Le vieux cocu dans le soutif de son détective
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« Je suis dans la joie, une joie immense, je suis dans l’émotion, car Yahvé m’a libéré… Je suis dans la joie, une joie immense, je suis dans l’émotion, car le vieux m’a libéré … » Quoi, ce qui me donne cet air si joyeux d’une midinette qui vient de décrocher son premier baiser, hein. Eh bien, je suis un homme comblé, aussi comblé que Silvio Berlusconi dans le lit d’une tapineuse mineure. Visez mon degré d’excitation. La classe. Tout a commencé le lundi dernier, quand j’ai buté, en rentrant chez moi, sur un monsieur d’un âge avancé, la soixantaine, chétif, maladif, une mèche de cigarette entre les doigts, assis sur ma terrasse, l’air désespéré.
– Euh, dites-moi, monsieur, c’est vous qui habitez cet appartement, hein, c’est donc vous le Togolais, hein, eh bien, laissez-moi vous dire que…
Je m’étais arrêté net, croyant avoir une fois de plus affaire à un religieux voulant me faire un énième procès sur mes dernières sorties sur l’islam qui m’ont valu ces derniers temps des ennuis aussi innombrables que des contacts féminins dans l’agenda de Faure Gnassingbé. Je pris un air grave, et lui lançai en hurlant presque :
– Monsieur, écoutez, je vous demande de quitter sur-le-champ mon appartement ou j’appelle la police, parce que…
– Pourquoi la police, hein, mon fils, pour commencer, il faut que je t’avoue que je connais très bien ton pays, le Togo, j’y ai passé plus de vingt ans comme commerçant au Grand-marché de Lomé, et tu sais, ce n’est pas maintenant où tu me vois si vieux, non, en ces temps j’étais un jeune homme, beau et présentable comme toi, je portais des jeans griffés et des tennis, je portais des paires de chaussures en cuir au bout pointu comme les tiennes, je faisais partie des premiers au Togo à avoir utilisé un téléphone portable, après votre ancien président, comment il s’appelle déjà, hein, celui qui est mort, euh… Faure Eyadema…
– Non, ce n’est pas Faure Eyadema qui est mort, c’est Gnassingbé Eyadema, Faure lui n’est toujours pas encore mort, avais-je rectifié.
– Voilà, Gnassingbé Eyadema, c’était son époque, et le Togo était encore mieux qu’aujourd’hui, le Grand-marché marchait très bien, pas aujourd’hui où ces Libanais escrocs-là qui sentent comme de l’urine de mouton pourrie ont envahi votre marché, où ces Nigérians voleurs-là ont transformé toutes les boutiques dans votre marché en coins de vente de drogue et de membres du corps humain, eh bien, tu sais que dans votre marché aujourd’hui des Nigérians vendent des têtes humaines, des bras humains, des pénis humains, des testicules humains, des clitoris humains, avec la complicité de certains de vos ministres, hein, je peux même te citer le nom de certains ministres de votre gouvernement actuel qui s’en vont acheter des clitoris tout frais chez ces dealers nigérians de votre marché, ils s’en servent pour faire des cérémonies pour pouvoir convaincre leurs auditeurs, je te jure au nom de Dieu, wallahi, je suis un musulman et que Dieu m’envoie au septième degré de l’enfer si je mens, que Dieu rende stériles toutes mes femmes si je te mens, tu sais, nous les musulmans…
Là, il fallait que je l’arrête. Musulmans, Islam, Mahomet… ces mots m’avaient causé trop de traumatismes les semaines précédentes. Il se ressaisit.
– Eh bien, mon fils, je te dis que j’avais trop d’argent au Togo en ces temps-là, j’avais de l’argent bien bon, trois maisons, deux voitures, je plaisais à beaucoup de femmes togolaises, à presque toutes les femmes togolaises, je suis sorti avec beaucoup de Togolaises, j’aurais même pu épouser une nommée Caroline si ce n’avait pas été sa jalousie, tu sais, la jalousie, c’est la deuxième maladie des Togolaises après la nymphomanie, moi qui te parle je…
– Monsieur, excusez-moi, je viens à peine de rentrer du boulot, je suis fatigué, s’il vous plaît, dites-moi sans détours pourquoi vous me cherchez.
– Eh bien, mon fils, tu sais, hein, c’est ma dernière femme, elle me trompe, wallahi, je te jure au nom d’Allah qu’elle me trompe avec un de vos frères togolais là-bas au Togo, chaque fois qu’elle part chercher ses marchandises à Lomé elle me trompe, alors qu’elle et moi nous avons deux enfants, tu imagines ça, hein, mon fils, voici deux mois qu’elle est rentrée de son dernier voyage de Lomé, et tu imagines que depuis tout ce temps-là elle et moi on n’a plus rien fait hein, wallahi, qu’Allah rende aveugle ma fille aînée si je te mens, chaque fois que je la touche la nuit elle me repousse, mais dis-moi si toi tu crois cela, une femme qui reste deux mois sans homme, et c’est ainsi que j’ai deviné qu’elle a eu sa dose à Lomé, je n’arrive pas à croire qu’elle me trompe, et pourtant, wallahi, faut pas faire, malgré mon âge je suis toujours très bien, très fort et très dur, mais vous les jeunes Togolais vous êtes comme vos filles, de véritables champions au lit, quel malheur que d’avoir un jeune rival togolais, hein, mais dis-moi, mon fils, il est finalement où, le respect des personnages âgées si vous vous permettez, vous les jeunes d’aujourd’hui, de nous arracher nos femmes, à nous vos pères, hein, je…
– Papa, coupai-je, partagé entre l’envie de pouffer de rire devant cette cocasserie qu’il racontait avec sa tête de clown, et le désir de le renvoyer, ne sachant le rôle que je devais jouer dans l’infidélité de sa femme, dites-moi, que voulez-vous que je fasse donc pour votre femme qui vous trompe avec un jeune Togolais, hein.
– Très bonne question, mon fils, elle va retourner au Togo la semaine prochaine et y rester pendant deux semaines pour l’achat de ses marchandises, et je veux t’engager pour que tu me la surveilles, à son insu, durant les deux semaines, que tu la suives partout où elle met le pied, que tu m’amènes les coordonnées et la photo de son amant, je t’en supplie, mon fils, fais-le-moi au nom d’Allah.
– Papa, fis-je en le regardant tristement, remarquant combien il souffrait, je voudrais bien vous aider mais le problème est que moi je travaille et je n’ai pas le temps, et puis aller à Lomé et y rester pendant deux semaines, ça fait beaucoup d’argent et…
– Non, non, non, mon fils, c’est moi qui t’envoie en mission, je te paie ton billet d’avion aller-retour, ton hébergement à l’hôtel pendant les deux semaines, tes frais de bouche, et des dédommagements pour ton temps que tu auras perdu.
Je lui demandai l’âge de sa femme. Vingt-quatre ans. Il était plus âgé qu’elle de trente-trois ans, l’avait épousée à dix-sept ans… Ce fut quand il sortit sa photo que je faillis m’évanouir sous le coup de l’étonnement. Une jeune et très belle fille que j’avais toujours vue dans le quartier dans une Toyota Dame, que je prenais pour une célibataire aisée, une de ces multiples filles à papa de mon quartier que j’ai toujours rêvé transformer en filles à David. Cette fille-là que je lorgnais depuis des mois était donc la femme de ce vieux monsieur ! Moi, engagé comme détective privé pour surveiller cette fille pendant deux semaines à Lomé, oh que le Seigneur sait si bien rassasier Ses fils de bonnes choses quand ces derniers s’y attendent le moins !
– Papa, j’ai réfléchi, et au nom d’Allah, j’irai surveiller votre femme à Lomé, je vous filerai toutes les informations sur son amant togolais, inch Allah.
Il se précipita sur moi « Qu’Allah te bénisse, mon fils, qu’Allah t’ouvre toutes les portes de la vie qui te feront du bien, je mettrai tout à ta disposition pour que tu fasses bien le travail », me fit-il en me serrant la main. « Qu’Allah te bénisse aussi, mon vieux cocu, qu’Allah m’ouvre toutes les parties du corps de ta femme qui feront du bien à ma libido de nouveau détective privé, je mettrai tout à sa disposition pour qu’elle ne soit plus obligée d’aller à Lomé pour te cocufier, deux pas chaque soir, et elle viendra prendre sa dose togolaise chez moi, conasse » ai-je pensé en le regardant me sourire, ressemblant à la vache du fromage La-vache-qui-rit.
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