David Kpelly

Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval (Cinquième Partie)

Jeune homme noir avec des dreadlocks (Crédit image: www.afrocoiffure.blogspot.com)
Jeune homme noir avec des dreadlocks (Crédit image: www.afrocoiffure.blogspot.com)

Résumé de la quatrième partie : Le héros, Karim Diallo, la trentaine, gigolo devant Dieu et devant  les femmes âgées, se rappelle les moments forts de sa carrière, notamment sa mésaventure avec la vieille Youma où ses couilles furent pilées comme du foufou.

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Karim Diallo s’était retrouvé à l’hôpital pendant deux mois, les docteurs ayant eu de très grandes difficultés pour remettre en ordre l’assiette de tchep dien sénégalais qu’était devenu son entrecuisse. La première semaine de son hospitalisation, son moteur avait refusé de démarrer, restant aussi froid que le museau d’un chien même devant les films pornographiques chinois les plus chauds qu’il regardait dans son téléphone portable pour allumer son excitation. Il avait passé les sept jours de ce périple à pleurer, se rappelant cet adage d’un de ses grands-pères qui stipulait qu’un homme impuissant en bas est aussi vulnérable qu’une tortue sans carapace, aussi méprisable qu’un lion sans griffes, aussi ridicule qu’un caïman sans dents. Les docteurs l’avaient rassuré, lui affirmant que ça allait finir par revenir, que ses nerfs n’avaient pas été complètement touchés, qu’ils allaient très rapidement recommencer à travailler et son serpent à se dresser à la moindre tournure de hanches insolite d’une femelle.

Dix jours d’hospitalisation et des centaines de films obscènes après, il avait retrouvé son érection, et bien qu’elle fût aussi lente que celle d’un octogénaire nigérien veuf, aussi faible que celle d’un diabétique hypertendu, il avait remercié Allah dans Sa très grande Miséricorde, se réconfortant avec le dicton « Caleçon troué vaut mieux que fesses nues ». Une érection, aussi faible, lente, et timide soit-elle, reste une érection. Allah soit loué ! Puis, avec les soins, elle était progressivement revenue, se solidifiant au fil des jours, cette satanée érection qui avait failli le trahir. Les morceaux de couilles, eux, avaient mis plus de temps à se recoller. Il avait quitté l’hôpital avec le ferme serment de désormais savoir canaliser sa libido et réserver ses puissantissimes coups de reins à sa future femme.

Mais le serment n’avait duré que quelques semaines, le gigolo ne se nourrissant pas de serment et d’eau fraîche. L’étalon peul avait recommencé à fréquenter les coins nocturnes chauds, traquant les vieilles nymphomanes et leurs portefeuilles avec la même détermination qu’un islamiste paumé sahélien à la recherche d’un Français perdu dans le Sahara. Il avait laissé Youma la généreuse, sachant pertinemment que le jour où son anti-balaka de fils le surprendrait encore en train de la chevaucher, il ne se contenterait plus seulement de préparer du hamburger avec ses couilles comme il l’avait fait la première fois, mais les lui trancherait tout simplement comme on castre un mouton. On lui avait, d’ailleurs, conseillé un nouveau segment de vieilles nymphomanes, exigeantes, certes, mais qui payaient extrêmement gras, et en devises étrangères. Les vieilles touristes blanches.

Les vieilles touristes blanches, cette horde hétéroclite composée en grande partie de nymphomanes ménopausées qui s’abattent, comme des gnous affamés, sur l’Afrique pendant les vacances, à la recherche, disent-elles, de merveilles exotiques, alors que le seul exotisme qui les intéresse sur place, pour lequel elles sont venues, se trouve dans les coups de reins de ces jeunes hommes africains musclés de la poitrine et du phallus, poilus comme les couilles d’un bouc, capables, avec quelques feuilles de haschich dans les narines, de faire jouir une momie de dix siècles.

Karim Diallo, après s’être fabriqué à la hâte des dreadlocks – les vieilles touristes blanches nymphomanes ayant une affection particulière pour les rastas, les rappeurs, les danseurs et tout saltimbanque équivalent, pourvu qu’il sache suffisamment se droguer pour suffisamment les satisfaire, Karim Diallo, après s’être, donc, fait rasta, avait réussi à en dénicher une, une très jeune Italienne de 64 ans, venue au Mali, disait-elle, explorer le vaste et magnifique pays Dogon. Un pays Dogon qui s’était limité à son hôtel de Bamako où Karim Diallo l’avait rencontrée un soir, l’avait draguée pendant une dizaine de minutes, l’érection à fleur de phallus, avant de la faire monter dans sa chambre à elle, lui montrer sous des draps douillets le vrai pays Dogon que la plupart de ses sœurs se bousculaient pour venir visiter au Mali toutes les vacances.

Charmée par ce pays Dogon inimaginable, l’Italienne avait demandé à Karim de rester avec elle à l’hôtel durant les six semaines que devait durer son voyage au Mali, pour lui faire découvrir le pays Dogon toutes les heures, contre quelques dizaines d’euros par jour. Le gigolo avait accepté l’offre avec joie, et ensemble ils avaient fait un énorme stock de préservatifs, de lubrifiants et de Viagra, de quoi découvrir tous les coins et recoins du pays Dogon pendant six semaines. Mais une nuit, durant leur cinquième semaine de vie commune à l’hôtel, après une chaude séance de redécouverte du magnifique pays Dogon, l’Italienne avait sorti de ses affaires un godemiché aussi gros qu’une amulette dogon, aussi dur que le flanc d’une montagne dogon, et avait demandé à Karim de s’agenouiller sur le lit, c’était son tour à elle de lui faire découvrir leur pays Dogon d’Italie ! Le gigolo peul, n’ayant aucune envie de connaître le pays Dogon d’Italie, avait détalé, traversant tout le hall de l’hôtel, une serviette autour de la hanche, en hurlant : « Non pas ça, je suis hétéro, non pas ça, je suis hétéro… »

Après ce nouvel accident de travail, le gigolo avait tracé sur le segment des touristes blanches, et était retourné vers les nymphomanes noires, l’urine revenant toujours couler sur la cuisse après ses errances. Deux semaines après, il avait fait la rencontre d’une jeune femme d’affaires sénégalaise de 66 ans, Mame Thiam, ancienne épouse d’un ministre du président Senghor reconvertie en femme d’affaires et cougar après la mort de son mari. Elle venait une ou deux fois par an faire des affaires à Bamako, et le contrat était que Karim la détende durant ses séjours dans la capitale malienne. C’était, justement, chez elle que le gigolo peul se rendait ce midi. Elle attendait à l’hôtel.

A suivre…

Note : Le titre de la nouvelle « Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval » est un proverbe du peuple éwé, peuple vivant au Togo, au Ghana et au Bénin. Le proverbe signifie que la plupart des malheurs d’un homme proviennent de lui-même.


Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval (Quatrième Partie)

 

Jeune homme africain (Crédit image: www.123rf.fr)
Jeune homme africain (Crédit image: www.123rf.fr)

(Quatrième Partie)

Résumé de troisième partie : Le héros, Karim Diallo, la trentaine, gigolo devant Dieu et devant  les femmes âgées, se rappelle les moments forts de sa carrière, notamment son aventure, au lycée, avec sa prof d’allemand.

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Karim Diallo, le peuhl, et sa vache, sa prof d’allemand, s’étaient aimés pendant presque six mois. Mais, jouissances après ébats amoureux, ébats amoureux après caresses, caresses après mots doux, la jeune prof d’allemand avait fini par retrouver ses vraies envies de femme, les braises du désir qui s’étaient endormies en elle avec les déceptions amoureuses recommençant à s’activer. Elle avait recommencé à vouloir d’un homme avec qui vivre, à rêver mariage. Et un matin, en regardant dans la glace de sa conscience, elle avait remarqué que le jeune peuhl, son amant, même s’il avait des coups de reins aussi puissants que ceux d’une star de porno en quête d’un rôle majeur dans une superproduction, restait son élève, un élève trop jeune, un élève trop nul en classe, dont l’avenir ne présageait rien de potable. Elle voulait d’un homme épousable. Et elle mit fin, un soir, à sa relation avec le jeune puissant étalon peuhl. La grosseur des testicules ne fait pas d’un chevreau un bouc, sagesse des anciens.

Le gigolo junior, fort de son expérience de six mois avec une femme plus âgée que lui, avait pris confiance en lui-même, et s’était découvert des vrais talents cachés au lit. Car il y avait une chose dont il était sûr, si sa prof d’allemand l’avait laissé tomber, ce n’était pas parce qu’il était mauvais au lit, ah ça non ! On n’apprend pas à un peulh à consoler puis traire une vache, de surcroît une qui pleure. Son amante l’avait toujours félicité en le taquinant après leurs parties chaudes : « Karim, tu sais, tu as tout ce qu’il faut au lit pour combler une femme. Dieu sait si bien faire les choses, il t’a mis dans le phallus tout ce qu’il ne t’a pas mis dans la tête. Tu es aussi formidable au lit que tu es bouché en classe. Ton phallus te servira mieux dans la vie que ta tête.»

Il avait échoué au bac cette année avec une moyenne très minable, trois au lieu de dix pour passer et avait été exclu de son lycée. Le proviseur, dragueur infortuné de son ancienne amante, la prof d’allemand, et qui à un moment avait été mis au parfum de leur idylle, avait pris un savoureux plaisir, avec cette grande jouissance que donnent les revanches qui viennent au bon moment, de lui mettre sur son bulletin de fin d’année une observation du genre : « Elève taré qui ne comprend rien dans aucune matière. Ne doit être accepté dans aucun autre lycée car ne pouvant jamais réussir au bac. » Il n’avait pas regretté une seule seconde les salles de classe. Ce n’était pas son élément. Il n’était pas venu au monde avec un stylo en main, mais un phallus en érection. C’était un signe. Il devait utiliser son don. Le phallus. Rien que ça. Il allait devenir un gigolo professionnel, gagner sa vie en satisfaisant les envies érotiques des vieilles femmes, avait-il décidé une nuit.

En quelques jours, grâce à Internet et certains de ses amis spécialistes des nuits, il avait réussi à collecter les adresses des plus grands coins de débauche de Bamako, et avait même découvert, par les rumeurs, l’existence de deux obscurs et curieux clubs, AFALDEBRAM : « Association des femmes âgées libres, décomplexées et branchées du Mali » et FACHAUMA « Femmes âgées mais chaudes du Mali », deux groupes de vieilles nymphomanes de la soixantaine et plus, recyclées à coups de mélanges cosmétiques chinois et nigérians, qui prenaient d’assaut, chaque nuit, les boîtes de nuit et maquis bamakois, à la recherche de jeunes hommes bio suffisamment vigoureux pour aller chercher aux confins des restes de leurs défunts clitoris un semblant d’orgasme pour titiller les égos de leurs libidos atrophiées.

Plus à l’aise qu’un ouvrier chinois dans une boîte de strip-tease ghanéenne, Karim Diallo s’était très rapidement fondu dans la masse du dévergondage sexuel, ayant réussi juste après trois jours à mettre la main sur une sexagénaire, Youma Sangaré – peuhle comme lui, se présentant comme une pauvre veuve traumatisée après la mort de son mari par sa belle-famille, et décidée, disait-elle, à manger la vie avant de mourir, pour rattraper toutes ces années de privation et de frustrations qu’elle avait subies au foyer de son défunt mari. Dès leur première partie chaude, Karim Diallo, avec l’agilité d’un policier togolais lançant des gaz lacrymogènes à des étudiants, l’avait tellement tournée, retournée, tourneboulée, retourneboulée qu’elle avait joui en hurlant : « Oooohhhhh, Karim mon bébé, demain matin je te fais un chèque de cinq cent mille francs, tu es trop top, ooohhhh Kariiiiimmmm ! » Il avait eu son chèque de cinq cent mille francs le lendemain, et la clé d’un scooter chinois une semaine après. Un ange, la vieille-jeune Youma.

Mais il y avait eu ce jour où, alors qu’il était, une longue cravache en main, en train de cravacher sa jeune jument de soixante ans, avec la même hargne qu’un patron libanais chevauchant sa domestique africaine, le fils aîné de la vieille barbaque, informé de la nouvelle relation honteuse de sa mère, avait fait irruption dans la pièce après avoir défoncé la porte, s’était jeté sur lui avec la rage d’un fauve affamé, et avait commencé à lui asséner de violents coups de poings dans le ventre, partout sur le visage, et, pire, sur les couilles, malgré les cris de rage de sa mère qui hurlait, paniquée : « Oumar, laisse ce garçon, je te dis de laisser ce garçon, qu’est-ce que tu crois, hein, tu crois qu’il était en train de me faire quelque chose, hein, eh bien, tu te trompes, dis-moi, qu’est-ce que moi, ta mère, une femme de soixante ans, je peux faire avec un si jeune garçon qui peut être mon petit-fils, hein, non, c’est un gynécologue, il était juste en train d’introduire en moi un produit pour guérir mon cancer du col de l’utérus, je te jure, le Prophète, Paix et Salut sur Lui, m’est témoin, wallahi, je ne faisais rien de grave avec ce garçon, eh bien, est-ce que tu écoutes ce que je te dis, hein, si tu ne laisses pas ce garçon sur-le-champ je vais aller prendre le Coran et lire un verset pour te maudire, fils rebelle… » L’infortuné gigolo réussit à se sauver de la pièce, n’ayant pour toute couverture pour ses couilles presque réduites en foufou que ses deux mains.

A suivre…

Note : Le titre de la nouvelle « Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval » est un proverbe du peuple éwé, peuple vivant au Togo, au Ghana et au Bénin. Le proverbe signifie que la plupart des malheurs d’un homme proviennent de lui-même.

 


Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval (Troisième Partie)

Jeune homme africain (www.123rf.fr)
Jeune homme africain (www.123rf.fr)

Résumé de la deuxième partie : Le héros, Karim Diallo, la trentaine, gigolo devant Dieu et devant  les femmes âgées, se prépare à aller chez une de ses conquêtes. Il repense à son long chemin vers sa carrière de gigolo.

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Karim Diallo se rappelait très bien, il avait tiré son premier coup de gigolo à succès durant sa deuxième année au lycée, en plein cœur de ses frustrations. Il avait dix-huit ans. Ce fut avec sa prof d’allemand, Mariam Keita, une jeune vieille fille de vingt-neuf ans rescapée de cinq ans de chômage et d’une dizaine de déceptions amoureuses.

Naïve comme les seins d’une vierge, elle avait cru, la Mariam Keita, comme elle le lisait dans les guides de l’étudiant, qu’avec un diplôme en allemand elle pouvait trouver du boulot comme traductrice dans une institution internationale, interprète pour une grande société internationale, chargée de communication grassement payée dans une ONG allemande venue gaspiller, comme la plupart des ONG occidentales, ses ressources en Afrique soi-disant qu’elle lutte contre la pauvreté, l’analphabétisme et le sida… Elle avait fini par comprendre, après cinq ans de chômage, que non seulement son diplôme d’allemand ne l’aiderait à trouver aucun vrai boulot, mais aussi il la leurrait, lui faisant croire que les jeunes chauffeurs, mécaniciens, enseignants, infirmiers, agents commerciaux… qui lui faisaient la cour n’étaient pas assez dignes d’elle. Et les années ont passé pour elle et son diplôme. Elle s’était regardée dans la glace un matin pour voir qu’elle venait de fêter ses vingt-huit ans et sa onzième déception amoureuse, et que les hommes qui faisaient désormais sonner son téléphone étaient tous de la cinquantaine et soixantaine, des étalons « has-been » dégoûtés par les froideurs nocturnes de leurs vieilles épouses à la maison, et qui ne comptaient venir chez elle que pour ressusciter leur libido à l’agonie. Révoltée, déçue, humiliée, raillée par son entourage même ses parents, elle s’était résolue à faire le métier qu’elle détestait le plus, l’enseignement, qui, comme un conjoint indésirable, mais amoureux, lui ouvrait grandement les bras. Elle était devenue enseignante d’allemand au lycée à vingt-neuf ans, et avait mis tous les hommes, leurs mensonges et leur phallus sur une liste rouge.

Karim Diallo, élève médiocre en allemand, et sa prof s’étaient rapprochés un soir, après les cours, quand il trainait devant la classe, attendant un de ses camarades, et que la prof était assise dans la classe, corrigeant des copies. Karim Diallo l’avait entendu éclater subitement en sanglots, et avait cru que c’étaient leurs insolences sur les copies qui la mettaient dans ses états. Ayant grandi en vrai Peuhl, malgré ses frustrations, et disposé à mettre la femme au même niveau qu’une vache, c’est-à-dire un vrai trésor à entretenir avec minutie, il avait bondi dans la classe, et avait surpris la prof écroulée sur son bureau, tout le visage inondé de larmes. Une vache qui pleure, devant un Peuhl ! Il s’était plié en quatre, avait osé une main sur le dos de la prof, lui avait demandé ce qu’elle avait, s’il pouvait l’aider, s’il pouvait lui chercher un peu d’eau…

Elle n’avait pas, la prof, répondu et avait pleuré pendant plus d’une heure, sous les supplications et consolations de Karim qui lui demandait de juste lui dire ce qu’elle avait et il allait l’aider, il ne la voyait pas comme une femme, mais comme une vache, et il était prêt à même donner sa vie pour régler son problème… Non, elle devait arrêter de pleurer, de pleurer devant lui un Peuhl, la vache… Puis elle s’était calmée, et ensemble ils avaient arrangé ses affaires.

Quand Karim lui avait proposé de la raccompagner chez elle, elle avait d’abord hurlé non d’une manière catégorique, se disant que ce n’était pas normal, logique, qu’un élève, un si jeune élève la raccompagne chez elle, fût-elle déprimée. Karim avait insisté, il ne pouvait pas, lui un Peuhl, laisser une vache qui pleure rentrer seule chez elle, non, il ne le pouvait jamais… Elle avait encore dit non, mais avec moins d’énergie, se rappelant que sa maison était vide, que si elle rentrait seule elle passerait toute la soirée à pleurer sans consolateur, et il n’y a rien de plus horrible pour une femme que de pleurer sans avoir de consolateur. Et quand Karim avait insisté pour une troisième fois, elle avait poussé un profond soupir, avait levé ses yeux embués de larmes pour le regarder, avait remarqué qu’il était très beau, le Peuhl, s’était souvenu que ça faisait au moins dix-huit mois qu’elle était au pain sec, oui sec sec sec, sans rien, sans personne, dix-huit mois au pain sec, oh, elle n’était pas la Vierge Marie version sahélienne quand même ! Et elle avait dit oui, Karim pouvait la raccompagner chez elle.

Dans le taxi qu’ils avaient pris, les deux, la prof avait remarqué durant tout le trajet que son élève sentait très bon, qu’il était très poilu, qu’il avait de très beaux pectoraux dessinés dans sa chemise, qu’il avait, malgré son jeune âge, une voix très grave à dompter une femme, à la dompter, une voix très mielleuse à consoler une femme, à la consoler, une main très douce à caresser une femme, à la… oui la caresser… Il était craquant, cet homme, cet élève. Craquant, l’élève, mais craquant quand même ! Arrivés chez elle, elle s’était éparpillée dans son canapé au salon et avait encore éclaté en sanglots. Eparpillée, comme ça, sous les yeux de Karim, son élève, assis dans un fauteuil en face d’elle ! Eparpillée comme ça, en sanglots, devant cet élève, cet homme si craquant !

Et Karim Diallo, Peuhl parmi les Peuhls, sensible devant les nouveaux sanglots de la vache éparpillée dans le canapé, s’était approché d’elle. Il ne la voyait déjà plus comme une femme, encore moins sa prof, mais comme une vache. Et le Peuhl qu’il était devait tout faire pour empêcher la vache de pleurer. Et la vache, qui n’était plus déjà une prof, mais une vache devant ce Peuhl si beau et si craquant, la vache qui portait très mal ses dix-huit mois d’abstinence forcée, s’était laissée consoler. Et le Peuhl avait consolé la vache. Ils s’étaient aimés, la prof et son élève, le Peuhl et sa vache qui pleurait. Ils avaient aimé.

A suivre…

Note : Le titre de la nouvelle « Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval » est un proverbe du peuple éwé, peuple vivant au Togo, au Ghana et au Bénin. Le proverbe signifie que la plupart des malheurs d’un homme proviennent de lui-même.

 


Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval (Deuxième Partie)

 

Portrait d'un jeune homme noir (Crédit image: www.123rf.com)
Portrait d’un jeune homme noir (Crédit image: www.123rf.com)

Résumé de la première partie : Le héros, Karim Diallo, la trentaine, gigolo devant Dieu et devant  les femmes âgées, se prépare à aller chez une de ses conquêtes. Il regrette sa vie et pense que c’est une malédiction qui lui vient depuis sa naissance, étant né avec un phallus en érection.

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Tout en s’habillant – et un gigolo qui se respecte s’habille aussi longuement qu’une Malienne se maquille pour aller à un mariage, aussi posément qu’une sénégalaise porte ses perles pour rencontrer un nouvel amant, aussi adroitement qu’une Togolaise arrache le mari de son amie, aussi magistralement qu’une Nigérienne tombe enceinte, aussi suavement qu’une Ivoirienne embrasse quand elle aperçoit le bout d’un chéquier dans la poche de son dragueur… Tout en s’habillant, donc, Karim Diallo repensa à toute sa vie de chasseur de mémés allumées, cette vie à laquelle il décidait de mettre fin dès ce jour. Il se rappela qu’à part son phallus en érection à sa naissance, rien, Dieu des phallus, alors aucun signe n’avait montré sur lui qu’à la trentaine, il serait devenu un gros étalon toujours debout, excité à coups de billets de CFA pour monter à tout bout de lit de vieilles femmes dont la plupart avaient des enfants plus âgés que lui.

Il avait commencé l’école, à cinq ans, et avait passé toutes ses quatre premières années à éviter les filles, les trouvant trop bavardes, trop sales, trop nulles en lecture, trop bêtes en écriture, trop bouchées en récitation… Un petit garçon africain normal donc, qui trouvait les filles parfaitement négatives pour ne pas valoir la peine d’être regardées. Le déclic était arrivé quand il faisait la première année au cours moyen, et que le maître de la classe leur avait demandé le métier qu’ils rêvaient de faire quand ils seraient grands. Ousmane Traoré, un de ses camarades, treize ans, avait lancé qu’il voudrait devenir un grand acteur de porno. Sous le choc de l’étonnement, le maître avait laissé tomber le bout de craie qu’il avait en main, s’était composé une mine aussi sèche que celle d’une vierge touarègue refusant les avances d’un Bambara, et lui avait demandé, au Rocco Siffredi précoce, où il avait appris cet horrible métier. Ousmane avait sorti de son sac un roman pornographique avec plein de femmes et d’hommes nues dans des positions bizarres, et l’avait brandi devant toute la classe.  Le maître, devenu hystérique tel Valérie Trierweiler apercevant un scooter, avait arraché le livre et donné une dizaine de fessées au futur pornographe.

Karim Diallo, par curiosité, s’était lié d’amitié avec Ousmane pour en savoir plus sur ce livre étrange qu’il avait, et où on voyait des hommes et des femmes nues et faisant des choses bizarres. Il avait été très vite initié sur le sujet, Ousmane lui ayant montré d’autres romans pornographiques qu’il volait dans les affaires de son père, polygame invétéré trop vite lâché par sa libido traître et imbécile, réduit à lire, pour tromper quelquefois les envies de ses femmes qui le trompaient trop, des tomes de romans pornos, à regarder des piles de disques cochons avant d’avoir une légère érection pas même digne d’un Nigérien octogénaire hypertendu et diabétique.

Il avait pris goût, Karim Diallo, et avait trompé la vigilance de ses parents une ou deux nuits pour fuir la maison et aller regarder, en compagnie d’autres badauds, des films pornographiques dans le club-vidéo de son quartier par une fente de la clôture. Il s’était toujours demandé, avec ses camarades, pourquoi à la fin de ces films les couples d’adultes qui avaient regardé rentraient chez eux presque en courant, pourquoi les garçons qui avaient regardé seuls traînaient, eux, les pas dans les environs, tendus, nerveux, les mains dans les poches, sifflant les petites revendeuses de cacahuètes et de bonbons devant le club…

Au collège, Karim Diallo, de romans en films pornos, avait fini par comprendre que les filles de sa classe, c’était vrai, elles étaient bavardes, bruyantes, sales, nulles en conjugaison, ridicules en maths,  bouchées en dictée… elles paraissaient totalement négatives quand on les voyait à l’air libre, quand on les voyait dans la classe et dans la cour de récréation, mais en cachette, sous un banc dans une classe déserte, dans un buisson derrière la clôture de l’école, derrière une case la nuit… loin des regards des adultes, une fille, ça pouvait servir à quelque chose, ça pouvait servir à tout ce qu’on ne pouvait jamais avoir avec elles à l’air libre. En cachette, toutes ces filles de sa classe, toutes celles qu’il croisait dans la rue, toutes ses cousines, c’étaient des délices, des trésors,  c’était pourquoi à l’école primaire son ami Ousmane avait juré qu’il ne ferait, quand il serait grand, aucun métier à part celui de ces hommes des romans pornos. Ousmane avait raison, les filles, en cachette, c’était la vie.

Malgré son éducation libertine précoce, Karim Diallo était arrivé au lycée sexuellement plus frustré qu’un adolescent mauritanien, avec un palmarès semblable à celui d’une équipe de foot du Togo à une Coupe d’Afrique. Minable. Il n’avait réussi à le faire, c’est-à-dire à faire ça, qu’avec deux filles. Une cousine dix fois plus étourdie qu’une urine matinale, et une domestique au visage aussi dur que les testicules d’un hernieux. Avoir seize ans et ne présenter à son actif que deux filles : une cousine et une bonne ! C’était mieux par rapport à tous ses camarades de classe de la même tranche d’âge restés encore puceaux, eux, complètement traumatisés par leurs frustrations, et remontés jusqu’au dernier poil de leur pubis contre cet indigeste mélange de l’islam et des traditions africaines qui avaient fait du sexe dans leur société le plus grand tabou, le plus horrible des péchés. Mais deux filles à seize ans, pour un qui était né avec un phallus tendu, dont les ancêtres avaient été reconnus comme de grands seigneurs en festins de la chair, voilà une bien piètre performance. Et Karim Diallo, lycéen, en eut honte.

A suivre…

Note : Le titre de la nouvelle « Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval » est un proverbe du peuple éwé, peuple vivant au Togo, au Ghana et au Bénin. Le proverbe signifie que la plupart des malheurs d’un homme proviennent de lui-même.


Ce qui coupe le pénis du cheval se trouve dans le ventre du cheval (Première partie)

 

Jeune homme africain (Crédit image: www.verysite.ca)
Jeune homme africain (Crédit image: www.verysite.ca)

Si c’était à refaire, le crabe aurait demandé à Dieu de lui mettre du sang dans son coquillage, le crapaud aurait demandé une queue aussi longue que celle du singe, le caïman aurait plaidé pour une gueule moins longue, moins vilaine, et la tortue une tête plus grosse. Sagesse des anciens.

Karim Diallo aurait tout donné pour être né comme tous les garçons normaux, c’est-à-dire avec un pénis au repos, un pénis semblable à celui de tous les nouveau-nés masculins. Parce qu’il était maintenant persuadé que tout venait de là. Sa malédiction ne pouvait provenir que du jour de sa naissance, il y avait trente-deux ans, où, après plus de quatorze heures passées en couches, sa mère l’avait éjecté, épuisée, sous un grand cri d’horreur de l’accoucheuse qui avait hurlé : « Astafourlaï, ce garçon est venu au monde avec un sexe en érection, qu’Allah nous garde de tout malheur ! » Les autres accoucheuses, connaissant l’humeur taquine de leur collègue, avaient cru qu’elle plaisantait, mais durent se rapprocher d’elle sur ses insistances. Elles avaient aussi hurlé de stupeur pour certaines, de dégoût pour d’autres. Le nouveau-né bandait aussi solidement qu’un étalon en rut. Et la taille du phallus ! Une telle immensité entre les frêles cuisses d’un nouveau-né ! Les autres accoucheuses s’étaient rapidement éloignées de leur collègue et de cette étrangeté qu’elle venait de faire venir au monde.

Quand, ayant grandi, Karim Diallo avait demandé des détails à sa mère sur l’affaire, elle lui avait expliqué que ce jour, celui-là où il était venu au monde tout chaud, toutes les accoucheuses de l’hôpital qu’elle avait, inquiète, consultées pour leur demander si la situation était normale, lui avaient répondu, tristes, qu’elles avaient, durant toute leur carrière, vu tant d’étrangetés sur les nouveau-nés. Il y en avait qui naissaient avec des dents, avec des moustaches ou des poils au pubis comme des adultes, avec des membres en moins ou en trop, avec de très hideuses malformations… Côté parties génitales, il y avait des garçons qui naissaient avec un ou trois testicules, des filles sans clitoris – elles étaient baptisées « les excisées de Dieu »… mais un nouveau-né traînant un phallus si volumineux, prêt à tirer tel Rocco Siffredi s’apprêtant à tourner une séquence avec une actrice en chaleur, elles n’en avaient jamais vu, wallahi. Elles lui avaient donc conseillé d’en parler avec des marabouts et des féticheurs pour expliquer le mystère, mais elle ne l’avait jamais fait, elle s’était dit que cela n’avait dû être qu’une petite anomalie. Si des enfants viennent au monde avec un œil, une oreille, un testicule en moins, s’il y en a qui naissent déjà excisées, pourquoi n’y en aurait-il pas qui naissent juste avec un pénis debout, hein ? Une anomalie, juste une anomalie, inch Allah !

Karim Diallo n’en doutait plus. Sa mère s’était méprise. Cette histoire de pénis debout à la naissance n’était pas juste une anomalie. C’était une malédiction. Dieu avait décidé, sûrement, de le punir pour les péchés commis par l’un de ses ancêtres. Peut-être il remboursait, par la vie indigne qu’il était contraint de mener aujourd’hui, condamné à errer de femme en femme, à tourner les reins à longueur de journée et de nuit au-dessus de tout ce qui pouvait lui payer quelque chose pour survivre, à risquer sa vie dans le lit de femmes deux fois plus âgées que lui, de vieilles libidineuses perverses cherchant un orgasme dont elles sont moins proches que les probables crises cardiaques qui peuvent les étrangler à tout moment durant les ébats sexuels, il se disait, donc, Karim Diallo, qu’il était en train de payer pour les incessantes affaires de sexe qui avaient meublé la vie de ses ancêtres, probablement son arrière-grand-père paternel, Sotigui Diallo mort dans une mosquée, foudroyé, disait-on, par une violente colère divine, alors qu’il forniquait dans le noir avec la quatrième femme du muezzin de la moquée.

Comment pouvait-on, alors comment pouvait-on ne pas devenir ce qu’était devenu Karim Diallo quand on avait des ancêtres aussi indignes, aussi incultes, aussi barbares que les siens, des ancêtres aussi immoraux jusqu’au point d’aller dire à Dieu, sans crainte, sans honte, dans sa mosquée, dans sa maison : « Euh, excuse-moi, Dieu, mais, peux-tu me passer ta mosquée pour tirer un coup vite fait avec la femme du muezzin ? »

Non, Karim Diallo avait pris sa décision, il se savait maintenant maudit, et il allait chercher à mettre fin à cette malédiction. Ce coup qu’il s’apprêtait à aller tirer était le dernier de sa carrière de gigolo, inch Allah. Il allait s’appliquer avec cette hargne par laquelle on fait les choses pour la dernière fois, donner, enfin, à cette vieille carcasse d’os rouillés cet orgasme qu’elle cherchait depuis deux ans maintenant, l’arnaquer de deux cents ou trois cent mille francs, et aller voir un bon marabout pour l’exorciser définitivement de sa malédiction. Il ne pouvait plus attendre, parce que c’est à force d’attendre que le crapaud lui ramène de l’eau du fleuve que l’hyène ne s’est jamais lavé l’anus, dit le proverbe. Sa vie de gigolo risquait de ne plus rien signifier dans quelques années s’il continuait ainsi. Aujourd’hui il avait trente-deux ans et était encore vigoureux, mais sa virilité culminait à force d’avoir été trop usée. Dans quelques années, cinq ou huit au plus, il ne serait plus un jeune homme, et aucune vieille femme, même la plus décrépie, ne lui ferait plus appel pour venir tourner les hanches. Et comme il n’avait rien étudié pour avoir le moindre diplôme, il n’avait appris aucun métier, c’était la faim qui le tuerait dans la quarantaine.

« Ce coup, c’est le dernier, Allah. Aujourd’hui c’est vendredi, ton jour, Allah, et nous sommes au beau milieu du mois saint, ton mois. Fasse que ce coup soit mon dernier, Allah. A partir de ce soir, je ne serai plus jamais un gigolo, inch Allah », avait-il murmuré en se dirigeant vers sa garde-robe pour s’habiller.

A suivre…

 

 

 


Comment boire des Flag avec une Tchadienne sans se retrouver dans le lit d’un Nigérian (Fin)

Crédit image: www.camer.be
Crédit image: www.camer.be

Résumé de la sixième partie : Le héros, jeune Togolais vivant à Bamako, prend des Flag avec un ami tchadien et deux Tchadiennes dans un bar bamakois très chaud. Il est saoul, mais décide de continuer de boire, sur les insistances d’une des Tchadiennes qu’il courtise.

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Quand j’ouvris les yeux, je faillis hurler d’étonnement et de peur. Ma confusion et ma stupeur étaient aussi grandes que celles d’un homme qui croit avoir dormi et fait l’amour avec sa femme toute la nuit, et qui se réveille dans les bras d’une guenon. La pièce dans laquelle je me trouvais me parut très étrange, par le grand désordre qui y régnait, des habits, des chaussures, des assiettes en plastique, des bouteilles vides de Coca-Cola… traînant partout sur le plancher. Un grand souk. Une forte odeur de cigarette se dégageait du drap sur lequel j’étais allongé, une torture pour moi qui apprécie la cigarette aussi bien que Georges Bush apprécie un baiser sur la bouche d’un taliban. Je n’étais pas dans mon lit, pas dans ma chambre, pas dans ma maison, peut-être même pas dans mon quartier. J’avais découché.

Je refermai les yeux et tentai de me rappeler la nuit passée et ses évènements, comment je m’étais retrouvé dans le lit d’un inconnu, dans une pièce inconnue. L’alcool me rend presque amnésique, et je ne serai pas étonné le jour où l’on viendra m’arrêter, m’informant que je faisais partie des terroristes du 11 septembre 2001, que j’avais participé à faire effondrer les tours jumelles américaines, et que je l’ai fait après avoir bu une trentaine de bouteilles de bière. Les images qui me revinrent de la veille étaient floues, très floues. Je me revoyais toujours à table dans le bar, autour des casiers de bière, avec Mahamat et les deux Tchadiennes, mes tentatives désespérées de convaincre Halimatou à passer la nuit chez moi, les allers et retours du serveur qui amenait les casiers et les bouteilles, puis quelques pas de danse titubants que j’ai faits sur la piste de danse, puis un visage connu, celui du Nigérian cocu rencontré dans les toilettes du bar, encore lui, encore lui, puis d’autres visages, inconnus, des cris, puis le visage du Nigérian encore… J’avais, je n’en doutais plus, fait beaucoup de choses  ensemble avec ce Nigérian la nuit, comme son visage ne quittait plus mes souvenirs. J’étais, sûrement, dans son lit.

Je fis un effort pour me lever. Il fallait que je rentre dans les toilettes de la pièce pour vomir. J’avais mal partout. Surtout au postérieur. Etrange, un homme, hétéro, ayant mal au postérieur après avoir dormi dans le lit d’un autre homme, fût-il un Nigérian cocu. Puis me vint soudainement, clairement, cette étrange image du Nigérian me confessant la nuit passée qu’il avait décidé de devenir homosexuel, parce qu’il était complètement dégoûté des filles. Oui, il me l’avait dit, je le revoyais très clairement, qu’il allait changer de côté et ne le faire désormais qu’avec les hommes, parce que les femmes, c’était trop de déceptions. Il me l’avait dit, et j’avais mal au postérieur, après avoir dormi, ivre, dans son lit.

Je voulus, malgré la violente douleur que je ressentais dans tout le corps, malgré la forte nausée que j’avais, je voulus bondir du lit, courir au salon le chercher, me jeter sur lui, comme un fauve, lui demander ce qu’il m’avait fait la nuit, moi qui suis aussi homo qu’Hitler fut sioniste, pourquoi j’avais si mal au postérieur après avoir dormi dans son lit… je voulus sauter du lit et aller l’étrangler de m’avoir violé, ce nouveau homosexuel converti, quand la porte de la pièce s’ouvrit après trois légers coups. Le visage que je vis me pétrifia. Je ne comprenais plus rien de là où j’étais. Elle ? Pourquoi ? J’étais, sûrement, en train de devenir fou.

Elle me salua en me souriant, mais ma grande stupéfaction ne me permit pas de répondre. Elle comprit et m’expliqua tout. J’étais dans la maison de son père, dans la chambre de leur chauffeur. Elle m’avait ramené, saoul et presque inconscient, du commissariat de police du 15e arrondissement de Bamako où son père est inspecteur de police. Elle s’y était rendue, autour de deux heures du matin, pour apporter un dossier urgent à son père quand, à sa grande surprise, elle me remarqua parmi un groupe de délinquants ramassés dans les rues cette nuit par les patrouilles, et que les petits policiers étaient en train de fesser pour se distraire. On lui avait expliqué qu’une patrouille m’avait pêché sur une grande avenue de Bamako, une bouteille de bière en main, hurlant que j’allais assassiner le président IBK s’il ne libérait pas immédiatement mon ami le capitaine Sanogo. J’étais en compagnie d’un homme qui parlait anglais et qui jurait, lui aussi, qu’il s’en allait de ce pas tuer une certaine Mariam et toute sa famille. Elle avait passé une trentaine de minutes à expliquer aux policiers qui me distribuaient des fessées en riant, sous mes cris rauques, que je n’étais pas un délinquant, que j’étais son professeur de marketing, que j’avais peut-être seulement un peu trop bu, que j’étais un monsieur très respectable, très compétent, très sympa… « Vous buvez donc tant d’alcool, Monsieur ? » Elle paraissait très dégoûtée. Déçue.

Je ne lui répondis pas et me contentai de pousser un profond soupir de soulagement. Je n’étais pas dans le lit de ce véreux Nigérian. Et je restais hétéro. Nafi, mon étudiante, me tendit mon téléphone portable qu’elle avait récupéré avec les policiers au commissariat. Quatorze heures et demie. J’avais cent douze appels en absence et trois messages sur mon répondeur. Un message de ma copine, un de Mahamat et un troisième d’un numéro inconnu. Je commençai par le numéro inconnu : « Salut David, s’il te plaît, fais-nous signe une fois que tu reçois ce message. Nous te cherchons partout dans Bamako depuis la nuit. Tu nous avais dit que tu partais aux toilettes et on ne t’a plus revu. On est inquiet. On est même parti chez toi, puis chez ta copine, mais elle a dit qu’elle ne t’a pas vu, et elle a déjà alerté quelques commissariats de police. En fait, tu me disais hier que tu n’as pas de copine non ? Elle est très jolie, franchement. Elle est Malienne ? Bizou. Halimatou. »

Fin

Bamako, le 19 janvier 2014

© 2014 – David Kpelly – Tous droits réservés

Note : Ce texte, dont le titre est inspiré du célèbre titre « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer » est écrit pour saluer l’élection de l’éminent écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière à l’Académie française. Tant qu’existeront des hommes comme ce monsieur, le rêve de forger des mots, de les rendre plus beaux, plus doux, plus vivants, hantera toujours des générations et des générations.

 


Comment boire des Flag avec une Tchadienne sans se retrouver dans le lit d’un Nigérian (Sixième Partie)

Maquis à Bamako (Crédit image: www.mali-web.org)
Maquis à Bamako (Crédit image: www.mali-web.org)

Résumé de la cinquième partie : Le héros, jeune Togolais vivant à Bamako, prend des Flag avec des amis tchadiens dans un bar bamakois très chaud. Il se retrouve nez-à-nez dans une toilette avec une péripatéticienne.

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Je refermai rapidement la porte, complètement dégoûté, en me pinçant le nez, alors que la catin au teint clair envoyait un second pet bruyant – ou autre chose encore plus merdeuse, dans la cuvette. Elle avait pouffé de rire, en remarquant mon dégoût. Je me rappelai une blague d’un oncle farfelu que j’avais durant mon enfance, et dont la cocasserie des vannes n’avait d’égale que celle de son visage quand il éclatait de rire après les avoir balancées, découvrant sa bouche à moitié édentée parsemée de dents aussi cariées que celles d’un rat : « Les trois choses les plus vilaines qu’on doit éviter de regarder le matin de bonne heure, pour ne pas passer la journée à jeun, dégouté de la nourriture : 1- Les couilles d’un vieux hernieux. 2- Les ébats amoureux d’un couple de vieillards. 3- Une jolie fille qui fait ses besoins. »

J’ouvris la deuxième des quatre portes de la rangée des toilettes pour hommes. Deux préservatifs usagés trainaient juste à l’entrée du cabinet. L’un s’était percé sous les pas des usagers de la toilette et déversait sur le sol une partie du gluant liquide qu’il contenait. Un futur enfant de rue ayant eu la chance de ne pas avoir été conçu, que j’avais pensé. Je crois en la Providence, comme tous les pauvres, mais j’avais du mal à imaginer ce que pourrait devenir un fruit conçu par un soulard et une pute mineure dans la toilette d’un bar mal famé, à part un enfant de rue tendant des boîtes de tomate aux feux tricolores, qui aura pour option, ayant grandi, de se reconvertir soit en petit voleur à la tire dans des marchés de seconde zone, soit en voleur à main armée de motos et braqueur de commerçants, soit, avec un peu plus de chance, en djihadiste preneur d’otages occidentaux.

Je me soulageai en évitant de regarder dans la cuvette, parce que les cuvettes des toilettes des bars, c’est comme la messagerie téléphonique d’une jolie copine, il faut éviter de regarder dedans, ça contient toujours des miasmes, des surprises très désagréables. Dans le cabinet voisin, un homme, dans pidgin nigérian ou ghanéen, proférait des menaces contre une certaine Mariam: «… Gosh, Mariam, you can’t go like this oh, you can’t chop my money wouya wouya wouya and go like this oh, I go kill you, you no sabi my name oh, I’m a Nigerian, and I go kill you, for me never stay with any girl oh, you take from me I have to go inside you, Mariam, come back oh, let me go inside you oh, or I go finish you oh… »

Je sortais de mon cabinet en riant, quand le Nigérian, debout dans le couloir, sa braguette à moitié ouverte, découvrant une partie de son broussailleux pubis, m’aborda, en français, un français de Nigérian, ayant peut-être remarqué par ma tête trop francophone que je n’étais ni du Nigeria comme lui, ni du Ghana. Il voulut d’abord savoir si j’étais malien. Non, Togolais. « Ah, Togolais, tu es mon frère, Togo et Nigeria c’est même chose. Mon frère, fais attention à fille de ce pays, le fille de ce pays ils sont mauvais, ils peuvent te tuer comme ça. Si tu les vois, ils sont comme des villageoises, mais ils sont méchants comme ça. Ils vont finir ton l’argent, ils n’ont pas de l’amour pour quelqu’un. Si on te donne un fille de ce pays et un petit chèvre, il faut choisir petit chèvre parce que petit chèvre tu vas tuer et manger, mais le fille de ce pays il va te tuer et te manger. Si tu lis journal demain, tu vas me voir dans ça, on va m’amener en prison, parce que je vais aller tuer un fille de ce pays comme ça. Mariam et sa famille ils ont bouffé tout mon l’argent et elle a marié un autre homme dimanche passé. J’ai cherché sa maison et j’ai trouvé, je vais le tuer cette nuit avec son mari, après je vais tuer ses parents comme ça. Moi je suis Nigérian, personne ne peut pas me voler comme ça… » En titubant, il sortit du couloir et se dirigea vers la piste de danse subitement envahie par des danseurs soulés et hilares, le DJ ayant lancé un célèbre morceau du chanteur nigérian Flavour : « waka waka baby woyè, wourou wourou baby woyè, i go tell my papy wo yè… »

Quand je retournai à notre table, Mahamat était seul. Les deux filles étaient parties se trémousser sur le morceau de Flavour : « Baby sawalé yé, sawa sawa sawalé, sawa sawa sawalé ashao… » En jubilant, Mahamt me fit savoir que son cas était réglé avec Jamila, il allait rentrer accompagné. Je lui dis qu’Halimatou bouillait toujours au feu, qu’elle n’était pas encore cuite, que je n’étais pas sûr qu’elle allait cuire cette nuit, que je n’étais plus trop pressé, il y a ce proverbe de chez moi qui stipule que si hier n’a pas pu tuer l’orphelin, c’est pas aujourd’hui qui peut le tuer. « Mon lit peut encore rester froid cette nuit, demain, la Tchadienne viendra le réchauffer », lui ai-je murmuré.

Après avoir fini notre deuxième casier de vingt-quatre bouteilles, je réussis, après des efforts aussi gros que ceux d’un vieux retraité cocu priant sa femme qui ne l’aime plus à lui faire quelques petits câlins, je réussis, donc, difficilement, à convaincre la troupe à rentrer. J’étais au plafond, je me sentais saoul. Mais ce fut quand le serveur amena l’addition que l’incroyable se produisit. Jamila, celle qui nous invitait, et qui payait, s’emporta en regardant le montant de la facture « Incroyable, les gars, la bière est trop moins chère dans ce pays ! Quarante-huit bouteilles et on n’est même pas à trente mille francs CFA ? Ecoutez, moi j’ai réservé quatre-vingt mille pour la soirée, on n’a même pas encore bu trente mille, on fait au moins la moitié, quarante mille. Allez, les gars, on reprend un demi-casier et on se barre. Juste douze bouteilles à partager, trois pour chacun. OK ? » Je voulus protester mais Halimatou, en me donnant un léger baiser sur la joue, me murmura : « Ecoute bébé, si une dizaine de bouteilles ne t’ont pas tué, c’est pas trois qui vont te tuer. Allez. Et puis tu sais que les trois nouvelles bouteilles peuvent me faire changer d’avis, hein ? Je pourrai décider de t’offrir la nuit, hein, allez… » Un autre léger baiser sur ma joue. Votre décision, David, on part ou on reste. Dans les vapes. On reste !

A suivre…

Note : Ce texte, dont le titre est inspiré du célèbre titre « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer » est écrit pour saluer l’élection de l’éminent écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière à l’Académie française. Tant qu’existeront des hommes comme ce monsieur, le rêve de forger des mots, de les rendre plus beaux, plus doux, plus vivants, hantera toujours des générations et des générations.


 Comment boire des Flag avec une Tchadienne sans se retrouver dans le lit d’un Nigérian (Cinquième Partie)

Boîte de nuit à Bangui (Crédit image: www.rfi.fr)
Boîte de nuit à Bangui (Crédit image: www.rfi.fr)

 

Résumé de la quatrième partie : Le héros, jeune Togolais vivant à Bamako, prend des Flag avec des amis tchadiens dans un bar bamakois très chaud.

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Jamila, notre seconde cavalière, moins enthousiaste qu’Halimatou, héla un serveur et lui demanda de nous amener un second casier de 24 bouteilles de Flag. C’était la première fois que je voyais des filles commander de la bière par casiers, moi qui suis aussi fréquent dans les bars qu’un entrepreneur chinois expatrié en Afrique dans les coins des prostituées. Je me penchai sur l’oreille de Mahamat et lui demandai en murmurant si ces filles étaient vraiment des musulmanes. Affirmative. Il se pencha à son tour sur moi pour me demander laquelle des deux je choisissais. Les filles tchadiennes, me fit-il, même bourrées jusqu’au nombril, sont très difficiles à conquérir, et le singe a été très sage, comme toujours, pour avoir conseillé à tous les animaux ayant un visage creux de toujours daigner commencer à pleurer avant les autres aux funérailles, pour que leurs larmes tombent sur leurs joues au même moment que celles des autres. Rien ne sert de faire boire une Tchadienne, il faut commencer à la draguer à temps. Je lui fis connaître mon choix. Halimatou ! Absolument !

Le serveur nous amena notre deuxième casier de Flag, accompagné d’un monsieur à la peau blanche, ou presque, plus court que Lionel Messi croisé avec Mimi Mathy, roulant devant lui une bedaine aussi volumineuse que celle d’une Béninoise couvant des jumeaux de huit mois. Un Libanais, sans aucun doute. Il trainait avec lui, le nabot libanais ventru, une jeune fille, apparemment de la vingtaine, habillée comme toutes les filles travaillant dans le bar : une robe rouge couvrant à peine ses fesses, des escarpins d’une trentaine de centimètres, une perruque multicolore tombant presque sur ses hanches, des bijoux de pacotille autour du cou, aux poignets, aux chevilles, des les oreilles, dans le nez, dans l’arcade sourcilière… Elle s’était dépigmentée et les taches rebelles sur ses cuisses, jambes et bras faisaient miroiter son corps dans la pénombre comme celui d’un serpent python sous la flamme d’un lampion.

Le couple s’arrêta à notre table et le serpent python en robe rouge, en souriant, prit la parole : « Bonsoir Messieurs et dames, mon chef est très heureux de vous accueillir dans son bar ce soir. On l’a informé que vous venez, à vous seuls, de prendre votre deuxième casier de Flag et il tient à vous féliciter et vous récompenser. Il vous offre donc quatre cartes pour venir assister vendredi à une petite séance privée de strip-tease qui se déroulera dans le salon VIP du bar en compagnie de plusieurs personnalités politiques du pays. Merci de votre confiance. » Le chef libanais, satisfait de l’éloquence de son porte-parole, sortit d’une enveloppe qu’il tenait quatre cartes qu’il déposa sur notre table en nous souhaitant bonne soirée et en tirant, par les hanches, le serpent python en robe rouge qui manqua de dégringoler des hauteurs de ses escarpins, faisant tinter les perles en métal – sûrement – qu’elle avait aux hanches.

Ils s’étaient à peine éloignés de notre table que Mahamat commença la lecture de son mini « Mein Kampf » sur les Libanais : « Mon chef, mon chef, chef de mon cul, ouais, c’est quoi cette malédiction-là d’appeler un Libanais son chef, hein ? Si j’en avais le pouvoir, je serais aux Libanais ce qu’Hitler fut aux Juifs. Ces gens n’ont aucune moralité. Non seulement ils maltraitent les Africains, surtout les Africaines chez eux, au Liban, mais ils se permettent de venir encourager l’immoralité et la débauche chez nous. Tout ce qu’ils savent ouvrir comme affaires dans nos pays c’est des restos à la bouffe grasse et empoisonnée, des bars, des boîtes de nuit, des chambres de passe… Nos filles sont devenues leurs objets sexuels, dans nos propres pays. Ils se les passent entre eux dans leurs soirées échangistes et les font coucher avec leurs animaux. Tu crois que la fille-là qui le suit marche comme ça à cause de ses hauts talons, hein ? Non, c’est qu’elle a l’anus bousillé. Ce chien de Libanais aux couilles poilues lui a forcé le derrière par toutes les bites de Libanais, des godemichés libanais, des bites de chiens, de chats, de chevaux, de taureaux libanais… Peuh, je déteste ces gens, je les déteste encore plus qu’Idriss Déby et toute sa famille réunie. »

Les deux filles pouffèrent de rire, alors que je regardais le génocidaire, ébahi. Ses yeux, luisant de rage, fixaient toujours le Libanais qui faisait le tour des tables, avec son porte-parole, saluant les buveurs. Quelques instants après, Halimatou me tendit son téléphone portable en souriant. Sur l’écran, une jeune Africaine, écartée sur un lit à trois place, hurlait entre trois Libanais et un gros chien, chacun entrant en elle par où il voulait : « Oh yes, I hate Africa, I hate Africa, gosh, I love Lebanon, my God, let me die in Lebanon, I hate Africa, Oh yes… » Tout autour du lit, quatre Libanaises, voilées, applaudissaient. Je tendis à mon tour le téléphone à Mahamat en riant.

Après ma huitième bouteille de Flag, et ma troisième tentative infructueuse de convaincre Halimatou à passer la nuit chez moi – les filles en apparence enthousiastes sont finalement les plus difficiles quand il faut concrétiser, je fis un tour aux toilettes pour me « débièriser », la débièrisation étant ce procédé bien connu par la majorité des buveurs, et qui consiste à pisser pour éliminer l’alcool au fur et à mesure que l’on boit. J’ouvris la première toilette pour buter sur une jolie fille au teint clair, le slip descendu jusqu’aux chevilles, assise sur la cuvette, qui lâchait un bruyant pet – ou autre chose plus merdeuse. Je faillis vomir. Quelle horreur, quelle vilenie, une fille de teint clair qui pète, le slip descendu, assise sur une cuvette de toilette ! Je voulus lui présenter des excuses mais, tranquille, souriante, elle me fit : « Si vous m’avez suivie pour un câlin express, approchez-vous, je vous le fais vite, c’est deux mille. Si vous avez envie de moi, attendez, je finis on monte prendre une chambre, c’est dix mille le coup, y compris la chambre. Si vous voulez que je vienne passer la nuit chez vous, partez payer mes frais de location, vingt mille pour toute la nuit, chez mon chef, le gros Libanais qui est au guichet. Si vous vous êtes juste trompé de porte, déguerpissez, salaud, les toilettes des hommes c’est en face, merci. »

A suivre…

Note : Ce texte, dont le titre est inspiré du célèbre titre « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer » est écrit pour saluer l’élection de l’éminent écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière à l’Académie française. Tant qu’existeront des hommes comme ce monsieur, le rêve de forger des mots, de les rendre plus beaux, plus doux, plus vivants, hantera toujours des générations et des générations.