu les épouses elles te pondent des enfants à gogo comme les mouches des chenilles, c’est comme les Gabonaises, qu’elles soient riches ou pauvres, quand tu les as comme copines elles te nourrissent comme un gros cochon, vive la maffia des Bongo… c’est comme le film L’Innocence des musulmans, que tu l’aies regardé sur un Iphone 5 ou sur un crasseux ordinateur Pentium 0.5, les musulmans veulent te zigouiller pour ça…
Bref, la carie dentaire, qu’elle soit celle des riches ou des pauvres, ça fait mal. C’est pourquoi je suis là, coincé entre deux malades en tête de gondole comme moi, devant la cabine 2 du service odontologie du grand hôpital de Bamako, pour me faire enlever cette dent malade qui risque de me tuer si je la garde encore un jour de plus. La belle dentiste, dont je suis fou fou fou, me recevra bientôt, et me l’ôtera avec douceur, et j’en profiterai pour me faire cajoler. Je suis en manque de câlins, fatigué des mains calleuses de vieille catcheuse de Sasha ma nouvelle copine ougandaise.
– Euh, messieurs, veuillez m’excuser, mais je dois m’en aller, j’ai une urgence de l’autre côté, mais ne vous inquiétez pas, mon collègue de la cabine suivante s’occupera bien de vous, du courage et prompte guérison.
Hein, des vertiges, mon Dieu, ma douleur qui revient, plus violente, plus atroce, ma tête, elle s’en va, ma tête.
– Euh, ma… madame, donc, ce n’est plus vous qui allez nous ôter les dents, hein, on croyait que, euh, je…
– Non, j’ai une urgence dans un autre hôpital, et je ne reviendrai ici que dans une semaine, mais mon collègue va tout de suite vous recevoir, prenez encore un peu courage et ça va aller, bonne journée.
Je la vois disparaître, belle, intelligente, bien habillée, parmi cette bande de malades de carie des pauvres. J’imagine de nouveau sa douce main caressant mes mâchoires meurtries par la douleur, mes petits cris de douleur qui ne sont en fait que des miaulements de plaisir sous ses caresses, ses suaves mots d’encouragement, Allez, monsieur, un peu de courage, ça ne vous fera pas mal, croyez moi… tout ce paradis contrastant avec l’enfer du vieux docteur aigri de la cabine suivante m’intimant par ses grognements de sanglier cocu l’ordre de me taire quand il enfonce ses couteaux dans ma bouche. Jamais. Je ne me ferai arracher ma dent malade que par cette fille. Quitte à encore supporter la douleur, la fièvre et le lit jusqu’à la semaine prochaine, son retour. Je me lève, murmure, sous la douleur, une bonne journée à mes deux voisins. L’un d’eux me demande si je ne vais plus me faire arracher ma dent. Non, feignasse, j’ai plus mal, du moins à la dent, j’ai mal au cœur.
PS : Spéciale dédicace à Rita, merci pour le contact, madame, tu m’ôteras une dent quand on se croisera, juré.
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