Qui veut éviter la guerre colorie son béret
Le Capitaine Sanogo et son béret vert
Bamako s’est réveillée, encore réveillée, ce matin du 08 février 2013 sur la panique. Pas devant un attentat-suicide perpétré par les islamistes chassés des villes du Nord-Mali, l’une des plus probables menaces qui pèsent actuellement sur la capitale malienne et qui a poussé les autorités maliennes à prendre de grandes mesures de sécurité et décréter l’état d’urgence. Pas devant de mauvaises nouvelles venues du front au Nord. Pas même devant un affreux accident quelconque. Mais devant des affrontements entre des militaires, des militaires de l’armée malienne. Un camp des bérets rouges situé en plein cœur de Bamako, le camp Para du quartier Djicoroni, venait d’être attaqué par des bérets verts. L’objectif était d’y déloger des bérets rouges qui refuseraient, sur les ordres d’un supérieur hiérarchique, d’aller combattre les islamistes-terroristes au Nord, aux côtés des troupes françaises et africaines.
On joue la comédie, disait l’autre. On joue la tragédie, est-on tenté de dire dans le cas malien. La tragédie ! Des militaires français et africains qui se battent farouchement au Nord-Mali contre les islamistes, et des militaires maliens qui se battent entre eux à Bamako pour une histoire de couleur de béret. Voilà le tableau, celui de la tragédie du Mali.
Des militaires de l’armée malienne qui se tirent dessus, faisant des blessés et même un mort, pendant que leurs concitoyens et frères d’armes sont en train de se sacrifier pour sécuriser des villes minées par les islamistes, pendant que des soldats français sont en train de suspendre minute après minute leur vie à Tombouctou, Gao et Kidal, à des milliers de kilomètres de leurs amis et amours, pendant que des militaires tchadiens, nigériens, togolais, nigérians… défient au prix de leur vie toutes les horreurs et atrocités dont sont capables des terroristes sentant leur défaite… des militaires maliens qui se battent entre eux, laissant aux militaires d’autres pays la charge de défendre le pays qu’ils sont censés défendre, protéger les populations qu’ils sont censés protéger, combattre l’ennemi qu’ils sont censés combattre. Presque incroyable, ce tableau.
Voilà des hommes éhontés, indignes, lâches, louches, hideux, cyniques, des tartuffes qui, pour leurs petits intérêts d’usuriers de mauvaise foi, sont prêts à complètement précipiter le Mali dans ce gouffre dont il est si proche aujourd’hui. Ces hommes avaient passé tout leur temps, dépensé toutes leurs énergies, utilisé toutes leurs stratégies pour s’entretuer depuis mars 2012, planifiant des coups d’Etat et des contre coups d’Etat, fragilisant l’autorité, faussant la hiérarchie, laissant la voie libre aux rebelles touaregs et aux islamistes pour prendre sans défense en quelques jours toutes les grandes villes du Nord-Mali. Pendant un an, ils se sont vidés pour s’envoyer en prison, se poser des pièges, quand les islamistes-terroristes, dopés de cocaïne, violaient des jeunes filles au Nord, tuaient à coups de pierres et de fouets des jeunes garçons, amputaient de vaillants hommes, droguaient, armaient et endoctrinaient de petits enfants, détruisaient des monuments…
Ces charlatans sont restés à Bamako et à Kati, suivant, insensibles, le carnage perpétré sur leurs vaillants frères au front devant les islamistes, ils auraient assisté sans broncher à la prise de tout le Mali par les assaillants, n’eût été la salvatrice intervention française. Et ils n’ont pas compris, ces ratés, qu’ils ne doivent même plus oser se faire voir, qu’ils doivent se cloîtrer chez eux pour digérer la honte qu’ils ont, la honte qu’ils sont, d’avoir laissé le pays qu’ils sont censés défendre entre les mains de militaires venus d’ailleurs, qu’ils doivent enlever leurs bérets dont les couleurs leur coûtent si cher, enlever leurs treillis qu’ils ne méritent plus, qu’ils n’ont d’ailleurs jamais mérités, et rejoindre les petits comités des lâches, leur élément, leur régiment. Ils n’ont pas compris, ces apostats, que chaque signe de division qu’affichera désormais l’armée malienne sera une source de motivation, une lueur d’espoir aux terroristes qui sauront que le Mali leur sera très facile à déstabiliser, à prendre.
La guerre au Nord ne sonne désormais dans leurs oreilles, à ces bérets multicolores de Bamako et de Kati, que comme un lointain écho cauchemardesque.
« Je suis préoccupé par le Nord », a répété pendant presque un an le capitaine Sanogo, le béret vert qui avait, en mars 2012, détrôné le président malien démocratiquement élu, qui avait promis aux Maliens, pour justifier son putsch, d’aller libérer le Nord-Mali dans les plus brefs délais, mais qui s’était rapidement reconverti dans l’art d’emprisonner, de traquer et de déshabiller les bérets rouges selon ses humeurs, qui avait d’ailleurs menacé de dissoudre ce corps, les accusant de contre-putsch, de terrorisme, de corruption, de détournement de fonds, de haute trahison… Quel chemin parcouru quand on sait que le grand putschiste préoccupé par le Nord, qui n’a curieusement depuis son putsch jamais tiré une seule balle sur le plus étourdi des envahisseurs du Nord, cherche désormais un poste dans l’administration à Bamako, des postes de diplomates à l’étranger et des retraites dorées à Bamako pour ses acolytes, loin du Nord – on se demande ce qu’ils ont fait comme travail pour demander une retraite !
A quoi bon aller encore se battre au Nord quand les frères étourdis de l’armée malienne qui ne savent même pas faire des coup d’Etat s’y battent déjà, quand les soldats français qui adorent tant la mort s’y font déjà tuer, quand les soldats africains du Tchad, du Niger, du Togo… ces hères qui n’ont jamais connu le privilège d’être un putschiste, encore moins l’honneur de porter un béret rouge, affrontent déjà les islamistes ? Moralité de l’histoire : « La couleur d’un béret, qu’elle soit verte ou rouge, ça se savoure dans un bureau, ça se trinque au frais, loin des fronts, loin de la guerre. » Parole de nos bérets rouges et verts. Ceux de Bamako et de Kati.
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