Comment boire des Flag avec une Tchadienne sans se retrouver dans le lit d’un Nigérian (Deuxième Partie)

16 décembre 2013

Comment boire des Flag avec une Tchadienne sans se retrouver dans le lit d’un Nigérian (Deuxième Partie)

Boite de nuit à Bangui (Crédit image: www.slateafrique.com)
Boite de nuit à Bangui (Crédit image: www.slateafrique.com)

Résumé de la Première partie : Le héros, jeune Togolais vivant à Bamako, est invité, en pleine nuit, par un ami, tchadien, à venir prendre un verre avec des étudiantes tchadiennes fraîchement débarquées à Bamako. Il prend un taxi pour s’y rendre.

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Le conducteur, cinquantenaire par les rides sur son visage et les cheveux blancs dans sa tignasse, mais jouant au trentenaire avec son look de rappeur underground, T-shirt à l’effigie de Jay-Z et casquette renversée, ne demanda pas mon avis pour me réciter son sermon sur la chute de la femme malienne : « Eh, mon frère, dis-moi, tu es ivoirien ? Ah, Togolais ! Je te jure, mon frère togolais, que ce sont les femmes qui vont détruire ce pays ! On raconte que c’est le coup d’Etat de Sanogo qui a plongé ce pays dans la crise, mais si tu vérifies bien tu vas voir que c’est sa femme qui l’a poussé à faire ce putsch pour s’enrichir et lui donner beaucoup d’argent pour ses basins et bijoux. Je te jure, crois-moi mon frère togolais, derrière tout grand criminel se cache une femme. Comment veut-on que les hommes de ce pays soient honnêtes quand leurs femmes ont des yeux aussi gros que les testicules d’un cochon, hein ? Peux-tu comprendre que les femmes d’un instituteur ou d’un policier qui gagnent à peine cinquante mille par mois, peux-tu comprendre que les femmes de ces pauvres demandent à leur mari de leur coudre un basin brodé chaque semaine pour les mariages, hein ? Comment cet instituteur ne va pas vendre des notes aux élèves, hein, mon frère togolais, comment ce policier ne va pas traquer des taximen et les escroquer injustement, hein, comment il ne va pas laisser les motocyclistes violer les feux tricolores contre cinq cents francs CFA, hein, dis-moi, mon frère. Le pire c’est qu’elles nous mentent et nous trompent, elles ont la langue aussi tordue que le pénis du canard, le cœur aussi dur que les yeux du crabe. Non, sérieux, c’est quel genre de femmes ça là hein ? Moi, de toute façon, ma décision est prise, maintenant, c’est une femme blanche ou rien, y a pas question que ces rastas dégoûtants qui ne se lavent même pas nous en mettent plein la vue tous les jours avec des femmes blanches, de vraies femmes, alors que moi je sacrifie mon temps avec des femmes noires… »

Nous arrivâmes devant le bar après une trentaine de minutes, quand le chauffeur était encore occupé à me raconter comment sa femme l’avait quitté, il y avait juste six mois, après trois ans de mariage, pour aller vivre avec un de ses amants dans le même quartier, parce que ce dernier venait de  gagner deux millions au tiercé et s’était acheté une télé écran géant avec abonnement Canal+, un frigo, une moto chinoise, une gazinière… « Tu vois, devant un monsieur qui a percé ainsi, et qui vit désormais dans le luxe comme un ministre, c’est pas moi un sale taximan qui vais faire le poids aux yeux de ma femme. Tout le monde se moque de moi dans le quartier, me traitant de lâche et d’homme indigne, me conseillant d’aller récupérer ma femme, même si je dois tuer mon rival, que la justice me donnera raison… mais dis-moi, mon frère togolais, est-ce que tu me vois, moi, un taximan qui n’a même pas dix mille francs d’économies, gagner un procès dans ce pays devant un homme qui a gagné deux millions au tiercé, hein. Si j’ose m’engager dans cette procédure judiciaire, je risque de vendre mon vieux taxi-là sans aucun résultat, d’ailleurs ce sont les juges même qui commenceront à me la labourer, ma femme…»  

Une dizaine de petites péripatéticiennes, décalquées dans des robes tellement transparentes qu’on y voyait la peau de leurs fesses et la couleur de leur string,  perchées sur des escarpins plus hauts que les Chinois qui les ont fabriqués, parfumées et maquillées comme des adeptes ratées de mamiwata, vinrent encercler la voiture qui s’était arrêtée juste devant le bar, excitées comme des collégiennes togolaises en chaleur. Le conducteur, comme piqué par une soudaine folie, lâcha le volant, se tint la tête des deux mains, et commença à hurler, tournant sur son siège, les yeux allumés : « Tchiééééé, wallahi, c’est quoi ça, hein, Allah ! C’est des filles des gens comme ça ? Regarde comment elles sont habillées ! Quelle dépravation des mœurs dans ce pays ! Des filles qui n’ont même pas vingt ans, des filles qui n’auraient normalement pas encore poussé des seins, si on vivait à une époque normale, des filles qui devraient normalement être encore en train de dormir à côté de leur mère, qui viennent se prostituer, Allah ! Regarde leurs derrières bombés, regarde leurs poitrines ! Eh, les gens mangent de bonnes choses dans la vie, hein, mon frère togolais ! Paie-moi rapidement, je vais faire deux tours et je reviens en prendre une pour la nuit. Dis-moi, quelque chose que même les ministres, même les députés, même les imams, même les pasteurs, même les marabouts, même les personnalités de ce pays viennent manger, alors dis-moi, c’est moi un sale taximan qui vais m’en priver, hein ? Cinq mille francs au plus et je vais passer une nuit de rêve avec de la chair fraîche et efficace ! Ne les trouve pas petites, hein, mon frère togolais, tu les vois minuscules comme ça à l’air libre mais dans un lit elles sont plus femmes que nos mères à toi et à moi réunies, même si tu y mets deux troncs de baobab ensemble ça va rentrer, allez, paie-moi, faut que je revienne vite ici, avant que les ministres ne viennent les chercher toutes. »   

Je fis signe, par téléphone, à Mahamat que je venais d’arriver, en me précipitant vers une boutique en face du bar pour acheter un paquet de Protector+. Souley, l’un de mes meilleurs amis, me l’a toujours dit, un homme, un vrai, ne rentre jamais dans un bar sans avoir des préservatifs dans la poche, parce que nul ne peut savoir quand rencontrer, dans un bar, une baleine saoulée à décapiter à la va-vite, une libellule éblouie par les lumières nocturnes à sa mettre sous la dent pour bien continuer la soirée. Le premier jour où il m’avait donné ce sage conseil, il m’avait cité l’adage de la tortue qui répond quand on lui demande pourquoi elle se déplace toujours avec sa carapace qu’elle ne sait où la nuit peut la surprendre, et qu’elle bouge toujours avec sa maison pour ne pas être contrainte un jour de dormir à la belle étoile.

Le boutiquier, un Maure ou un Touareg, croyant que j’avais dans mon lit une proie prête à être dépecée, me tendit, en souriant, le paquet en me souhaitant bon travail. « Sale Maure ou Touareg, ai-je pensé en sortant de la boutique, tes frères sont en train de se faire des millions en prenant des otages occidentaux et toi tu es là, ignare, à foutre ta gueule de loser dans les affaires d’honnêtes gens comme moi. »   

A suivre…

Note : Ce texte, dont le titre est inspiré du célèbre titre « Comment faire l’amour avec un Nègre sans sa fatiguer » est écrit pour saluer l’élection de l’éminent écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière à l’Académie française. Tant qu’existeront des hommes comme ce monsieur, le rêve de forger des mots, de les rendre plus beaux, plus doux, plus vivants, hantera toujours des générations et des générations.

 

 

 

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Commentaires

David Kpelly
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It's on!

Aimé
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C'est pourquoi sur la Terre de nos aïeux, nous commandons les préservatifs et les gaz lacrymogènes en quantité industrielle. Que vaut une démocratie sans les préservatifs républicains?

David Kpelly
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Ha ha, mon cher Aimé, c'est encore quoi ça cette histoire de préservatifs républicains? Une nouvelle invention de la République gnassionale?

ANANI
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J'ai trouvé mon Henri Lopez, j'ai trouvé mon Sony Labou Tansi. Serait utile pour la postérité de relier ces écrits pour en faire un ivre

David Kpelly
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T'inquiète, cher Anani, tes enfants liront bientôt tous ces textes sur du papier. T'inquiète. Wait and see. Toujours!

DEBELLAHI
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Il est mieux pour le Maure/Touareg de continuer à te vendre les préservatifs, en distribuant son sourire jaune, que d'aller se faire exploser pour faire une boucherie ailleurs. Ces écrits sont tout simplement inimitables, et tout à fait agréables.

David Kpelly
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Non, mais mon cher Debellahi, il serait mieux que le Maure la ferme en vendant ses préservatifs au lieu de la foutre dans mes affaires nocturnes non? Si c'est pour m'embêter, wallahi, je préfère le voir aller se faire exploser au Nord Mali!

Rendodjo
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Je ne savais pas que mes soeurs pouvaient inspirer un de la sorte! Vivement la partie trois.

David Kpelly
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Tes soeurs sont simplement sublimes, ma chère Rendodjo! (Mais moins les Flag, hein) Affaire à suivre! Toujours!

Emile Bela
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Vraiment Dave, tu es super pour moi!

David Kpelly
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Comment tu vas, mon pote! Depuis que tu m'as donné un faux RDV dans une chambre d'hotel, euh d'auberge à Dakar tu me fuis? Je t'aurais hein!
Amitiés de Bamako! Elles s’agenouillent toujours la-bas chez toi?

Baba Mahamat
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Très original tu viens encore de taper très fort. un texte riche qui témoigne de tes riches réflexions avec un style exceptionnel. Merci pour ce beau billet David, un hommage mérite a Dany

David Kpelly
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Un plaisir, mon cher Mahamat. L'ami dans le texte porte ton nom, hein! Toute ressemblance est... A suivre!

tpirakc
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David, je veux ce texte sur du papier fraîchement sorti d'usine,
David, je souhaite lire cette portion de ton génie de sur un e-reader,
David, j'attends que tu finisses de nous mettre ce texte sur un support relié pour le faire lire à mes "enfants", pour les mettre en garde.
J'attends la suite. Je n'ai rien à dire pour le moment.

David Kpelly
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Tu l'auras bientôt sur papier, t'inquiète mon cher. Tu l'auras.
Amitiés!

chrissfreevoice
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Eh bien, ça promet ! Quelle histoire !
Je rêve de prendre un taxi avec toi...
La suite, mon ami blogueur, je l'attends avec délectation !

David Kpelly
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La suite vient très bientôt, mon cher Chris, très bientôt.
Amitiés!

Marine Fargetton
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Excellent! Une proie prête à être dépecée!!!!! J'adore ton parler cru! Vivement le prochain épisode :)

David Kpelly
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Un plaisir, ma chère Marine... A suivre, bientot.
Amitiés!

De Rocher Chembessi
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Très bel article...La suite, vite s'il te plait...

David Kpelly
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La suite vient très bientôt, mon cher De Rocher.
Amitiés!