Molière et les filles chez Beethoven
Fille asiatique
Quand j’entrai dans la salle de réception de l’hôtel Ibis de Bonn le samedi passé dans la soirée, je crus que je m’étais trompé d’hôtel, je m’étais cru dans une salle de casting pour un film hindou, ces films aussi insupportables que le pet d’un rival, qui encombrent désormais nos chaînes de télévision africaines, et dont le seul but est de nous vendre la culture indienne, l’Inde étant désormais très industrialisée, trop industrialisée pour ne plus laisser l’Afrique sous-développée et ignare ignorer sa culture, des films dont le seul mérite est de rassembler de très belles actrices indiennes.
Je m’adressai à la réceptionniste qui me confirma que j’étais à l’hôtel Ibis de Bonn, et que toutes ces filles asiatiques assises au bar, en mini-jupes et en pantalons étaient des invitées au forum auquel j’étais invité. Je me précipitai sur elle pour l’embrasser de joie, avant de remarquer, sous une vive douleur, qu’une épaisse vitre me séparait d’elle, et que je venais d’y cogner la gueule. Toutes ces filles invitées par la même institution qui m’invitait, qui participaient à la même conférence que moi, qui dormiraient pendant quatre à cinq jours dans le même hôtel que moi, prendraient chaque matin le même bus que moi, discuteraient le soir à la même table que moi dans le restaurant de l’hôtel, prendraient le même ascenseur que moi pour monter dans leurs chambres la nuit… moi qui m’attendais à ne côtoyer durant mes trois jours de conférence que de vieux intellos cancéreux mangés par la prostatite ! Je ne le dirai jamais assez, chrétien convaincu que je suis, les voies du Seigneur sont si impénétrables, Dieu n’oublie jamais le pauvre orphelin sans protecteur que je suis. Je récitai intérieurement le psaume L’éternel est mon berger, je ne manquerai de rien… il me fait loger dans des hôtels avec de belles petites filles asiatiques durant les conférences…
Disons que j’aime les filles asiatiques, les Chinoises, les Coréennes et les Indonésiennes. Rien à faire, je les aime à mourir, je les aime à tirer dix balles de revolver dans la tête de mon père sans le moindre frisson, comme il est déjà mort, mon paternel, depuis 1999. C’est seulement devant ces filles que le macho refoulé qui dort en moi trouve quelques moments d’autosatisfaction. Mes cent soixante centimètres deviennent subitement si gigantesques, je me sens tellement Will Smith devant les filles asiatiques nées et ayant grandi parmi des hommes dont la majorité ne dépasse pas une jarre d’eau en taille, que je me dis que ce serait une erreur, un péché que de mourir sans en avoir épousé une.
Les pauvres filles m’avaient d’ailleurs supplié il y a juste quelques mois dans un message électronique, Non, Dave, le Dévé aux Africaines, tu sais que nos hommes sont trop petits, hein, on va faire quoi, dis-nous Dave, on va faire quoi avec ces petites boules-là, hein, c’est terrible notre destin, t’atteins l’âge de te marier, tu veux faire ton choix et t’as que des nains et des nabots, des vieillards de trente à quarante ans à qui on en donnerait au plus douze, des maris pas même foutus de te sécher tes dessous sur une corde à sécher d’un mètre et demi de hauteur, pas même foutus de te chercher ton soutien-gorge dans l’étagère supérieure de ton armoire, pas même foutus de te porter avec leurs moignons, non Dave, c’est injuste, viens en Asie nous épouser toutes, viens nous libérer du terrible cauchemar de ces lilliputiens, nous savons que t’es pas un musulman, nous savons que t’es pas un imam, mais viens nous épouser toutes, regarde comme t’es si grand avec tes un mètre soixante, et t’es là en Afrique à ne regarder que ces filles africaines nymphos, écoute, si tu viens pas en Asie avant la fin de cette année nous épouser toutes, eh bien, on va venir nous-mêmes, pas pour toi, mais pour aller demander à Faure Gnassingbé de nous épouser, et nous savons que lui il va pas nous refuser, parce que le mec même quand on lui présente un arbre maquillé en femme il prend, ouste, magne-toi et viens en Asie avant qu’on ne vienne faire hara-kiri chez Faure Gnassingbé.
Les pauvres filles ! C’était l’occasion rêvée de leur montrer combien je les aime. Après avoir fait monter mes valises dans ma chambre, pris un bain, arrosé tout mon corps d’un parfum Givenchy acheté à l’aéroport de Casa, du vrai donc, c’est vous dire, brossé mes cheveux gominés, ces cheveux que j’ai hérités de mes racines arabes, la grand-mère paternelle de la mère de la cousine de mon grand-père maternel s’étant, en l’an 1235 avant Jésus Christ, fait violer par un commerçant arabe, après avoir, donc, aiguisé tous les crocs de mon sex-appeal que je nous vous décris plus, je descendis au bar. Hé, salut les filles, écoutez, moi je suis pas là pour la conférence, mais juste pour vous faire éclater, et pour commencer, je vous offre toutes une promenade au bord du fleuve Rhin, ensuite une petite virée en boîte, vous savez, je l’ai toujours dit, la plus grande merveille que Dieu ait faite, après celle d’avoir fait rencontrer mon père et ma mère, est d’avoir créé les filles asiatiques, allez, bougez, les princesses, votre prince charmant est à vous. Au lieu de l’hilarité générale que j’espérais, je reçus comme réponse des regards confus et interrogateurs. L’une des filles, avec un sourire asiatique, mélange d’innocence et de perversité, me murmura please, we don’t understand that langage, don’t you speak english, hein.
Bien sûr que je speak english, les filles, mais ce que je ne peux pas faire c’est de draguer en english, j’ai tellement fait corps avec la langue française que je ne me sens plus dans une autre langue étrangère. Comment raconter des blagues en english, comment taquiner en english, comment improviser des histoires drôles en english, c’est ce que je ne peux pas faire, les girls. Mais découragement n’est pas togolais, comme on dit chez nous, imaginez que ça fait maintenant des dizaines et des dizaines d’années que nous supportons une équipe de foot qui n’a jamais fait un exploit, une équipe ayant, en 2006, aligné trois matchs trois défaites en Coupe d’Afrique, trois matchs trois défaites en Coupe du monde, mais que nous appelons toujours notre équipe et que nous supportons, imaginez que ça fait sept ans que Faure Gnassingbé est notre président, mais nous sommes toujours en vie, découragement n’est donc pas togolais, Fais Confiance à ton fétiche et écrase du piment avec ton sexe, aïe, proverbe de mon super mentor Kangni Alem. Essayer. « Hello, small girls, let me tell you that I… i’m not here to participate to the conference, mais – le mais est passé au travers de ma langue, veuillez donc excuser ma langue, just to make you, to make you…Hein, ça se dit déjà comment en anglais, faire éclater quelqu’un, hein, to make you, euh, to do you… Je ressemblais à un épileptique au début de sa crise.
J’étais là, au milieu de ces petits yeux d’Asiatiques, des yeux amusés par l’analphabète que j’étais subitement devenu, incapable de traduire le verbe s’éclater en anglais, quand un Somalien de la trentaine, rien qu’un Somalien, mon Dieu, participant aussi à la conférence, descendit de l’étage et lança au harem un truc du genre « Hi, my angels, can i… machin… and… bidule… so that… mes couilles… » Le genre de truc que je n’ai pas pu dire aux filles pendant presque cinq minutes. Intéressées, délivrées du zigoto que je leur paressais, elles se levèrent, me dépassèrent et suivirent le Somalien, rien que le Somalien. L’abattre, mon Dieu ! Je caressai mon revolver OT235I que j’avais acheté en 2005 pour tirer sur un convoi de Faure Gnassingbé, mais qui ne me sert finalement qu’à tuer les chats de mes voisins à Bamako, avant de me raviser, un Somalien qu’on tue, c’est comme une pute qu’on viole, aucun triomphe, le gars est déjà à moitié mort, comme il est Somalien. Je pensai au suicide, m’ouvrir les veines, mais je n’avais pas un couteau, et ne savais pas comment le désigner en anglais pour en acheter un. Je regardai la réceptionniste de l’hôtel qui me fixait depuis le début de mon one-man-show, Don’t you want to follow the girls, me lança-t-elle en souriant. Non, ma dear, je ne want pas to follow les girls, je want to kill them.
Dédicace à Anne la Française, Anne la super cool de Bonn, toi au moins qui m’a parlé français.
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