David Kpelly

Du champagne pour la sœur de Faure Gnassingbé

Portrait de fille africaine (Crédit image: www.dreamstime.com)
Portrait de fille africaine (Crédit image: www.dreamstime.com)

Depuis qu’Etienne, un de mes amis à Bamako, a amené sa femme du Togo, il y a un an, le nouveau marié ne cesse de me vanter les mérites du mariage. « Je ne sais pas ce que tu veux, toi, toutes ces petites étudiantes togolaises ici, tu ne peux pas en choisir une hein, tu les laisses à qui, hein, tu sais qu’elles n’aiment pas les Maliens, elles les trouvent pas branchés et surtout polygames, écoute, si tu ne veux pas en prendre une ici, cherche juste un mois, tu cours au pays en prendre une, tu sais aucune fille du pays ne refuse actuellement un garçon revenu de l’étranger, quel que soit le pays d’où il revient, même si tu reviens d’Afghanistan ou d’Irak, tu trouveras de jolies Togolaises prêtes à t’épouser et te suivre, elles ne veulent pas finir dans le mouroir des Gnassingbé, d’ailleurs, t’inquiète, je t’en chercherai une ici très bientôt, crois-moi. » Et il m’en a trouvé, une, et pas n’importe laquelle.

– La petite sœur même père de Faure Gnassingbé, étudiante ici, tu dis, hein ? Mais pourquoi n’est-elle pas en France ? Une Gnassingbé, propriétaire du Togo donc, qui n’a trouvé que Bamako pour étudier ? C’est bizarre.

– Comment ça bizarre, hein, avait rétorqué Etienne, plus convaincant qu’un Ivoirien à la drague, tu sais, nos riches deviennent de plus en plus intelligents, ils ne veulent plus envoyer leurs enfants en Occident, parce qu’ils leur reviennent de là soit drogués soit homosexuels, ou, pire, mariés à des Blancs. Je te jure que c’est la sœur de Faure Gnassingbé, j’ai lu le nom sur sa carte d’identité de mes propres yeux, d’ailleurs quand tu la verras, tu n’auras plus besoin qu’on te le dise, elle pue l’argent, et quand tu vois son derrière, mon vieux…

Je ne savais si je devais croire Etienne ou pas. Un de ses voisins de quartier avait ramassé, dans un bar très cher de Bamako, la carte d’identité d’une Togolaise, et sachant qu’il était Togolais, le voisin la lui avait amenée, et, que lisait-il sur la carte, hein, les dix lettres magiques formant la formule qui permet d’être président de père en fils pendant cinquante ans : GNASSINGBE. Il avait sursauté, avait paniqué, parce qu’une carte d’identité portant le nom « Gnassingbé » est aussi rare à ramasser que trouver le soutien-gorge d’une star de Hollywood à la mode dans le lit d’un portefaix. Ayant repris ses esprits, il avait appelé le numéro qui figurait sur la carte, et la fille lui avait donné rendez-vous dans un bar. Ils s’étaient rencontrés, et quand il avait demandé à la fille si elle était une sœur de Faure Gnassingbé, elle avait bougé la tête vers le bas, ce qui signifiait oui. Elle est étudiante. « David, mon frère, c’est ta femme, je vais tout arranger, c’est ta chance, cette fille est ta chance de réussite dans la vie, un petit poste de ministre te conviendrait non? Attends juste qu’on la rencontre ce soir, tu jugeras toi-même. Bon, elle n’est pas belle, elle ressemble à son grand-frère, mais bon, que veux-tu, hein, à défaut d’une jeune fille, une veuve s’appelle « mon amour » dit le proverbe. Tu fermes les yeux et tu l’épouses, c’est son argent qui compte. Je sais que tu te demandes si elle est vraiment riche comme je la présente. Pas de souci, tu crois que je me serais intéressé à elle si elle n’était pas riche, hein, dis-moi, un Gnassingbé ça vaut quoi si ça n’a pas d’argent, hein… »

« Chop my money, chop my money ooooooooo, chop my money, i don’t caaaaaare… hé…hé » Le Blabla. Un des restos les plus chers de Bamako, prisé par une clientèle majoritairement occidentale relayée de temps à autre par de vieux experts en péculat, spécialistes en consommation exagérée de Viagra toujours décidés à en mettre plein les entrailles à de petites nymphomanes aussi matérialistes qu’allumées. Pendant plus de deux heures, Etienne, moi, et la petite sœur de Faure Gnassingbé avons mangé, bu et bavardé. Pas belle, mais très propre et élégante ! Elle puait vraiment l’argent ! Etienne avait vu juste. J’ai même décelé une ressemblance entre elle et son grand frère le président togolais : ces yeux dormants qui donnent toujours l’impression à la télé que notre président somnole à toutes les conférences. Comme me l’avait conseillé Etienne, je n’abordai aucun sujet politique, et lui cachai que j’étais blogueur. Un petit tour sur mon blog, et tout serait foutu si elle découvrait toutes les grivoiseries que je vomis à longueur de texte sur son grand-frère de président.

Vers minuit, nous décidâmes de payer et partir. On nous amena une addition totale de cent-trois mille francs CFA. La sœur de Faure Gnassingbé, riche bécébégé,  avait fait sauter un vin mousseux de quarante-deux mille. Le serveur, voyant ma bedaine naissante qui me donne l’air de je ne sais quel bourgeois de village, me tendit la note. Je lui fis signe de la tête de la tendre à la riche sœur de Faure Gnassingbé. Elle parut, la sœur de Faure Gnassingbé, étonnée que je lui demande de payer. Je parus étonné qu’elle parût étonnée que je lui demande de payer. Etienne parut étonné que nous parussions étonnés. Et ce fut lui qui brisa le silence qui s’était abattu sur nous :

– Euh, Mademoiselle, écoutez, euh, nous on s’est dit que, bon, comme vous, vous êtes la sœur du président, et…

Elle, la sœur de Faure Gnassingbé, pouffa d’un rire amer, en tapant des mains, comme le font les Togolaises quand elles font des commérages :

– Ehouéééééééééé, makoulaaaaaaaaa, donc, si je comprends bien, vous m’avez fait venir ici pour manger et me faire payer avec l’argent volé de mon frère le président ! Tchoooo, mon frère, écoute, je ne suis pas la sœur de Faure Gnassingbé, pas même sa cousine au trentième degré, je m’appelle Nadou, tu vois, hein, je suis d’Aného, loin, très loin de Faure Gnassingbé, donc…

– Hein… Et… et… ta carte d’identité, le nom « Gnassingbé », balbutia Etienne, alors que moi je m’efforçais à me rappeler un zidobo, une de ces incantations qu’on apprenait durant l’enfance, et qui, nous disait-on, pouvaient nous aider à disparaître dans certaines situations critiques et nous retrouver dans notre chambre.

– Ohhhhhhhhhhhh, fofonyé, mon grand-frère, cette carte, c’est juste une invention d’un de mes anciens grotos à Lomé, un commissaire de police. Il me l’avait établie juste pour me permettre de gérer certaines situations difficiles. Tu sais que le nom « Gnassingbé » ça peut gérer pas mal de situations au Togo. Je l’ai amenée à Bamako en attendant d’établir ma carte consulaire, et je l’ai égarée dans le bar où ton ami l’a retrouvée. Elle n’a rien de vrai, cette carte, d’ailleurs il y est mentionné que je suis étudiante alors que je n’ai pas le CEPD, moi. J’ai toujours été serveuse.

– Et pourquoi avais-tu accepté quand je t’avais demandé, hier, si tu étais une petite sœur de Faure Gnassingbé ? eut encore le courage de murmurer Etienne, alors que le serveur, la patience à fleur de peau, poussait déjà de petits jurons de chien méchant.

– Bah, répondit la sœur de Faure Gnassingbé, ou plutôt celle qui aurait dû l’être pour payer cette addition de malheur, bah, répondit-elle, je ne pouvais pas refuser d’être une sœur de Faure Gnassingbé si on décide de m’en faire ! Bon, assez bavardé, payez et on y va, je suis votre sœur après tout, vous pouvez payer pour ce petit truc que j’ai mangé non ? Lui, surtout, il est bien joufflu, il a de l’argent, on dirait que c’est plutôt lui le petit frère de Faure Gnassingbé, fit-elle, pickpocket, en me désignant.

 


Le fantôme vous poursuit, Monsieur Arthème

Arthème Ahoomey-Zunu
Arthème Ahoomey-Zunu

5e lettre ouverte au Premier ministre togolais Arthème Ahoomey-Zunu

Bamako, le 18 août 2013

Monsieur le Premier ministre,

J’espère que vous allez bien, vous et votre famille. Nous allons bien aussi, du moins comme des gens comme nous peuvent aller bien. Gloire au Ciel. Vous connaissez, j’espère, ce proverbe du peuple éwé, dont nous sommes issus, vous et moi, qui stipule que quand tu vois un agouti détaler en plein jour, sache que soit il poursuit une proie, soit un prédateur le poursuit. Justement, si je vous envoie cette lettre, la cinquième en quatre mois, c’est parce qu’un prédateur nous poursuit depuis quatre mois maintenant. Le fantôme d’Anselme Sinandaré, ce jeune élève togolais tué à Dapaong en avril 2013 par vos policiers-gendarmes-militaires – la macabre trinité togolaise, et dont vous avez promis sur les ondes de la Radio France Internationale, RFI, le 18 avril 2013, d’éclaircir la mort à travers une enquête. Voici quatre mois que vous ne l’avez pas faite, cette enquête, et le fantôme de ce petit garçon nous poursuit, cherchant justice.

Monsieur le Premier ministre, je vous ai vu, vous et votre clan du pouvoir, il y a quelques semaines, vous réjouir d’avoir organisé des élections législatives transparentes et apaisées. Des élections qui s’étaient soldées par la victoire de votre parti, le parti au pouvoir, qui a remporté 62 sièges sur les 91 au parlement. Du champagne pour vous, mon ministre, pour cette si belle victoire. Mais 62 sièges seulement, vous dites ! Non, je vous offre le reste, prenez tous les 91 sièges. Si ce sont les 29 sièges que vous n’avez pas eus qui vous empêcheront de changer le Togo, prenez-les. Parce que voici maintenant des décennies que vous avez la majorité parlementaire, mais les Togolais continuent de chercher leur pays, mais ne le trouvent pas, ils continuent de chercher la joie, cette joie de vivre qu’on a quand on est chez soi, mais ne la trouvent pas. Prenez donc toute l’assemblée nationale, et changez le Togo !

Monsieur le Premier ministre, si ce sont les sièges, ces quelques sièges que vous avez toujours donné à l’opposition au parlement qui ne vous ont pas permis pendant cinquante ans d’instaurer un Etat de droit au Togo, prenez cette fois-ci toute l’assemblée nationale, et changez le Togo. Faites, surtout, qu’aux prochaines élections vous ne soyez plus obligés d’acheter des voix, de corrompre les délégués des opposants, de payer des délinquants pour perturber les rencontres des opposants, de distribuer des gadgets aux électeurs à la veille des élections… pour qu’on vote pour vous.

Monsieur le Premier ministre, vous avez construit des routes. Oui, je suis retourné au Togo l’année passée, et j’ai vu. Ce serait malhonnête de dire que vous n’avez rien fait sur le plan des infrastructures. Mais si vous voyez que malgré ces efforts que vous semblez déployer le peuple grogne toujours, vous boude toujours, c’est parce que vous n’êtes pas ceux qu’il veut. C’est parce que ce peuple ne se sent lié à vous par aucun contrat. Parce que vous l’avez trop fait souffrir, vous le faites trop souffrir.

Je pourrai, Monsieur le Premier ministre, vous raconter des histoires et des histoires qui vous feront comprendre pourquoi, malgré vos nouvelles routes et nouveaux boulevards, les Togolais ne voteront jamais de leur plein gré pour vous. Je pourrai vous raconter ces loques de vie qu’on rencontre dans tous les coins et recoins du Togo, qui lassés d’espérer, ne pensent qu’à deux choses, quitter le Togo ou mourir. Je pourrai vous raconter les larmes de la femme d’Etienne Yakanou, cet opposant que vous avez récemment tué en prison, quand à la rentrée prochaine elle aura des difficultés pour inscrire seule ses enfants à l’école. Je pourrai vous raconter l’histoire de Yao, ce jeune togolais ayant fui les répressions des milices du pouvoir au Togo en 2005, après avoir vu le corps de son père décapité dans une maison inachevée, devenu, déprimé et perdu, un saoulard à Bamako, entraîné et tué au Nigeria par des brigands.

Je pourrai vous raconter la tragédie de l’un de mes meilleurs amis de lycée, Apenyo A., un jeune homme si travailleur, si ambitieux, mais qui, désespéré après ses inexplicables échecs à l’université, s’était reconverti en conducteur de taxi-moto et enseignant vacataire d’école privée, avant de mourir l’année passée d’une maladie qu’il n’avait pas eu les moyens de guérir. Et la démence de cette femme quinquagénaire qu’on m’a montrée dans une banlieue de Tsévié en 2012, qui erre, comme une folle, chaque jour, prononçant le nom de son fils tué à Lomé pendant les violences postélectorales en 2005. Je pourrai, je pourrai… oui, je pourrai vous raconter l’histoire d’un jeune collégien de 12 ans, Anselme Sinandaré, sorti en bonne santé de chez lui un matin, et qu’on a rapporté, mort, lourd, à sa mère, tué par balles… Voilà, Monsieur le Premier ministre, le Togo des Togolais. Le Togo dont vous, votre clan et vos valets n’aimez pas qu’on parle dans les médias. Le Togo devenu cauchemar pour les Togolais.

Monsieur le Premier ministre, j’ai lu dans votre curriculum-vitae que vous avez travaillé pendant de longues années dans la Commission des droits de l’homme. Et permettez-moi de vous dire que pour l’ancien militant des droits de l’homme que vous êtes, faire quatre mois sans avoir pu mener des enquêtes sur la mort d’un enfant tué devant des milliers d’yeux, c’est, c’est… c’est quoi déjà, hein ! De la mauvaise foi. La vraie. Et son fantôme vous poursuit, parce que vous savez très bien que dans nos coutumes on ne fait pas de fausses promesses sur un cadavre. A vous de voir très vite, sinon, vous serez très bientôt contraint de chanter cet air des chanteurs de Kini Gazo : « J’ai péché contre grand-père python, j’ai péché contre grand-père python, grand-père python ne mord pas, mais grand-père python m’a mordu, je suis foutu loooooooooooooooooooo ! »

 Bien Cordialement

Yao David Kpelly

PS : Ah, Monsieur le Premier ministre, aux dernières nouvelles, j’ai appris que vous allez bientôt démissionner, c’est-à-dire que vous déciderez de ne plus être Premier ministre, ou, disons plutôt qu’on vous fera décider de ne plus être Premier ministre, puisque votre mandat est fini avec les législatives. Ne vous inquiétez surtout pas, nous avons un contrat de douze lettres, et je le remplirai, avant d’en faire un livre, comme nous l’avons décidé. Je ne sais pas quel poste vous occuperez après, mais je parie que vous demeurerez toujours un quelqu’un dans le quelque chose de notre pays. Mais pour moi, vous resterez toujours le Premier ministre qui a promis cette enquête, et je vous appellerai désormais dans les lettres « Ex-Premier ministre ». Au mois prochain donc, Monsieur le presque-ex-premier-ministre.

   


Non, I.B.K ne rime pas avec Faure Gnassingbé

 

IBK tof

Ibrahim Boubacar Keita alias IBK

Interview de David Kpelly sur les élections au Mali et au Togo

 Cette interview a été réalisée par Abdoul-Karim Thiam, pour La Gazette bamakoise.

 On peut finalement surnommer le jeune écrivain et blogueur togolais David Kpelly « Le plus malien des Togolais du Mali » par son intérêt pour la vie sociopolitique de notre pays où il vit depuis cinq ans. Du déclenchement de la crise jusqu’aux élections présidentielles, on l’a senti, surtout sur Internet, dans le débat pour la restauration de notre Etat. Au lendemain du deuxième tour de cette élection qui a vu la victoire d’Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, David Kpelly félicite le vainqueur. Il se dit très fier du Mali, sans passer sous silence les dernières élections législatives dans son pays le Togo.

David Kpelly, bonjour. Avant même la proclamation officielle des résultats du deuxième tour, on connaît déjà le nom du futur président du Mali, IBK, qui a été félicité, depuis lundi, par son rival Soumaila Cissé. Que pensez-vous du nouveau président du Mali ?

Merci de l’intérêt que vous m’accordez une fois de plus, pour parler du Mali, ce pays qui est devenu, comme vous l’avez si bien dit, mon deuxième pays après le Togo. Je ne sais pas si je peux m’exprimer sur le nouveau président, IBK, puisque je ne le connais pas assez. Je connais mieux le candidat malheureux, Soumaila Cissé, par son passage à la tête de la Commission de l’Uemoa. Mais à travers ce qu’on m’a toujours dit de lui, IBK est un homme très catégorique et pragmatique, « l’homme qui n’a qu’une seule parole » comme l’ont surnommé les Maliens, et je crois qu’il fera bien l’affaire. Si je me réfère à tout ce que j’ai entendu durant mes enquêtes auprès des Maliens, IBK a été plébiscité parce qu’il est vu comme le politique malien actuel suffisamment poignant pour définitivement régler le problème du Nord, mais aussi restaurer l’Etat malien, parce qu’il faut sincèrement reconnaître que l’autorité de ce pays a été trop fragilisée depuis les années ATT, et vandalisée depuis la crise et le coup d’Etat de mars 2012.

Vous venez de dire que vous connaissez mieux Soumaila Cissé qu’IBK, donc si vous aviez eu à voter, auriez-vous voté Soumaila ?

Non, j’aurais voté le capitaine Sanogo (rires). Ecoutez, ce que le Mali a traversé est très grave, ce pays a frôlé l’Apocalypse, les populations du Nord ont été martyrisées pendant un an par les islamistes, parce qu’il n’y avait pas une autorité solide et légitime. Le Mali avait besoin d’un président légitime, c’est chose faite, et il n’est plus question de mettre en avant nos petits choix personnels. IBK a été élu de la plus belle manière par les Maliens, félicitons-le. D’ailleurs son rival Soumaila a été le premier à le féliciter, ce qui a rendu la victoire encore plus belle.

L’une des raisons qui ont joué en faveur d’IBK est qu’il tournera, dit-on,  la sombre page d’ATT. Pensez-vous qu’IBK changera à fond le Mali ?

Il vient d’être élu, on le verra bientôt à l’œuvre. Vous savez, ATT avait aussi été élu par les Maliens, et il a fait ce qu’il a pu, même s’il a commis des erreurs qui lui ont été fatales. A IBK de savoir poser les pas. S’il doit changer le Mali à fond ou pas, c’est à lui de voir, mais qu’il pense toujours aux intérêts de ce peuple humilié qui attend tant de lui.

Nous le disons tous, la grande priorité reste la gestion du problème du Nord. Mais quelle est, selon vous, la deuxième priorité ?  

On parle de l’économie malienne à redresser, je parle, moi, de l’éducation malienne à guérir. Voici presque cinq ans que j’enseigne dans ce pays, et ce que je vois avec les étudiants est terrifiant. Si l’éducation malienne n’est pas sauvée d’urgence, le Mali risque de se retrouver dans quelques années avec des étudiants qui ne seront pas en mesure d’écrire leurs propres noms. Je n’exagère pas, vous le savez.

Le Mali s’en est sorti après votre pays le Togo qui a aussi connu récemment des élections législatives transparentes. On imagine que c’est la grande joie chez vous.

Ecoutez, les élections qui viennent de se passer au Mali n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé, il y a quelques semaines, au Togo. C’est vrai que cette fois-ci l’armée togolaise et les milices du pouvoir ne se sont pas, comme les années précédentes, livrées à des fraudes loufoques sous les yeux de toute la Terre, comme rentrer dans les bureaux de vote, s’emparer des urnes et détaler comme des moutons poursuivis par des garnements, elles ne sont plus descendues dans les rues avec des armes, des gourdins et des machettes pour imposer au peuple togolais révolté des résultats fantaisistes contraires aux réalités des urnes… mais tout ceci ne suffit pas pour affirmer que ces élections ont été transparentes et les comparer à celles, très belles, très réussies, du Mali. IBK est légitime, parce qu’il est élu par le peuple malien, un peuple qui manifeste aujourd’hui sa fierté d’avoir été écouté. Allez dans les rues de Bamako, contemplez les visages, vous verrez des gens contents, soulagés… Ce que vous ne verrez pas au Togo, parce que le peuple togolais ne se retrouve pas dans le président que lui imposent depuis 2005 l’armée togolaise et certaines instituions internationales. La légitimité, ça ne s’achète pas à coups de mensonges et de fusils. Il y a ce proverbe de mon peuple éwé qui stipule que « même avec des ailes collées sur sa carapace, la tortue ne volera jamais, parce qu’elle n’est pas un oiseau ».

Et pourtant pour le Togo, tout comme pour le Mali, les observateurs internationaux ont affirmé que les irrégularités constatées sur le terrain ne sont pas de nature à jouer sur la crédibilité des résultats.

Savez-vous ce qui se serait passé ici au Mali si les autorités avaient proclamé Soumaila Cissé comme vainqueur ? Le peuple se serait révolté, même si à côté les observateurs internationaux déclarent l’élection transparente. Les observateurs internationaux ne sont pas les mieux placés pour valider les résultats d’une élection, ce sont ceux qui ont voté qui le sont, parce qu’ils savent, eux, à qui ils ont vraiment voté. Je vous le redis, ne tentez aucune comparaison entre votre élection et celle du Togo. I.B.K ne rimera jamais avec Faure Gnassingbé.

Merci, David Kpelly. Rappelons que vous tenez deux blogs, dont un sur la plateforme Mondoblog de la Radio France internationale, RFI, et votre dernier livre est intitulé « Apocalypse des bouchers » sorti en 2011 aux Editions Edilivre en France.

 

 

 


Le 3e prince anglais, le petit nègre l’emmerde

Kate et William (Crédit image: fr.news.yahoo.com)
Kate et William (Crédit image: fr.news.yahoo.com)

Salut Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama – Oussama comme Oussama Ben Laden … De toute façon, quel que soit le nom qu’on te donnera, salut, mon beau.

Je sais que tu dois te demander celui qui t’envoie cette lettre. Désolé, je ne peux te dire mon nom, comme moi non plus je n’ai pas encore de nom. Tout comme toi, je ne saurai comment je m’appelle que dans quelques jours, puisque je viens de naître au même moment que toi, à quelques minutes près. Oh, pas dans une clinique à l’air aseptisé comme toi, mais dans un bordel aussi sale qu’une porcherie et qu’on appelle ici clinique, un souk où tu n’auras sûrement jamais, même dans le plus hideux des cauchemars qui traverseront tes sommeils dorés, le malheur de mettre pied. Mais bah, c’est là où moi je viens de naître, au même moment que toi. Mais je dois te dire que je ne me plains pas, c’était pas gagné. Je ne pouvais pas avoir mieux, des bébés de mon genre, ça naît généralement à la maison, dans des langes infectés de microbes, remplis de cafards, de poux, de punaises et autres sales bestioles spécifiques à nous les pauvres, sous la vacillante lumière d’une lampe tempête, sous les incantations d’une vieille sorcière les dents rougies de noix de cola, et qu’on appelle accoucheuse traditionnelle. C’est là, dans ce paradis de microbes et de maladies, que j’aurais dû naître, comme tous les pauvres d’ici qui se respectent, si le bassin de ma mère n’avait pas eu la mauvaise idée d’être trop étroite pour ma trop grosse tête, ce qui a compliqué mon accouchement à la maison. Voilà pourquoi je me suis retrouvé, par miracle, né dans ce truc qu’on appelle ici clinique, d’où je t’écris. 

Cher Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama, il paraît que tu es le fils, le premier fils d’un duc et d’une duchesse, que ton père est très beau et très instruit, que ta mère est très belle et très instruite, que les deux sont très riches, qu’ils se sont rencontrés à l’université, que tes grands-parents sont des rois, très riches, très jolis, très puissants, très célèbres, que toi-même tu es un prince, l’un des bébés les plus attendus, les plus célèbres au monde. Soit. Moi, ma mère est une bonne, c’est-à-dire une de ces sales filles abandonnées des villages qui viennent en ville servir des bourgeois locaux hautains. Mon père, je ne le connaîtrai jamais. Personne n’avait voulu m’accepter quand j’étais encore un fœtus. Le gardien avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait, le cuisinier avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait, le coursier avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait, le blanchisseur avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait, le meunier chez qui ma mère partait moudre le mil avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait… tout ce beau monde chez qui ma mère partait se faire culbuter chaque nuit, le feu toujours au cul comme tous les pauvres, avait dit que ce n’était pas lui qui m’avait fait, et finalement ma mère même ne sait plus qui m’avait fait, puisque tout le monde faisait, tout le monde la montait.

Tu vois, donc, mon cher Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama, que contrairement à toi qui auras un père et une mère qui s’occuperont de toi toute leur vie avec la même précaution que prend un sexagénaire pour s’occuper de sa libido déclinante, moi je n’aurai ni père ni mère, comme ma mère, si Dieu l’aide à sortir de la salle de réanimation où elle se trouve actuellement, ne passera pas plus de six mois à s’occuper de moi, avant d’aller encore se faire labourer et relabourer à satiété chaque nuit par le gardien, le blanchisseur, le coursier, le cuisinier, le meunier, et tous les petits drogués allumés de son quartier, le temps d’attraper une nouvelle grossesse et faire, après neuf mois, mon petit frère ou ma petite sœur, sans père comme moi. C’est ça le cycle de vie des bonnes ici. Je serai donc, dès trois ans, si j’arrive à ne pas mourir de tuberculose, ou de paludisme, ou de rachitisme, ou de kwashiorkor avant, je serai donc obligé de me nourrir moi-même à partir de trois ans, en jouant au talibé, un de ces enfants rachitiques aussi sales que les sandales d’un commerçant ambulant nigérien, tendant une boîte de tomate pour recueillir l’aumône au jour le jour. Fasse Dieu que je tombe sur un bon marabout, un maître gentil qui ne me prendra pas toutes mes recettes en fin de journée. Et tout mon rêve sera de devenir footballeur ou chanteur de rap, puisqu’il paraît que c’est les seuls domaines où les enfants nés misérables comme moi peuvent réussir ici. Un futur chemin de croix, ma vie.

Voilà donc, mon cher Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama, pourquoi je t’écris cette lettre, parce qu’au même moment où, avec cette mine insolente et peinarde-là qui vous caractérise vous les riches, tu es là, dans ton berceau en or, en train de savourer toutes ces louanges que te chantent des journalistes désœuvrés et des chroniqueurs de ci et de ça aussi oisifs que la brosse à dents d’une octogénaire édentée, au même moment où ce monde superflu et abruti jusqu’à la moelle épinière est en train de te déifier, moi je pense à ma future vie de misérable, d’enfant d’une bonniche nymphomane, d’enfant sans père, de futur talibé, ou même de futur enfant-soldat, puisqu’il paraît que ce pays-ci où je viens de naître est en guerre. Quand tu seras, toi, futur chômeur de luxe, en train de t’ennuyer de paresse et d’oisiveté dans ton beau palais, sous les éloges de tes multiples courtisanes, attendant la mort de ton grand-père et de ton père pour monter sur votre trône, moi je serai en train de tuer, avec d’autres enfants-soldats, nés misérables comme moi, de pauvres femmes et enfants innocents, en attendant d’être tué moi-même un jour.

Mon cher Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama, voici plus d’une heure qu’on m’a jeté comme un chiffon souillé dans les langes tâchés du sang de ma mère, plus d’une heure que je pleure, sans qu’aucune des infirmières ne m’accorde la moindre attention. Plus d’une heure que ma mère est oubliée souffrante, presque évanouie, dans la salle de réanimation à côté. Personne ne veut s’occuper d’elle, parce que depuis hier qu’on l’a amenée ici, il n’y a personne pour assumer les dépenses qu’on a faites sur elle, et la clinique, du moins ce qu’on appelle ainsi, ne veut plus la soigner sans d’abord avoir été payée. Pour le moment, tout le personnel est concentré sur l’écran de la télévision dans la salle d’attente, suivant l’événement du jour. Le petit prince, celui-là qu’on attendait depuis des jours maintenant, est né. Vive William, vive Kate la magnifique, vive le bébé céleste !

Voilà donc, mon cher Georges, ou John, ou Michael, ou Jonathan, ou Joe, ou Jacob, ou même Oussama, comment, à peine né là-bas, tu es en train de me piétiner ici, moi futur misérable, qui ne cherche pour le moment qu’à survivre. Le problème avec vous les riches et puissants, c’est que vous ne comprenez pas qu’il peut y avoir des gens qui s’en foutent de comment vous pétez. Et tu sais comment, en digne futur pauvre, fidèle à cette langue de pute qui nous caractérise nous, puisque nous ne sommes pas éduqués, tu sais, mon cher petit prince, comment je te souhaite la bienvenue, sans rancune, sans haine, hein : « Dégage, petit riche, tu ne peux pas connaître ma vie, je ne veux pas connaître la tienne, je t’emmerde ! »


Comment je l’ai assassinée durant le ramadan

 

Fille africaine (Crédit image: www.linternaute.com)
Fille africaine (Crédit image: www.linternaute.com)

Hum ! Dzakpata bé deviwo mou nya kou o … Les enfants ne connaissent vraiment pas le visage de la mort, sagesse d’une vipère de chez moi.

Je m’étais retrouvé hier dans un restaurant aussi cher que superflu de Bamako, un de mes lecteurs maliens vivant à Paris, un de ces Maliens qui m’avaient découvert sur Internet l’année passée, quand je jouais au charcutier avec le capitaine Sanogo – qui jouait lui-même au ping-pong avec le Mali – le découpant comme des boyaux de bœuf par mes blogs et des sites internet maliens interposés. De passage à Bamako pour quelques jours, il m’invitait à prendre un verre avec lui et sa copine française. Disons que je m’étais dit que c’était plus pour me montrer sa copine blanche, histoire de me dire « Hé, le mec, moi j’ai pas une plume qui cartonne comme la tienne, mais j’ai une meuf blanche, pas même vieille comme celles de la plupart de nos frères, mais jeune, tu vois, hein, une blanche jeune, tu vois là ! »

Nous avions à peine commencé à discuter des prochaines élections présidentielles françaises, euh maliennes, bon disons franco-maliennes, puisque c’est la France qui les organise ici, quand mon téléphone portable sonna. Safiatou D. Le louche. Chaque fois que cette fille m’appelle, cette ancienne étudiante à moi dont je n’ai jamais réussi à trouver le mot juste pour décrire la relation qui m’a lié et continue de me lier à elle, ex-étudiante, ex-amie ou amie, ex-copine ou copine… chaque fois que Safiatou m’appelle, donc, je sais qu’elle a une affaire louche à me proposer.

Je décidai de ne pas lui répondre, mais mon téléphone, que je ne pouvais pas éteindre pour ne pas rater un appel important que j’attendais, avait commencé à déranger mes hôtes. « Allo, Safiatou, écoute, je suis en train de prendre un verre avec des amis au Paradise, je te rappelle après… »

Hou là là, ça c’est un miracle, Dévé, tu as dit la vérité au moins une fois dans ta vie, tu es vraiment ici avec des amis et pas avec une de tes étudiantes pucelles villageoises-là qui te prennent pour Casanova, bah, écoute, j’étais dans les parages quand je t’appelais et je me suis dit pourquoi ne pas venir vérifier si t’es vraiment au Paradise, et je vois que vous êtes comblés, là, votre table me fait saliver, hein, je me joins à vous, bonjour l’ami, ah, vous avez un accent parisien là, vous revenez de chez les Toubabs, hein, bonjour la Blanche, qu’elle est mignonne, mon Dieu, une blanche mignonne avec un jeune Malien, quel miracle, hi hi hi, celles que nos frères s’en vont nous ramener ici sont tellement vieilles et décrépies qu’ont dirait qu’ils sont partis les ramasser dans des tombes, aie, aie, mes hanches, ce ramadan et son jeûne-là vont me tuer kouééé…

Elle s’assit, sans qu’on l’eût autorisée, prit le menu, fit signe au serveur et commanda un whisky au coca comme apéritif, du riz avec du rognon de bœuf, un milk-shake, une limonade… Mes hôtes la regardaient et me regardaient, étonnés.

Mais, Sa… Safiatou, je, je suis avec des amis et tu… tu viens, euh, dis-moi, pourquoi tu es venue alors que je t’ai dit que j’allais te rappeler, et, euh… je… je…

La copine de mon hôte, voyant les tonnes de honte ayant déformé ma mine, me demanda de la laisser, que c’était bien qu’elle se joigne à nous, qu’on formait maintenant deux couples et que la discussion serait plus intéressante, plus équilibrée, alors que Safiatou, insensible à mon pétrin, discutait déjà avec le parisien, lui tapotant ses les épaules et les cuisses comme si elle le connaissait avant, racontant des méchancetés sur sa copine blanche en bambara.

Trois quart d’heure après, nous discutions toujours des difficultés autour de l’élection du 28 prochain, Safiatou le nez dans son plat qu’elle dévorait avec avidité, entrecoupant, la bouche pleine, nos arguments par ses conneries habituelles, quand deux jeunes hommes, musclés, les yeux cachés derrière des lunettes noires, s’arrêtèrent à notre table, juste face à Safiatou qui ne les voyait pas, concentrée sur son plat de riz.

Monsieur, vous, vous cherchez quelqu’un, hein, ai-je balbutié, croyant qu’ils s’étaient trompé de table.

Ma voix fit sursauter Safiatou qui, à la vue des deux hommes, prit une mine déroutée. Mes deux hôtes étaient perdus d’étonnement et sûrement de peur. Allait-on se faire braquer en plein public ? Il y avait une Blanche parmi nous, et ça attire maintenant des ennuis ici, une Blanche. Nous sommes sous le nez d’Al-Qaïda au Maghreb islamique !

Messieurs, je, euh, vous cherchez quelqu’un, hein, parce que là ça fait deux minutes que vous êtes là à nous épier et…

Nous la cherchons, elle, fit l’un d’eux en désignant Safiatou qui avait maintenant la mine d’un talibé malien affamé, elle doit des choses à notre boss et…

Je… je… dois quoi à votre boss, hein, moi, euh, vous, alors… écoute, David, je…

Le louche, le louche, mon Dieu, cette fille ! Je demandai, par prudence, à mon lecteur de s’en aller avec sa copine, j’allais régler l’addition et je les rappellerais après pour une autre rencontre, ils…

Que personne ne se lève, cette fille doit des choses à notre patron, et on l’a trouvée avec vous, cela signifie que vous êtes ses complices et…

Mais, écoutez, les gars, vous ne pouvez pas comme ça débarquer ici et commencer à nous intimer l’ordre de…

Vlan ! Mon lecteur n’eut pas le temps de terminer sa phrase, une gifle d’un des deux lascars l’atteignit en pleine bouille. Débandade. Tout alla très vite. Mon lecteur et sa copine, grâce aux services de sécurité, arrivèrent à se dérober. Moi j’étais immobilisé à ma place par un des lascars qui me prenait maintenant pour garantie, alors que l’autre distribuait des gifles sur tout le visage de Safiatou, sous les cris d’horreur des autres clients du restaurant. Les deux agents de sécurité arrivèrent à libérer Safiatou, et chasser les deux loubards du restaurant après un dizaine de minutes. «Tu paieras jusqu’au dernier fil de ton slip » lança un des lascars à Safiatou en sortant.

David, tu viens de dépasser les limites de ta méchanceté, c’est horrible, ce que tu viens de faire, tu étais assis là à voir ces bandits drogués me maltraiter, et tu n’as pas eu le courage d’intervenir, de me protéger, je suis une femme, tu as bafoué mon honneur et…

Je sursautai quand elle prononça le mot « honneur ». Elle était là, assise à côté de moi, le visage boursoufflé par les gifles, les yeux en larmes… C’est en la regardant que j’eus pitié d’elle. Elle avait raison, je venais de bafouer son honneur, et je devais le lui rendre, son honneur. Et pour une fille ayant juré de passer toute sa vie dans le déshonneur et l’indignité, la manière de lui rendre son honneur est simple. Je sortis mon téléphone portable et envoyai ce message à un ami juge : « Dis-moi, Ousmane, je risque combien d’années de prison au Mali en assassinant dans un bar une fille de 23 ans pendant le mois de ramadan ? »

 


Les célibats du général Koyaga et autres losers

Militaires, Losers N° 1 (Crédit image: www.defense.gouv.fr)
Militaires, Losers N° 1 (Crédit image: www.defense.gouv.fr)

Le Top 5 des métiers qui font fuir  les Africaines

Il y a quelques jours, en faisant un tour sur les pages Facebook de mes amies – oui, ça m’arrive, je suis tombé sur un article qui recense les cinq premiers métiers qui font craquer les femmes. Hein ! En célibataire qui se respecte, mon sang n’a fait qu’un seizième de tour. Sait-on jamais, hein ? Il faut séduire, séduire et séduire, la femme idéale est quelque part dans le lot !

L’article a classé les cinq métiers qui font le plus fantasmer les femmes, et on y retrouve des métiers comme le journalisme, la cuisine, la chirurgie… Le classement m’a donné une idée, et j’ai fait mon propre classement, mais à l’envers, c’est-à-dire les cinq métiers qui actuellement dégoûtent le plus nos filles africaines. Je me suis basé, à travers une enquête d’une semaine, sur un échantillon formé de Maliennes, de Togolaises, de Sénégalaises, de Tchadiennes, de Gabonaises, de Congolaises, de Camerounaises… Il y en avait de toutes les catégories sociales et de toutes les moralités : des étudiantes, des commerçantes, des professionnelles, des femmes au foyer, des chômeuses, des domestiques, des chasseuses de grotos, des infidèles-de-nature, des viens-faire-vite-et-donne-moi-mille-francs, des j’ai-fait-un-enfant-mais-tu-vois-que-je-suis-toujours-sexy-hein…

Bref, suite à mon enquête sur cet échantillon de filles aussi hétéroclite que les femmes d’un commerçant malien – la première a soixante-dix ans et la quatrième treize ans, je suis arrivé au hit-parade ci-après des cinq jobs qui actuellement font le plus fuir les jeunes filles africaines.

1- Le Militaire

 « L’uniforme attire », a-t-on l’habitude d’entendre dire. Mais attire quoi donc ? En Afrique, si on demande de compléter cette phrase, la majorité la complètera avec « la haine des civils ». L’adage devient donc en Afrique « L’uniforme attire la haine des civils ». Soit. Nos militaires, à force de vouloir défendre des régimes vomis par les peuples, à force de répressions et barbaries commises sur de pauvres populations sans défense, ont fini par s’attirer une profonde haine des civils. Etre militaire ici signifie désormais être barbare, violent, sans cœur… avec les civils. Et quand, par un hasard, éclate une presque-guerre et qu’on les envoie faire leur travail, combattre… Heum ! Bonjour la fuite devant l’ennemi. Heureusement qu’il y a les militaires français pour nous aider à protéger nos pays. « Femme va faire quoi avec homme en treillis qui ne sait que frapper et tuer, hein », m’a dit avec dédain une Ivoirienne.

2- L’Enseignant

On dit que c’est un métier noble, l’enseignement. Un de ces slogans creux que les losers s’inventent pour se donner du tonus, des slogans du genre « l’ Afrique est le berceau de l’humanité ». Oui, mais qui veut aujourd’hui se coucher dans ce berceau, hein ! L’enseignement, un métier noble ! Oui. Mais nos filles en ont leur propre idée. Dans l’enseignant, ce qu’elles voient, c’est un hère qui vieillira avant l’âge, les yeux abîmés de myopie, de presbytie, de glaucome… à force de flâner dans les encyclopédies et tomes, endetté jusqu’à la rétine, parce qu’il a bénéficié, après vingt ans de services, d’un prêt de trois cent mille francs Cfa pour acheter une moto chinoise, un prêt qu’il ne remboursera pas avant sa mort prématurée. Enseignants, voilà pourquoi quand vous vous présentez aux filles, elles sourient, par respect, vous disent que vous exercez le métier le plus noble… et… et… tout pour vous faire plaisir, mais quand vous les rappelez le jour suivant, elles éteignent leur téléphone. Ce n’est pas parce que vous ne leur avez pas plu, c’est parce que vous êtes enseignant.

3- L’homme d’affaires

Le terme est dangereux, et il le devient plus quand il est en anglais « business man ». En Afrique, ce terme est devenu un fourre-tout qui englobe le vol, l’escroquerie, le faux et usage de faux, les détournements de fonds, le trafic d’organes humains… tous ces chefs d’accusation affichés devant les procès pénaux dans les tribunaux. Les grands « business men » dans nos pays sont les anglophones, Nigérians et Ghanéens, mais aussi des francophones émancipés, les Congolais, les Ivoiriens, les Camerounais… « L’homme d’affaires, c’est un criminel ou un voleur qui n’est pas encore en prison », m’a défini une Malienne. Et nos filles, qui aiment toutes les destinations de vacances sauf la prison et les commissariats, préférèrent limiter leurs relations avec ces sombres dealers à de furtifs rendez-vous dans des chambres de passe. Pas plus.

4- Le Conducteur de taxi ou de taxi-moto

C’est un martyr. Toute la journée, il supporte les injures et caprices de ses clients qui ne le considèrent pas plus qu’un gueux, et les multiples humiliations de son engin chinois qui tombe en panne en pleine circulation à chaque deux kilomètres sans crier gare, exposant son conducteur aux colères des autres usagers.  Gavé d’injures, énervé, humilié, révolté, et surtout fatigué, le conducteur de taxi ou de taxi-moto revient à la maison le soir pour s’écrouler dans son lit comme un cadavre. Et celui qui a passé toute la journée à démarrer son engin chinois n’arrive pas à démarrer soi-même au lit – malgré la grande quantité de « nyagan po ball », ce terrible comprimé dopant des ghanéens dont le nom signifie « la vieille femme qui joue au ballon » -, ses hanches étant réduites en pièces détachées par l’état désastreux de nos routes. Et comme les femmes acceptent tout sauf un tronc d’arbre à la place d’un mari au lit, eh bien…

5- Le Vieux clou (le Fauregnassingbé)

Bien sûr que c’est un métier, le vieux clou. Certains l’appellent, ce métier, le fauregnassingbé en référence à l’un des pratiquants les plus adroits du métier. Le métier du vieux clou consiste à être célibataire à un âge avancé, quarante ans et plus. Nos filles ne sont pas dupes, elles connaissent ce proverbe togolais qui stipule qu’une mère poule ne se retrouve pas au marché pour être vendue sans raison, soit elle ne couve pas bien ses œufs, soit elle ne prend pas soin de ses poussins. Etre célibataire à quarante ans en Afrique, avec les pressions de la famille, des amis, des amis de la famille, des familles des amis, des voisins, des collègues… être célibataire à cet âge avancé en Afrique, les filles savent que ce n’est pas gratuit. Soit on est un tireur en série, un collectionneur de vierges alignant sur son tableau de chasse ses milliers de conquêtes, incapable d’en choisir une, soit on est un zozo chiche qui ne veut pas partager ses pécules avec une femme, soit on est – et c’est là l’hypothèse la plus dangereuse, soit on est… euh, on est…hum, on est aie… on est comment maaaaaaaannnn ? On est éteint, froid, on ne s’allume pas héloooooooooooouuu !

Une amie congolaise m’a lancé la fois passée : « David, à presque trente ans t’es là à jouer à ton jeunot, ne pensant pas au mariage. Reste là, dans dix ans, tu verras que toutes les filles te fuiront. Elles déduiront que si tu es resté célibataire à quarante ans, c’est que tu es un coureur de femmes, ce que tu n’es pas, ou un pingre, ce que tu n’es pas, ou, pire, un impuissant en bas, là je sais pas, j’ai pas vérifié. »

Note: Le général Koyaga est le personnage principal du roman « En attendant le vote des bêtes sauvages  » de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma. Koyaga, qui ressemble étrangement à feu dictateur togolais Eyadema, n’était pas célibataire, lui. Au contraire!


Mon Nelson Mandela est plus branché que le tien

Nelson Mandela
Nelson Mandela

J’aime Nelson Mandela ! Je l’aime beaucoup ! Y-a-t-il d’ailleurs un Africain qui peut oser ne pas déclarer l’aimer ? Nelson Mandela, nous on l’aime ici, on nous le fait aimer avant qu’on ne découvre ses exploits. On découvre le nom, intimement lié à de très belles métaphores depuis l’école primaire : « Le Père de la Nation Arc-en-ciel », « Le Héros de la lutte contre l’apartheid » « Le Président le plus aimé au monde », «  Le Courageux prisonnier de 27 ans… » On nous a donc appris à aimer le nom « Nelson Mandela », avant de nous enseigner l’apartheid, comme on nous a fait aimer le nom de Jésus, nous autres issus de milieux chrétiens, avant de nous enseigner l’Evangile.

Nelson Mandela ! Nous l’aimons tous, Africains. Et il est malade, gravement malade cette fois-ci. Ses fréquentes chutes de santé ne nous ont jamais tant angoissés. Neuf jours maintenant qu’on nous dit que notre papa est dans un état très grave, qu’on nous cache des informations – mauvais présage ! On aurait vu ses enfants et petits-enfants aller lui rendre visite : mauvais signe. On ne les aurait plus vu depuis deux jours aller à la clinique : plus mauvais signe. Sa femme a répondu à des questions : malheur. Elle n’a plus répondu à aucune question depuis vingt-quatre heures : catastrophe. Jacob Zuma, le président sud-africain a parlé du patriarche malade durant un voyage à l’étranger : Seigneur ! Il n’a dit aucun mot sur lui durant son voyage : Bon Dieu !…

Nelson Mandela aura bientôt quatre-vingt-quinze ans, et, en Afrique où l’espérance de vie moyenne tourne autour de cinquante ans, on ne peut dire qu’il est mort trop tôt. N’est-il d’ailleurs pas temps pour lui, après une vie si agitée, si remplie, d’aller se reposer ? Car Nelson Mandela, même sous l’auréole méritée dont nous lui avons ceint la tête, même sous toutes les louanges que nous lui avons chantées, lui chantons… Nelson Mandela reste un humain, soumis aux lois de la création. Et il est malade, gravement malade, et peut mourir.

Mon inquiétude, aujourd’hui où chancelle la vie de notre patriarche, n’est pas de savoir si Mandela guérira – je ne sais même pas si au fond de lui il aimerait guérir – ou pas de sa maladie. Mais ce que cet homme, au-delà de ce que son nom est devenu pour nous, représente réellement pour nous, Africains. Le nom sonne bien, mais qu’avons-nous fait, que ferons-nous de la personne qui l’a porté ?

Africains, nous devons tous nous demander – en commençant par les Sud-Africains eux-mêmes, ce que nous avons tiré de la vie de Nelson Mandela. Le beau nom, que nous adulons tant, rime – ne l’oublions pas, avec lutte, courage… mais aussi pardon, tolérance, réconciliation, amour… L’Afrique du Sud brandit aujourd’hui Nelson Mandela comme un trophée, les Sud-Africains nous font aujourd’hui une tête de petits enfants polis inquiets devant l’état de santé de leur père… C’est beau, c’est émouvant. Mais l’Afrique du Sud est aujourd’hui tout sauf ce que Mandela avait rêvé. Ce pays est aujourd’hui devenu l’un des plus inhospitaliers, violents, insécurisés au monde, avec un taux de viol journalier qui fait froid dans le dos… Les Sud-Africains se sont ces dernières années illustrés par des actes xénophobes inimaginables vis-à-vis de leurs voisins vivant chez eux, allant d’actes isolés de bandits à des réseaux institutionnalisés de rejet des étrangers.

Que veut Nelson Mandela aujourd’hui sur son lit de malade – et peut-être son lit de mort ? Des Sud-Africains violents, impitoyables, inhospitaliers… qui prient pour son rétablissement, un pays ayant presque institutionnalisé les violences et les rejets, ou un pays hospitalier et tolérant ? Y-a-t-il une plus grande source de jubilation pour un patriarche qui meurt que celle de sentir que les fruits de ses entrailles garderont et transmettront l’héritage qu’il leur a légué ?

Africains, nous prions pour que Mandela soit rétabli – pour combien de temps avant de rechuter, Dieu seul sait. Mais est-ce là vraiment l’honneur et le geste d’amour que veut de nous Mandela ? A quoi nous aura finalement servi cet homme – à part avoir combattu et contribué à mettre fin à l’apartheid qui continue d’ailleurs sous d’autres formes dans la Nation Arc-en-ciel, à quoi nous aura donc servi Mandela, Africains, si, entre deux « Nelson Mandela » invoqués, comme une incantation en laquelle on ne croit pas, nous nous adonnons, à satiété, à toutes ces horreurs et barbaries que le patriarche a passé toute sa vie combattre ? La xénophobie et l’intolérance n’ont jamais été aussi visibles, aussi atroces dans nos pays. Des Camerounais persécutés en Guinée équatoriale, des Congolais brimés au Gabon, des Ivoiriens humiliés au Togo, des Maliens molestés en Côte d’Ivoire, des Togolais refoulés au Ghana, des Guinéens traqués et renvoyés de l’Angola… Il m’est plusieurs fois arrivé, moi qui connais maintenant depuis cinq ans le goût de ce rejet entre Africains, de me demander si ce n’est pas finalement la peau blanche d’un camp la seule différence entre les apartheids pratiqués dans nos pays africains et celui pratiqué il y a des décennies en Afrique du Sud.

Le comble de l’hypocrisie, de la mise en scène, est l’attitude de nos chefs d’Etat. Eux aussi aiment tous Nelson Mandela ! N’y en a-t-il même pas parmi eux – et pas des moindres – à avoir rêvé d’une préface de Mandela dans leur livre ? Et ils montrent, devant les objectifs des caméras, qu’ils se soucient beaucoup de sa santé, qu’ils aimeraient qu’il vive encore pendant longtemps… La question qu’ils ne se poseront jamais, c’est de savoir ce qu’ils font, eux, pour que le combat et les idées de toute la vie de Nelson Mandela continuent de rayonner, et inspirer les générations à venir. Ils espèrent sûrement que Nelson Mandela vive encore quelques années, pour apprécier comment ils briment les droits de leurs peuples, comment ils modifient les constitutions pour briguer des troisième, quatrième, cinquième… dixième mandat, comment ils magouillent les élections…

Parce qu’aujourd’hui, invoquer le nom de Nelson Mandela, prier pour lui, le couvrir d’éloges… ne signifie en rien aimer l’homme et son combat. Nelson Mandela nous est juste devenu une marque à la mode, comme Gucci sur les tee-shirts des jeunes, une parure que chacun met pour faire tendance. Question de chic.

PS : Le titre du billet est inspiré du titre du roman « Ma Mercedes est plus grosse que la tienne » de l’écrivain nigérian Nkem Nwankwo.


Servez-nous vos salades, Monsieur Arthème

Arthème Ahoomey-Zunu
Arthème Ahoomey-Zunu

3e lettre ouverte au Premier ministre togolais Arthème Ahoomey-Zunu

 

Bamako, le 16 juin 2013

Monsieur le Premier ministre,

Pour commencer, excusez-moi de revenir vers vous deux jours plus tôt que notre date prévue, parce que c’est convenu que je dois vous interpeller, pour le moment, tous les 18 du mois, la première lettre que je vous ai envoyée étant signée un 18 avril, et la deuxième un 18 mai. Mais j’ai décidé, cette fois-ci, de la signer, ma lettre à vous, ce 16 juin, un dimanche, parce que je me dis que ce serait plus reposant pour vous de lire la lettre d’un emmerdeur comme moi juste en début de semaine, après un week-end de repos – j’espère que ces pians de Togolais, qui passent tout leur temps à vous chercher des poux dans la tonsure, à vous et à votre gourou de président, vous laissent au moins vous reposer le week-end. Je ne vais pas faire long, comme d’habitude.

Monsieur le Premier ministre, je reviens vers vous, comme promis il y a deux mois, juste pour vous rappeler que nous attendons toujours la promesse que vous avez faite, le 18 avril 2013, sur les antennes de la Radio France internationale, RFI, de faire des enquêtes sur la mort du jeune Anselme Sinandare, tué à Dapaong quelques jours avant dans une manifestation des travailleurs. « Le gouvernement togolais n’approuvera aucun crime », aviez-vous martelé durant votre interview. Mais voilà deux mois que le crime de ce garçon n’est pas encore puni, deux mois que votre enquête- si vous êtes en train d’en faire une, traîne, que personne n’est encore inculpé, alors qu’on ne vous connaît pas lentes, vous les autorités togolaises, quand il faut inculper des suspects dans des affaires. Rappelez-vous l’histoire des incendies des marchés, quelques jours vous avaient suffi pour écrouer des dizaines d’opposants togolais que vous considériez comme des suspects. L’un d’eux est d’ailleurs mort en prison, alors qu’aucune preuve ne l’a encore lié à ces incendies. Pourquoi donc l’enquête sur l’assassinat de cet enfant de douze ans tué devant les yeux de ses frères doit-elle prendre une éternité ?

Ah, Monsieur le Premier ministre, parlant d’enfant tué et d’enquête, vous en avez fait une. Celle sur la mort de Douti Sinanlengue, un autre enfant de 22 ans assassiné, non, tué, euh… mort durant la même période qu’Anselme. Vous avez publié les résultats sur le site www.republicoftogo.com, votre site de propagande. Vous avez déclaré que contrairement à ce qu’ont affirmé des médias nationaux et internationaux, le jeune Douti n’était pas mort suite à un passage à tabac de vos forces de l’ordre, mais suite à une péritonite aiguë – Bon Dieu, qu’il était terrible, cet enfant, comment avait-il pu attraper ce truc de riche ! Selon les résultats de votre enquête, Douti avait participé aux manifestations dans la journée, et le soir il s’est plaint d’une fatigue générale, puis de douleurs abdominales, et finalement un arrêt cardiaque l’a fauché, alors qu’un chirurgien s’apprêtait à l’opérer. Hein ! Un gaillard de 22 ans qui se réveille en bonne santé, qui a même la force d’aller participer à des manifestations, et qui, subitement le soir se plaint de fatigue générale, de douleurs abdominales, et meurt, sur-le-champ, d’une crise cardiaque, alors qu’on s’apprêtait à l’opérer ! Vous avez dit enquête, Togolais ? Vous l’avez, supportez-la !

Monsieur le Premier ministre, voilà comment vous créez, par vos suffisances qui mises bout à bout deviennent de la pure idiotie, voilà donc comment vous créez, par votre idiotie, des frustrations, des regrets, des révoltes… un mal de vivre général auprès des Togolais. Vos forces de l’ordre, barbares, ont frappé à mort un jeune garçon qui a succombé aux coups. Au lieu de prendre vos responsabilités, vous mettre à la place des parents de cet enfant qui ont travaillé pour rien pendant vingt-deux ans, et présenter des excuses, vous osez publier, sur un site censé être celui officiel de notre pays, des mensonges aussi insultants. Qu’est-ce qu’une simple excuse, suivie de l’emprisonnement des assassins de ce garçon, vous aurait-elle coûté ?

Monsieur le Premier ministre, tout dans vos comportements montre finalement que vous considérez les Togolais comme vos ennemis, et vous plaisez à les torturer. Même de simples gestes, des gestes gratuits, qui auraient calmé des cœurs éplorés, réconcilié des Togolais meurtris avec leur pays, vous êtes incapables de les faire. On a vu des présidents, de vrais présidents, des ministres, de vrais ministres, présenter des excuses à leurs peuples. Pourquoi ne pouvez-vous pas le faire, vous, pour que les parents de cet enfant sentent au moins que leur enfant valait un être humain ? Un enfant, quelle que soit la crasse qui le recouvre, est toujours un trésor pour ses parents, et aucun parent ne peut facilement se remettre d’une mort si subite, si tragique, si gratuite de son enfant, je vous l’avais déjà dit dans ma lettre précédente, monsieur.

Monsieur le Premier ministre, votre enquête sur la mort du jeune Douti, nous l’avons, vous l’avez faite, quelle qu’elle soit. Il n’est pas mort des coups de vos forces de sécurité, mais d’une périquelquechose – le nom de la maladie est si compliquée que je n’arrive même pas à le mémoriser, cet enfant aurait dû faire simple, mourir de palu ! … Publiez-nous celle de la mort d’Anselme. Voici deux mois que vous l’avez promise devant toutes les oreilles de la Terre. Et vous devez, vous allez la faire, cette enquête. Impérativement !

PS : Oh, Monsieur le Premier ministre, ne vous souciez surtout pas de notre réaction quand nous aurons les résultats, nous sommes habitués à vos mensonges, le proverbe le dit si bien, à vivre avec des porcs, on finit par ne plus trouver dégoûtants les plats de merde. Sortez-nous quelque chose, n’importe quoi, nous digèrerons, nous sommes de gros zozos qu’on peut facilement duper avec n’importe quelle salade de mauvais goût. Une version officielle du genre : «  Contrairement à ce qu’ont déclaré des médias togolais et étrangers manipulés par les opposants togolais, Anselme Sinandare n’est pas mort suite à une balle des forces de sécurité togolaises, mais d’une overdose de Viagra. En effet, dans la nuit de sa mort, le jeune Anselme, 12 ans, s’était réveillé en sursaut, sentant une forte envie de s’accoupler. Sous l’effet du sommeil et de la libido, il avait cru, en voyant son oreiller à côté de lui, qu’il dormait avec une femme. Il avait donc couru, dans la nuit, acheter à la pharmacie une grande quantité de stimulants qu’il avala sur place. Arrivé chez lui en courant, et libéré des effets du sommeil, il comprit que ce n’était pas une femme qui était allongée à côté de lui, mais c’était plutôt son oreiller. Fâché, il courut à la cuisine, prit un couteau et se donna un grand coup dans l’abdomen. Il succomba sur-le-champ…  » Bah, oui, on l’acceptera, cette version, parce que nous sommes de bons dociles sots, mon Premier ministre !