Le cadavre de Faure, rien qu’un serpent mort

4 décembre 2012

Le cadavre de Faure, rien qu’un serpent mort

 

Nous sommes étranges, nous sommes opposants togolais. La formule n’est pas de moi, mais d’un collègue et ami écrivain-blogueur camerounais qui a décrit sous le titre « Nous sommes étranges, nous sommes camerounais », un certain nombre de traits caractéristiques des Camerounais. Elle va pourtant si bien parfois, cette formule, à ceux que nous appelons les opposants togolais. L’ambigüité avec laquelle ces hommes reçoivent certaines informations, les traitent, les interprètent… les rend très facilement, aux yeux des observateurs, au mieux étranges, au pire cyniques.

Faure Gnassingbé serait très gravement malade. Il est malade. Est très gravement malade. Il serait parti se faire traiter en Israël. Serait mort. Est mort. Qu’importe d’où elle venait, cette nouvelle, Internet, avec cette rapidité qui le caractérise, l’a colporté, à travers les réseaux sociaux, les sites et les blogs. Tout le monde – du moins les plus zélés et sensibles, a partagé la nouvelle, l’a interprétée, l’a commentée… Certains avaient même sûrement commencé à jubiler, remerciant Dieu et Son Fils d’avoir, enfin, écouté les prières des Togolais, de les avoir, enfin, libérés de ce petit dictateur qui a pris la relève de son père depuis 2005. Faure est mort, le Togo est libéré. Alléluia.

Sans chercher à connaître la source et la véracité de cette information, sans chercher, surtout, à analyser ce que la mort de Faure Gnassingbé changerait à la lutte qu’ils prétendent mener pour l’éradication de la dictature au Togo – comme c’est ce qu’ils prétendent faire, sans chercher à savoir ce que cette mort apporterait de bien à ce peuple qu’ils disent vouloir libérer, certains de nos opposants ont commencé à pondre des communiqués, mettant en garde contre une transmission chaotique du pouvoir comme en 2005 à la mort d’Eyadema, menaçant la maffieuse machine qui a intronisé Faure Gnassingbé en 2005, et qui serait en train de s’apprêter à récidiver. Les plus modérés, ou prudents, ont simplement exigé le bilan de santé du soupçonné mort. Qu’il présente son bilan de santé, montre au peuple qu’il est gravement malade, s’il n’a pas encore eu la courtoisie d’avoir défunté.

Faure Gnassingbé est mort. Et ensuite, hein, qu’on peut leur demander, à ces opposants qui ont tenté d’accrocher ce bout de fleur fané au bout de leur fusil, comme une victoire. Ces messieurs n’ont pas encore compris que ce n’est pas Faure Gnassingbé qui a engendré la dictature togolaise, mais plutôt la dictature togolaise qui a engendré Faure Gnassingbé. La machine de la dictature qui a intronisé Faure Gnassingbé est toujours là, avec les mêmes institutions, et si on ne les ôte pas, par n’importe quel moyen, ils demeureront, après la mort de Faure Gnassingbé, et reprendront le même coup d’Etat que celui de 2005, comme ils ne peuvent pas exister sans ces forfaits. Abass Bonfoh à la présidence de l’Assemblée nationale dominée par la dictature, les mêmes gangsters à la cour constitutionnelle, les mêmes brutes dans l’armée… le même décor qu’en 2005, à la mort d’Eyadema, et nos opposants s’agitent parce que Faure Gnassingbé serait mort, et qu’on doit le leur annoncer, comme s’ils étaient capables de faire quelque chose de palpable, de changer quelque chose  si on leur annonçait que Faure était mort.

A moins que ces hommes n’aient une autre cible à part celle que vise la lutte du peuple togolais, je ne vois pas en quoi la mort de Faure Gnassingbé ferait bouger d’un seul cheveu la lutte populaire. Il est notoire que ce ne sont pas tous les opposants qui crient dans la rue qui veulent la chute de la dictature. Certains en sont même des produits finis, en profitent toujours, et ne visent, à travers leurs gesticulations, qu’une cible personnelle, Faure Gnassingbé par exemple. Et ce sont ces seuls opposants qui doivent normalement faire ce ramdam autour de la mort de Faure Gnassingbé. Dans un pays normal avec des institutions indépendantes et légales, la mort d’un président ne représente pas grand-chose à part la perte d’un citoyen, d’un frère. La vie politique n’en prend aucun coup, comme tout a été prévu dans des textes qu’il ne s’agit que de respecter. Ce fut le cas, tout récemment, à la mort du président ghanéen John Atta-Mills où le pouvoir a été transmis sans tambour ni trompette dans le strict respect des textes.

De même, dans des pays anormaux comme le Togo, la mort d’un président ne représente pas grand-chose sur la vie politique, comme les mêmes hommes et institutions corrompus sont en place pour continuer dans le louche. Ce fut le cas en 2005 où on avait poussé un ouf de soulagement à la mort d’Eyadema, croyant nos soucis finis, avant de nous rendre compte que rien ne pouvait changer avec les institutions que nous avions. Ce fut le cas au Gabon en 2009 avec la mort d’Omar Bongo, une mort qui n’avait pas pu libérer les Gabonais de la maffia françafricaine et des horreurs franc-maçonniques, les créneaux du mal ayant survécu après la mort de Bongo. Faure Gnassingbé n’est qu’une des multiples têtes de l’hydre qui a toujours enfoncé le Togo, et sa mort ne signifie nullement pas la mort de notre monstre fabuleux de dictature.

Des institutions saines, un parlement représentant réellement les aspirations du peuple, une cour constitutionnelle impartiale, une Commission nationale crédible, une armée républicaine… voilà les victoires que doit chercher notre opposition, au lieu de se rabattre sur des raccourcis insignifiants qu’elle transforme en victoires, pour nous impressionner, comme l’araignée du conte sur des cadavres de boa pour montrer à sa femme sa bravoure. « Et chaque soir, disait la grand-mère à ses petits-enfants, l’araignée revenait de sa partie de chasse, trainant derrière lui un gros boa mort qu’il disait à sa femme avoir tué, gagnant au jour le jour l’amour de cette dernière qui le prenait pour le plus brave des hommes du village, jusqu’au jour où l’araignée détala en criant devant un petit serpent qui s’était infiltré dans leur chambre, sous les yeux étonnés de sa femme qui n’en croyait pas, son mari était un poltron, un gros poltron et n’avait jamais tué un seul des boas morts qu’il ramenait à la maison chaque soir… »

Des serpents morts qu’elle n’a pas tués, notre opposition nous en ramène trop, et cette fausse alerte sur la mort de Faure Gnassingbé, venue de nulle part, et que beaucoup d’observateurs considèrent comme un coup louche monté par le pouvoir lui-même pour se mettre en vedette pour quelques moments, ce buzz cynique que certains de nos opposants voulaient détourner, pour une fois de plus nous impressionner, n’était qu’un énième boa mort. Et le grand vainqueur du bruit, c’est le cadavre vivant, qui se définit, reprenant les matoiseries de son tueur de père, comme un miraculé, s’étant offert un bain de foule à son retour dit triomphal à Lomé. De la pub gratuite pour Faure Gnassingbé et sa bande. Etrange.

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

Ankou Kodzo
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On ne peut pas vouloir une chose et son contraire, David. Si Faure meurt, c'esdt une délivrance pour le Togo. On ne veut pas de lui.
Merci

sermisoni assou mawuto
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Ankou apparemment t'es comme l'opposition dont parle David cause t'as parlé pour rien dire par ce que les vrais barrons qui sont a éliminés seront toujours en vie après sa mort et dis moi qui est apte maintenant a dirigé notre PAYS si se n est FAURE les autres aussi n'ont que de grands gueules et s'est maintenant eux aussi vont cherchés a prendre pour eux le problèmes de mon PAYS s'est une conscience en soit par ce que la politique est un gros cercle vicieux!!!

David Kpelly
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Tu as tout dit, cher cousin Deo. Comment tu vas du côté du vieux père Théodoro?

David Kpelly
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Je crains que vous ne vous trompiez de cible, mon cher Ankou, la mort d'Eyadema n'a rien changé au Togo, la mort de Faure n'y changera rien, mon cher.
Amitiés

Semedo Kafui
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Ekou loooo, Faure-vi kou dzakaaaaaaaaaaaaaaaaaa

David Kpelly
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Il n'est pas mort, ma chère Kafui. Souhaitons-lui plutôt la vie pour qu'on puisse le battre vivant, et le voir humilié par la défaite.
Amitiés

Antoine
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Cette affaire ne mérite pas qu'on s'y attarde David, passons à autre chose. Si c'est la mort que Fuare veut, il l'aura.

David Kpelly
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Vivement, cher Antoine, passons à autre chose.
Amitiés

RitaFlower
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La mort de Faure,mauvaise nouvelle pour ses partisans,bonne nouvelle pour le peuple.Il teste sa cote de popularité,quoi.Aimé ou détesté,il ne laisse personne indifférent,chers togolais.

David Kpelly
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Chère Rita, ses opposants se trompent, la mort de Faure ne changera rien à notre situation, crois-moi.
Amitiés