Ah, vous avez donc peur de la mort, M. Arthème !

8e lettre ouverte au Premier ministre togolais Arthème Ahoomey-Zunu
Bamako, le 18 novembre 2013
Monsieur le Premier ministre,
J’ai appris, comme la plupart des Togolais, que vous êtes actuellement malade et hospitalisé en France. Et j’ai un peu hésité avant de vous envoyer cette nouvelle lettre, la bienséance de nos coutumes exigeant qu’on ne bouscule pas les malades, surtout quand ils ont votre âge et votre importance. Mais j’ai surtout pensé à ce proverbe de chez nous : « Un lion, même amaigri, n’est pas un chien, mais un lion. » Vous demeurez donc Premier ministre, même sur votre lit de malade, et vos engagements restent vos engagements.
Je viens, donc, pour la huitième fois consécutive, vers vous, sur votre lit de malade, à propos d’Anselme Sinandaré, cet enfant togolais de 12 ans tué par balles le 15 avril 2013 par vos soudards lors d’une manifestation des élèves pour réclamer de meilleurs traitements à leurs enseignants. Souffrez, Monsieur le Premier ministre, oui, veuillez bien souffrir que je vous choque en vous rappelant une fois de plus que nous, Togolais, frères et sœurs d’Anselme, attendons toujours les enquêtes que vous avez promises sur la mort de notre frère, le 18 avril 2013, sur les ondes de la Radio France internationale, RFI. C’est juste un rappel, et je ne vais pas faire long. Vous êtes malade.
Monsieur le Premier ministre, vous avez dû avoir peur quand votre maladie, encore obscure pour nous autres de la plèbe, vous a attaqué. N’est-ce pas ? Peur de mourir. Votre famille, votre femme et vos enfants ont aussi eu peur. Peur de vous perdre, vous qui leur êtes si cher. Vous avez immédiatement exigé qu’on vous expédie en France, un vrai pays, pour vous faire traiter par de vrais médecins, dans un vrai hôpital. Parce que vous n’avez aucune confiance au pays que vous dirigez, aucune confiance aux hôpitaux que vous avez construits, aucune confiance aux médecins et autres agents de santé que vous y employez… Soit. L’adage le stipule si bien : « Seul celui qui traîne l’hernie connaît le vrai poids de son hernie.» Vous savez ce que vous avez mis dans ces hôpitaux togolais comme matériel et personnel, et vous savez, vous seuls, pourquoi vous préférez partir en Occident vous faire traiter chaque fois que vous remarquez le moindre bouton sur votre visage.
Vous avez, donc, Monsieur le Premier ministre, eu peur de mourir. N’est-ce pas ? Vos proches aussi. Et sur votre lit de malade actuellement, vous expérimentez cette angoisse que l’on ressent devant la mort quand on s’en approche. Vous voyez, dans tous ces yeux qui vous entourent, la peur de perdre un être proche, cher. Et vous pouvez facilement imaginer, juste imaginer leur réaction, leur douleur, leur enfer, s’il arrivait, oui, s’il arrivait qu’on vienne leur dire… qu’on vienne leur dire ce qu’on est parti dire aux parents, aux amis, aux proches d’Anselme Sinandaré ce 15 avril 2013, après qu’une de ces bêtes féroces que vous formez au Togo a ajusté son fusil et l’a abattu.
Mais, Monsieur le Premier ministre, contrairement à vos proches qui sauront la maladie qui vous aura emporté, les proches d’Anselme, si aucune enquête n’est faite sur sa mort, si son tueur n’est pas identifié et convenablement puni, les proches d’Anselme, eux, pleureront non seulement leur bien-aimé, mais aussi cette justice morte dans notre pays, et dont leur fils, leur ami, leur frère, n’a pas pu bénéficier, cette justice dont n’ont pas bénéficié des milliers et des milliers de Togolais gratuitement assassinés par la seule et même main, ce régime que vous servez. Et ils seront éternellement malheureux. Éternellement.
Monsieur le Premier ministre, je ne vais pas continuer avec ces hypothèses macabres, à vous parler de mort et d’assassinats. Vous êtes sur un lit de malade, et vous avez peur de la mort. Normal. Comme le dit le dicton : « Le boucher ne comprend le râle du mouton agonisant que quand il se retrouve avec un couteau sur la gorge. » Je vous souhaite, donc, de tout cœur, un prompt, un très prompt rétablissement. Un lit de malade est un très bon lieu de repentance. Profitez-en et revenez-nous beaucoup plus fort, beaucoup plus sain. Beaucoup plus juste. Surtout.
Très cordialement
Yao David Kpelly
PS : Ah, Monsieur le Premier ministre, j’oubliais, je voudrais vous faire lire ce message qui m’a été envoyé sur Internet le 06 Novembre 2013, par un frère togolais : « Salut David, j’aimerais te faire une suggestion. Refusant d’assumer sa responsabilité dans l’assassinat du jeune élève Douti Sinanlengue battu à mort par les spadassins du régime, le gouvernement Ahoomey-Zunu avait affirmé qu’il était mort d’une péritonite. Et un faux certificat médical avait été délivré à cet effet. Ironie du sort, c’est le Premier ministre lui-même qui souffre aujourd’hui d’une péritonite. C’est ce qui ressort du conseil des ministres d’aujourd’hui. On y lit : ‘’Sur l’état de santé du Premier ministre, le Chef de l’Etat a tenu à informer le Conseil que le Premier ministre a été évacué à l’étranger pour y être opéré d’une péritonite faisant suite à une appendicite non découverte à temps. L’opération s’étant bien déroulée, le Président de la République a souhaité un prompt rétablissement au Premier ministre ‘’. Si ça peut t’inspirer pour une nouvelle lettre ! » Des idées, Monsieur le Premier ministre ?
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