David Kpelly

2011, à toi, Mondoblog!

 

DAVID KPELLY

Eh bien, nous y sommes ! Si, si, nous y sommes. Que dire ? Tout simplement remercier le Ciel de nous avoir accordé cette grâce. Ah, voyez que je suis en train de me la jouer pasteur ! Moi pasteur ! Pauvre de vous, mes chers !

Figurez-vous qu’hier, pour lutter contre la solitude dont je vous ai déjà parlé, j’ai décidé d’aller célébrer, comme tout bon chrétien –même si j’en suis un très mauvais – la Saint Sylvestre à l’église, et aussi pour montrer, au moins pour la première fois dans l’année, ma tête de malheureux célibataire à Dieu, et Le prier de me trouver durant cette nouvelle année une petite gâterie de compagne à me mettre sous la dent. C’était mal, très mal compter avec la poisse ! J’eus le malheur d’aller m’asseoir juste derrière deux Sénégalaises – ah, les Sénégalaises !- aux reliefs tellement dégagés, et complètement dessinés dans leurs jeans plaqués qu’à chaque fois que le pasteur nous demandait de nous lever pour prier, je ne faisais que zoomer et rezoomer ces boules, ces montagnes de Sion si proches mais si  loin de moi ! Le comble arriva quand on devait chanter et danser pour accueillir la nouvelle année ! J’avais juste échappé belle au torticolis, à force de tourner la tête pour suivre les déhanchements de ces provocatrices déchaînées… Ah, le calvaire d’un célibataire au pain sec ! Bon, trêve de ces fesseries et culeries  à la clown !

Chers mondoblogueurs et mondoblogueuses, euh non, chères mondoblogueuses et chers mondoblogueurs – traitez-moi de ce que vous voulez, les gars-, juste pour vous souhaiter une bonne et heureuse année 2011. Nos préoccupations à nous jeunes, surtout ceux du continent noir, sont si nombreuses que dans les conditions où nous vivons,  chaque année qui passe nous donne l’impression que nous sommes petit à petit en train de nous éloigner de nos rêves. Mais ne perdons pas courage. Jamais. La jeunesse est, selon Oscar Wilde, la première richesse d’un humain, et nous devons en profiter. Ne jamais fléchir. Jamais !

Pendant trois mois, nous avons blogué avec passion, pas nécessairement pour le goût de la compétition, mais pour partager, juste partager sa vision du monde avec d’autres jeunes, d’autres horizons. Elle a été belle, notre aventure en 2010, et nous la souhaitons plus belle à tous et à toutes, non, à toutes et à tous, sur cette plateforme en 2011. Merci à tous les organisateurs de ce magnifique projet et à tous nos encadreurs, Cédric, Ziad, Simon…

Vivement, bonne et heureuse année à tous !


Une paire de fesses gratos pour Noël !

« Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec des paires de fesses gratos, n’oublie pas que j’aime aussi en consommer… »

C’est quoi ces paillardises que je suis en train de débiter, hein ? Eh bien, que chanter, que danser, après ce qui m’est arrivé, ce 24 décembre 2010, en chair et en os et vis-à-vis devant les clients comme on le dit chez moi là-bas au bled ?

Je m’étais consciencieusement préparé à passer ces fêtes de fin d’année dans un véritable pastis, un fiasco total, quoi ! Presque tous mes amis, mes compatriotes, sont descendus au bled, n’ayant pas pu réussir à me convaincre de les suivre. Déjà présent à Lomé du 22 au 26 novembre dernier, je ne peux, en un mois, descendre une seconde fois au pays alors qu’il faut avoir des couilles solides pour y aller. Toute la famille, les amis de la famille, les familles des amis… vous y attendent, vous êtes descendu de l’étranger, et vous avez des braises à n’en savoir que faire. On est toujours Bill Gates quand on revient de l’étranger. Ma dernière visite de novembre m’a coûté plus de cinq cent mille balles – une fortune ici – et je suis complètement crevé comme un militaire durant la seconde moitié du mois.

J’ai donc décidé, faute de pognon, de passer mes fêtes de fin d’année ici à Bamako. Je ne sais pas si je me le pardonnerai un jour. En décembre, Bamako rend malheureux un étranger chrétien qui a déjà fêté Noël dans un pays à dominance chrétienne. Les rares décorations, vous les croisez par hasard dans des supermarchés chics tenus par des Occidentaux. Pas de sapins décorés ! Pas de représentations de papa Noël dans les lieux publics et sur les grands bâtiments ! Pas de cantiques de Noël dont on vous sérine au Togo dès le mois de novembre ! Rien, parbleu ! On ne sent pas venir Noël à Bamako. Parce que Jésus, eh bien, le mec n’est pas considéré ici comme le Fils de Dieu, pas même comme Son cousin lointain, et sa naissance, on s’en tape comme une pute brésilienne du paradis.

Cerise sur le gâteau pour moi, euh non, nivaquine dans le venin, pas de gonzesse, au moins pour se permettre quelques petites gâteries à la con pour oublier la déception. Les filles de Bamako, comme d’ailleurs toutes celles de la nouvelle génération BCBG, les jetsetteuses, faut s’en méfier comme de la mort au mois de décembre, parce que même si elles ne fêtent pas Noël, le 31 décembre, c’est leur plus grand jour de l’année, et elles doivent s’habiller. Bien s’habiller. Vous comprenez, hein ! Et quand une fille de Bamako doit bien s’habiller, c’est comme la femme de Robert Mugabe qui doit aller faire du shopping en Occident parce qu’elle prétend avoir de si petits pieds qu’elle ne peut trouver ses pointures ici au Bled. Et ça coûte. Se chercher ou gérer une minette à Bamako au mois de décembre, c’est comme confier son argent à Bernard Madoff. On s’en sort complètement ruiné, fini. La meilleure solution, c’est d’inventer une histoire saugrenue pour créer un no man’s land entre vous et votre nana du 1er au 31 décembre, et reprendre les « mon bb, j t’adore… j’ai soif d’toi ma biche… » et toutes les autres imbécilités après la fête. Le truc est simple. Au soir du 30 novembre, froncez la mine quand elle vous rend visite, et quand elle vous demande la cause de votre mauvaise humeur, répondez-lui en grondant que vous êtes au courant de tous les textos qu’elle envoie à son ex toutes les nuits à votre insu – elles ont toujours un ex quel que soit leur âge -, et si elle essaie de se défendre, mettez-vous sur vos nerfs et demandez-lui de vous laisser tranquille jusqu’à nouvel ordre, après le 31 décembre donc. Mais attention, ça peut se révéler des fois dangereux parce que son départ peut être définitif ! Voilà comment j’arrive toujours à jouer au singleton le mois de décembre.

Le 24 décembre dernier donc, dans cette morose atmosphère de Noël sans Noël, j’ai décidé, déçu, contrarié, humilié, solitaire, d’aller me soûler la gueule comme un policier burkinabé à la fin de mois, et retourner me coucher ivre-mort, afin de passer la journée du 25 allongé dans mon lit avec une gueule de bois sans nom. Tous les moyens sont bons pour fêter Noël, surtout quand il n’y a pas de Noël à fêter.

L’ambiance était encore plus moche dans le bar que je ne l’avais imaginé. Quel réveillon, mon Dieu ! J’étais sur la quatrième bouteille quand j’entendis derrière moi :

– Bonsoir Monsieur, bonne fête de Noël, je peux m’asseoir ?

Je ne souffris pas le calvaire d’ouvrir les yeux, le parfum qui m’avait inondé m’ayant révélé à qui j’avais affaire. Dieu seul sait là où ces petites prostituées, d’origine nigériane surtout, s’en vont chercher ces parfums qu’on dirait piochés dans l’anus d’un cadavre.

-Monsieur, je vois que vous êtes chrétien, je le suis aussi, donc, si vous voulez, je peux vous faire un prix spécial pour Noël. Le toucher est gratuit et l’entrée à demi tarif.

Ça devenait intéressant. J’ouvris les yeux en souriant. Elle était vêtue, comme elles l’ont toujours été, d’une robe qui cachait à peine sa petite culotte. Une perruque de couleur bleue ou verte, ou grise, ou violette, je ne savais pas avec la pénombre, qui lui arrivait jusqu’aux épaules. Des bijoux de pacotille au cou et aux poignets. Je fis un rapprochement impossible entre elle et Rama Yade. Deux univers diamétralement opposés. L’indignité et l’humiliation d’un côté, toute la dignité de la femme et la classe de l’autre. Le monde est injuste !

– Oui, madame, vous dites quoi ? Elle s’assit, sans fermer ses deux battants, m’offrant, dans la pénombre, une vue directe, et en plongée, sur son monde intérieur.

– Je veux juste vous aider à bien fêter Noël parce que je vois un crucifix à votre cou et je sais que vous êtes chrétien. Je vous offre donc le toucher gratuitement, et l’entrée à la moitié du prix normal plus les frais de chambre.

Un chien qui voit un fantôme n’a plus la force d’aboyer, il s’efforce de pousser un sourd soupir, proverbe de chez moi. Je soupirai en la fixant, ébahi. Eh, mon petit pauvre Jésus, du sexe cru et de la chair gratuitement offerts pour fêter ta naissance !

– Tu veux une bière ?

– Non, mais si vous voulez vous pouvez me donner l’argent de la bière, je ne bois pas.

Je lui tendais, en la fixant tristement, un billet de mille francs, quand les haut-parleurs du bar, comme par enchantement, avaient commencé à chanter « Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel… »

Ouais, mon sacré bizarre papa Noël ne m’avait pas oublié pour ce Noël super moche, le plus moche de toute ma vie, que j’étais en train de passer. Une paire de fesses à toucher gratos, à consommer à moitié prix, pour célébrer la naissance du Fils de Dieu ! Huuummmmm…

Joyeuses fêtes!


Mémé, tu dois mourir !

 

Mémé Gloria, quatre-vingt six ans, est morte dans un hôpital de Lomé, suite à une longue maladie, même si beaucoup de mauvaises langues ont affirmé et continuent d’affirmer que c’est la faim qui l’a expédiée six pieds sous terre. Bon, Mémé Gloria est morte. C’est d’ailleurs normal qu’on meurt à cet âge ! Que cherche-t-on encore en vie, ici au bled, sous les tropiques, dans cette crotte sans nom, après avoir bouclé quatre fois vingt prunes, si on n’est pas un vilain sorcier ou une sorcière sans vergogne qui tue les enfants pour sucer leur sang pour se maintenir en vie, hein ? Mémé Gloria est morte. Suite à une longue maladie, ou à cause de la faim, ou de la soif, ou par manque de pointeur – parce qu’à cet âge les mémés n’ont plus la chance de niquailler, les pépés, qui le peuvent encore, préfèrent aller se faire foutre au septième ciel entre des battants plus gras et tendres… Bon, trêve de calembredaines à la con, Mémé Gloria a défunté.

Mémé Gloria est chrétienne, comme la plupart des Togolais, comme au Togo tout le monde, ou presque, est chrétien… par défaut. Histoire de rester à la page, quoi ! Même feu Eyadema a été chrétien, même s’il paraît qu’il ne savait même pas réciter le Pater Noster, et que quand il partait à l’église pour célébrer le 13 Janvier, son jour préféré, le jour de l’assassinat de son prédécesseur le père de l’indépendance du Togo, il passait tout son temps à tourner la tête de gauche à droite comme un petit mauvais collégien tricheur, quand on récitait cette prière que doit connaître tout chrétien… normal… Bien, euh… ouais, Mémé Gloria est morte, et elle est chrétienne.

C’est connu, au Togo, comme au Ghana et au Bénin, un chrétien, qu’il soit normal ou anormal, ça ne s’enterre pas comme on enterre un chiot. L’enterrement d’un chrétien au Togo est un évènement, un évènement qui se fête comme cela se doit, comme Noël. Uniforme, musique, danse, alcool, sucrerie, rires, drague, baise… Argent. Tout ! Et je me rappelle encore combien j’enviais, jeune, mes amis qui avaient la chance de perdre une tante ou un oncle, et qui se voyaient offrir un complet cousu avec l’uniforme, avaient le privilège de vivre deux à trois jours de bamboula dans leur maison, alors que mes vilains et méchants tantes et oncles s’obstinaient à ne pas mourir !

Mémé Gloria est chrétienne et elle est morte. Comme tout orphelin togolais qui se respecte, ses trois enfants ont pleuré une fois qu’ils ont appris la mort de leur mère, même s’ils ne lui ont jamais rendu visite durant son hospitalisation de trois mois à l’hôpital. Ils n’ont pas de temps, et ils ont engagé une infirmière de l’hôpital pour la prendre en charge. Quoi de plus normal ! Faure Gnassingbé le Président en chair et en os le crie tous les jours, les Togolais doivent travailler pour faire développer le pays. Un pays, même si son président ne fout rien et passe tout son temps à niquer les gonzesses des stars de foot du pays, se développe par le travail de ses citoyens. Les enfants de Mémé Gloria étaient donc tellement occupés par leur travail pour développer la dictature analphabète, militaire et cinquantenaire qu’est le Togo, qu’ils n’ont pas pu rendre visite à leur mère avant sa mort. Et ils ont rapidement donné l’ordre d’évacuer leur mère à la morgue pour au moins trois mois, le temps de préparer l’enterrement.

Parce qu’au Togo, l’enterrement d’un chrétien, ça se prépare. Un cadavre chrétien est une marchandise, un titre de bourse, et il faut miser dessus. Il faut inviter les amis, les collègues, les proches, les amants, les ex, les ex des ex – parce que l’ami de mon ami c’est mon ami et non mon rival.

Mémé Gloria a fait plus de trois mois à la morgue, et ses trois enfants ont pris tout le temps d’inviter tous ceux qu’ils connaissaient et tous ceux qui connaissaient ceux qu’ils connaissaient, tous ceux dont ils avaient une fois entendu parler et tous ceux qui ont une fois entendu parler d’eux… Plus de trois mille invités. Plus de trois mille enveloppes donc, à raison de mille francs au moins l’enveloppe, parce que la Bceao ne fabrique plus de billet de cinq cents francs, et le plus grand pingre de la Terre ne peut glisser une pièce dans une enveloppe, surtout que la remise des dons se fait main-à-main. L’enterrement de Mémé Gloria va rapporter à ses enfants au moins trois millions, les dépenses ne pouvant pas dépasser un million. De quoi donner envie d’aller donner un coup de gourdin à la maternelle qui est là vautrée et qui vous tend toujours la main au moindre besoin !

Aujourd’hui, mémé Gloria va être enterrée ! Il est huit heures et la maison mortuaire commence à se remplir des invités qui vont faire leurs dons après la cérémonie d’enterrement. Les parieurs, euh, les orphelins, fredonnant les morceaux gospel que crachent les haut-parleurs installés un peu partout dans la maison mortuaire, font tout pour attirer l’attention de la foule sur leurs visages inondés de quelques difficiles larmes gagnées à coup de menthol. Il faut pleurer Mémé Gloria, elle va bientôt donner des fruits, enfin !

Il est dix heures, le lit de la défunte est prêt, et on commence à paniquer, car les membres de la famille dépêchés à la morgue pour chercher le corps de Mémé Gloria tardent à revenir. On s’apprête à téléphoner à la morgue quand une voiture gare devant la maison mortuaire. Un agent de l’hôpital où avait trépassé Mémé Gloria en sort tout en sourire. Il a une bonne nouvelle à annoncer. Une surprise. La surprise la plus agréable de l’année. Il ouvre la portière de la voiture en criant « Mes chers, votre grand-mère n’est pas morte, elle est bel et bien en vie, une de nos infirmières s’était trompée et l’avait confondue à une autre vieille qui lui ressemblait trait pour trait. Dieu soit loué. Gloire à Jésus ! ». Gloire à ton cul, mon vieux ! De quoi vous la bousiller votre vilain incompétent hôpital qui pousse des parieurs à miser sur la marchandise du corps de leur mère !

Mémé Gloria, bien habillée et en bonne santé, sort de la voiture en souriant et se dirige vers ses trois enfants n’arrivant pas à cacher leur pétrin. Ah, la sorcière ! Pas de corps donc à enterrer ! Pas d’enveloppes ! Pas de millions !

Les enfants de Mémé Gloria, qui viennent de voir les précieux millions leur filer sous le nez, ne font que pousser des soupirs de désespoir, regardant ébahis, devant une foule pétrifiée, leur vilaine et importune mère se diriger vers eux en claudiquant sur ses hanches dépiécées qu’elle refuse d’aller cacher dans une tombe.

Non, Mémé Gloria, Tu ne peux pas ne pas mourir, parbleu ! Ton retour n’est pas un retour triomphal, parce que les retours triomphaux, Eyadema qui en avait le secret a crevé depuis longtemps et son fils, se sachant tellement détesté par les Togolais, ne peut même pas oser aller se faire égratigner dans un crash d’avion pour se voir chanter par le peuple.

Mémé Gloria, tes fils ont misé plus d’un million sur la marchandise de ton cadavre, et tu ne peux pas le leur faire perdre. Tu es morte. Tu dois mourir. La seule option, ma chère Mémé Gloria, c’est de simuler une brusque attaque cardiaque, faire la morte, pour qu’on t’installe dans ce lit douillet qui t’est préparé, pour qu’on t’enterre, pour que les invités donnent les enveloppes, pour que tes fils récupèrent le million qu’ils ont misé sur ton corps.

Allez, ouste, Mémé Gloria, dans ta tombe… pour le bien de la bourse des cadavres au Togo !


Le Top 5 des Présidents africains chics !

Les chefs d’Etat africains sont si détestés de leurs peuples que chaque fois qu’on mentionne leurs noms, on ne pense qu’à la dictature, la corruption, la prévarication, le meurtre, les élections volées… Ceci fait totalement ignorer certaines qualités non négligeables qu’ils ont, et qui n’ont jamais, hélas, brillé.

Je suivais, il y a quelques jours, le Journal Afrique sur TV5 en compagnie de deux potes du bled quand l’un d’eux lança en riant, quand on montrait un vieux chef d’Etat de l’Afrique occidentale plus chauve que le derrière d’un vieux singe et dont le nom m’échappe, «Sincèrement, c’est un peu ridicule mais il faut qu’un chef d’Etat soit un peu beau et/ou élégant, ça donne une bonne image à son pays, il n’y a rien de plus déshonorant pour un pays qu’un chef d’Etat laid, débraillé et de surcroît vieux. » Le débat s’ouvrit ainsi et après une trentaine de minutes, nous fûmes tous les trois d’accord sur le fait qu’il faut qu’un chef d’Etat, un bon, ait au moins une petite trace de beauté et/ou d’élégance, affaire de design et de look, quoi ! Nous procédâmes donc à la classification des cinq chefs d’Etat les plus beaux et/ou élégants que l’on puisse rencontrer dans le continent noir.

Le jury demande aux Présidents qui ne retrouveront pas leurs noms dans cette liste si fermée de ne pas lui en vouloir, de faire preuve de fair-play, et ne pas, ivres de rage, aller monter des rebellions contre leurs homologues élus.

Voici donc le procès-verbal de la classification des cinq plus beaux et/ou élégants chefs d’Etat africains, à l’issue de la délibération de notre jury autoproclamé.

1er : Blaise Compaoré (Burkina Faso), Mention Très bien, avec applaudissements du jury.

Arrivé à la tête du Pays des Hommes Intègres à la suite du lâche assassinat du bien-aimé Thomas Sankara, Balise Compaoré, même si son règne est aussi pourri que même le charognard le plus éhonté n’en voudrait pas, saute aux yeux par sa beauté et son élégance. Vestes taillées sur mesure, démarche ordonnée, verbe facile et beau style, très posé. Et, cerise sur le gâteau, le mec a une très belle femme, de quoi faire baver certaines premières dames qui, malgré leurs soins minutieux, pommades, perruques et bijoux de valeur, n’arrivent à ressembler à rien d’intéressant, et qui se réfugient désormais derrière la littérature en écrivant des livres pour se mettre en valeur.

2e : Mouammar Kadhafi (Libye), Mention Très bien.

Le guide de la révolution libyenne, le roi des rois d’Afrique, malgré l’image de terroriste-paria qui lui colle à la peau, est un beau gosse incontestable, malgré son âge avancé, comme d’ailleurs la plupart des Libyens, des arabes. C’est connu, le Guide est looké et relooké par les stylistes les plus chers de la planète Terre, et le résultat est palpable. Surtout quand on le voit bien brosser sa belle chevelure sur laquelle il dépose un petit chapeau. De quoi donner des idées de meurtre à Abdoulaye Wade qui depuis Mathusalem ne cesse de demander, sans succès, à Allah et au Prophète de lui faire pousser au moins une petite couche de cheveux sur la tête, pour aussi changer de temps en temps de look à travers la coiffure.

3e: Feu Gnassingbé Eyadema (Togo), Mention Bien.

Même si tu n’aimes pas la musaraigne, ne nie pas qu’elle sent plus mauvais que toi. Sagesse africaine. Eyadema, Koyaga pour certains écrivains, Yamatoké pour d’autres, tueur, dictateur, voleur d’élections qui est prêt à faire voter les bêtes sauvages au cas où les humains ne voudraient pas voter pour lui… Mais Eyadema élégant, très élégant, même s’il n’est pas aussi beau que Blaise Compaoré. L’élégance est une question d’éducation, comme le dirait l’autre. Et voilà le paradoxe d’Eyadema. Personne n’a jamais compris comment ce petit cultivateur et lutteur traditionnel, miliaire par la suite, bombardé subitement président à la suite de l’assassinat du père de l’indépendance du Togo, a réussi à cultiver autour de lui une si grande élégance. Ayant réussi à transformer sa démarche de vieux boiteux en démarche très classe, le Gnass sait très bien agencer les couleurs de ses costumes et cravates, croiser les pieds comme un homme vraiment cultivé, parler français comme un intellectuel en prenant tout son temps pour ne pas casser la marmite (faire des fautes). Et surtout avec ses cheveux bien gominés et si brillants ! C’est ce qui fait l’une de ses grandes différences avec son petit héritier Faure, qui malgré son jeune âge qui le rend si fier, ne fait que porter des vestes-boubous qui lui font ressembler à des comédiens ghanéens qui venaient nous divertir au Togo pendant notre enfance.

4e : Dénis Sassou N’Gesso (Congo Brazza), Mention Bien

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Le Dénis ne doit pas normalement être si fier de faire partie de cette classification juste parce qu’il est du Congo, et tout le monde sait que quand on est congolais on est un sapeur. Des chanteurs aux écrivains, tous les Congolais, comme un héritage, savent très bien s’habiller et ne passent jamais inaperçus partout où ils passent. Véritables mordus des grandes marques, D&G, Prada, Versace, Armani… Allez rencontrer les personnages du géant Alain Mabanckou – super élégant lui-même – Moki, Préfet, l’Imprimeur, Fessologue… C’est d’ailleurs pour cette raison que Dénis Sassou N’Gesso, sachant très bien que l’élégance n’est pas une qualité rare dans son pays, a décidé de se recycler en écrivain, en publiant un bouquin portant une soi-disant préface de Nelson Mandela, un bouquin qui… Grrrrrr…

5e : Nelson Mandela (Afrique du Sud), Mention spéciale du Jury

En fait, le jury a décidé de faire figurer Madiba dans cette liste pour pousser les chefs d’Etat africains à changer et à ressembler au père de la Nation Arc-en-ciel. Parce que les chefs d’Etat noirs, aveuglés par leur mégalomanie, cherchent à figurer dans tous les palmarès. Il suffit qu’on leur dise que s’ils cessent de voler et les deniers publics et les élections, s’ils cessent de tuer leurs opposants, s’ils cessent d’assassiner les constitutions, on les classera comme le plus beau chef d’Etat de l’Afrique, eh bien, qui sait, mais alors qui sait, ils pourront changer ! Des remèdes si ridicules peuvent des fois guérir des maux très graves ! Comme cette pratique ridicule du bled qui stipule que pour empêcher un enfant de faire pipi au lit, il faut lui accrocher une grenouille autour des hanches !

Ps : La prochaine classification sera celle des chefs d’Etat africains qui savent bien danser. Le casting aura lieu dans une boîte de nuit ici à Bamako. Nous invitons donc tous les présidents africains à nous faire parvenir leurs dossiers de candidature à l’adresse faischier@yahoo.fr. Une visite médicale est recommandée parce que nous ne voulons pas de ces chefs d’Etat vieux et/ou malades qui cachent leurs maladies comme leurs couilles et qui ne les reconnaissent que quand ils sont dans leurs cercueils allongés. C’est pourquoi des présidents comme Mugabe, Abdoulaye Wade… qui tiennent à peine sur leurs hanches sont d’office disqualifiés et ne sont pas autorisés à présenter leurs dossiers, sauf s’ils arrivent à corrompre notre jury qui reste corruptible comme toutes les institutions africaines.


Cocu nickel

Souley, mon meilleur ami, s’est foutu les deux pieds dans une merde sans nom et je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer, parce que, wallahi, je l’avais bel et bien averti.

Les jeunes Togolais et Ivoiriens ont trouvé un dada ici à Bamako, taper dans le dos des Maliens, c’est-à-dire aller au pays des merveilles des femmes mariées en l’absence de leurs maris. Et Dieu seul sait le nombre de foyers que ces play-boys brisent tous les jours dans cette capitale si ouverte aux étrangers. Allez savoir pourquoi ces femmes, qui sont pourtant très choyées au foyer et à qui leurs maris n’hésiteront pas à aller décrocher les dents du Loch Ness si seulement elles en expriment le désir, se comportent de la sorte.

Personnellement, j’avoue que mes compatriotes togolais s’adonnent à ce jeu juste pour fuir leur responsabilité d’homme, payer avant de tirer un bon coup, parce que, faut pas faire, même les cadavres des Togolais ne sont pas prêts à donner un seul centime à une femme avant de monter aux septième et huitième cieux. Et à Bamako, comme d’ailleurs dans toutes les capitales africaines aujourd’hui, vaut mieux couper son monsieur-d’en-bas si on n’est pas prêt à débourser. Ah, ces gonzesses de la nouvelle génération ! La preuve ? Voici plus de deux ans que je suis ici, désoeuvré comme un fils mal-aimé ayant succédé à son père dictateur à la Présidence, sans jamais avoir eu l’occasion de câliner la plus crasseuse des minettes d’ici.

Mes frères togolais, disais-je donc, ont trouvé pour échappatoire de laisser les jeunes nanas et déverser leur insatiable libido sur de vieilles femmes mariées en quête de plaisir, qui ne demandent rien, et qui sont au contraire prêtes à tout leur donner jusqu’à la dernière fibre de leur petite culotte.

Tout commença avec un costume que m’amena Souley un soir, alors que j’étais occupé, comme toujours, à taper sur ma machine comme une secrétaire voulant être promue.

– Hé, grand écrivain, voilà un beau costume, tous les écrivains que moi je connais portent des costumes alors que toi je ne t’ai jamais vu avec un. Tu passes ton temps à porter ces trucs de coupé-décalé qui te font ressembler à une marionnette dans un marché de Cotonou. Tiens, je te vends ceci à dix mille balles.

– Souley, répondis-je en me redressant, ne me dis pas que tu commences maintenant à voler, hein, fais beaucoup attention parce que les gens d’ici tuent sur-le-champ les voleurs et…

– Je n’ai pas besoin de tes conseils, écrivain sans costume, garde tes conseils pour toi et donne-moi les dix mille balles. C’est un Hugo Boss original et c’est une mamito toute fraîche que je viens de décrocher qui me l’a offert. T’en dis quoi ?

– Quoi, Souley, m’étais-je indigné, veux-tu me dire que toi aussi tu vas commencer à sortir avec des femmes mariées, briser les foyers des pauvres Maliens et…

– Assez, monsieur le moraliste, coupa-t-il en riant, si tu veux donner des leçons de morale, va le faire chez toi là-bas à ces idiots qui se sont emparés de cette dictature militaire, analphabète et quarantenaire que vous appelez Togo. Tu n’as pas honte de laisser ton pays dans cette merde et venir dispenser tes foutus conseils à des honnêtes citoyens comme moi, hein. Donne les dix kolos. Je pris le costume qui était trop ample pour moi et lui donnai un billet de cinq mille.

– Souley, lui lançai-je quand-il sortait, fais attention à ce que tu fais, le jour où son mari t’attrapera, on te coupera en morceaux avant de t’expédier vers ta boucherie de pays.

Souley s’était effectivement accroché comme un pou à la femme d’un officier qui le bourrait tous les jours de billets de banque et de cadeaux. Il mit fin à son travail de cuisinier et passait ses journées devant la télévision que lui avait offerte sa maîtresse. Le soir, quand il arrivait chez moi sur sa moto que lui avait achetée la mamito, il m’amenait manger de la viande de mouton et boire de la bière. Il prit plus de dix kilos en moins de six mois et je finis par l’envier.

– Souley, lui fis-je un soir où on était au restaurant, faut que tu me cherches une.

– Quoi ? fit-il en me regardant souriant. – Tu sais ce dont je veux parler. Il explosa de rire.

– Monsieur le moraliste veut aussi bouffer cul de mamito. Pourquoi ne lances-tu pas un appel dans ces foutus bouquins que tu écris ?

Hier soir, j’étais toujours devant l’écran de mon PC quand mon sacré gigolo rentra, désespéré comme l’est actuellement Laurent Gbagbo hué et matraqué par le monde entier. Je ne l’avais plus vu depuis une semaine et je voulus lui poser des questions quand il explosa comme le Vésuve :

– Sais-tu qu’il vient de confisquer tout ce qu’elle m’a offert hein, sais-tu qu’il menace de m’emprisonner si je maintiens ma décision, hein ? Sais-tu qu’il a confisqué mon passeport et toutes mes pièces et que je ne peux plus voyager, hein ? Sais-tu qu’il me…

– Tu parles de qui ? Prends place, calme-toi et raconte-moi tout posément. Il ne se calma pas et continua en hurlant :

– Il peut me tuer s’il veut, je ne vais plus le faire et…

– Qui ? ai-je coupé, inquiet.

– Le mari de ma mamito.

– Il vient de te surprendre, n’est-ce pas ? fis-je en me redressant.

– Toi tu souhaites toujours ce qui est négatif, comment peut-il me surprendre ? C’est la mamito qui lui en a parlé. Ils m’ont eu, tu vois, hein, c’était un complot et…

– Quel complot, fis-je complètement perdu.

– Eh bien, l’officier s’était entendu avec sa femme pour que cette dernière se cherche un pointeur en forme parce que sa houe n’arrive plus à labourer. Tu vois hein, il ne démarre plus et sa femme était obligée d’aller se débrouiller dans le Hors Activité Ordinaire, HAO. Tu me saisis ? Elle faisait ça avec tout le monde et son mari en avait honte. Finalement, il lui a demandé de chercher un seul et vigoureux bouc qui pourra la satisfaire. Voilà comment elle était tombée sur moi avec la complicité de son mari. C’était lui qui lui donnait tout ce qu’elle m’offrait. Maintenant qu’elle devient trop exigeante et que je veux la laisser, elle en a parlé à son mari qui a débarqué chez moi ce soir avec deux policiers et a tout confisqué. Je ne peux plus continuer avec elle. Tu vois, hein ? Au début, elle était raisonnable et on faisait la chose simplement. Maintenant, elle commence par demander des accessoires que je ne peux pas lui offrir. Elle veut que je fourre ma langue dans son pays des merveilles, un pays qui a déjà vu sortir six gosses. Tu crois que je peux faire ça, moi ? Je suis garçon unique à ma mère et je vais devenir con si je fais ça. Elle veut tant de trucs que je ne peux pas faire et qu’elle et son mari me forcent de faire. Je suis musulman, après tout ! Wallahi, ils peuvent me tuer, mais je ne vais jamais le faire.

– Donc si je comprends bien, fis-je en souriant, le mari de ta maîtresse, ton rival, te force à coucher et faire des conneries avec sa femme.

– Je n’ai plus besoin de te le répéter, espèce d’idiot, fit-il en poussant un juron amer.

J’éclatai de rire comme une adolescente gâtée à qui on raconte des histoires défendues. Eh Allah, si tous les cocus de la Terre pouvaient être comme cet homme !


Le message de la mort

Par futureatlas.com
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Plusieurs fois déjà, j’avais souligné aux potes que ce message, chaque fois que je le vois s’afficher sur l’écran de mon phone, me tend les nerfs. Pas facile de défaire le nœud au bout du pagne d’autrui, dit le proverbe de chez moi. Demander une faveur, c’est normal. Mais il faut savoir le faire. Donner n’est pas facile, quelle que soit la main qui donne, et celle qui reçoit. Le concepteur de ce message aurait dû remarquer que « Peux-tu recharger mon compte sur ce numéro ? » ne sonne pas toujours bien pour son destinataire, même s’il vient de l’être le plus aimé. Il fallait au moins y insérer un petit « s’il vous plaît », juste pour la rhétorique.
« Le concepteur n’a pas conçu ce message en se référant aux humeurs de psychopathes comme toi. Ce message, c’est les nanas qui l’envoient à leurs gars, et tu sais bien qu’ici les fesses, on ne leur refuse rien, on les respecte, et elles n’ont pas de s’il vous plaît à demander à qui que ce soit. », m’avaient-ils toujours répondu.
Je déteste donc ce message, « Peux-tu recharger mon compte sur ce numéro ? », comme un peuple divisé et désespéré déteste le fils d’un dictateur devenu Président. Et à plusieurs reprises, je l’ai mise en garde, elle n’a pas le droit de me l’envoyer. Si elle a besoin d’une carte de recharge pour son phone, elle connaît très bien où cela se vend. Roméo et Juliette, Mamadou et Bineta, Abalo et Afi, oui. Je t’aime mon bébé, t’es ma source d’eau vive, la lumière de mes pas, mon souffle de vie… oui. Mais que chacun recharge son compte quand il en a besoin, parce que je ne suis pas Jésus pour porter la croix de qui que ce soit surtout en pleine crise financière sur fond de sécheresse.
Ce fut pourquoi je crus rêver quand je vis le message envoyé par son numéro. A vingt-deux heures, heure à laquelle elle sait très bien que je suis concentré sur mes textes comme un impuissant sur un film p… un film X, je veux dire. Cette fille me demandait de laisser mon ordi, me lever, aller dans une boutique chercher une carte de recharge de mille francs au moins, retourner chez moi, la gratter, prendre mon téléphone et lui envoyer le numéro de recharge, Terre et Ciel ! Pour ne pas m’enflammer, mon cœur étant toujours au four comme me le font toujours remarquer les potes, j’éteignis tranquillement mon téléphone et me concentrai de nouveau sur mes textes.
– T’as éteint ton téléphone juste parce que je t’ai demandé de me recharger mon compte, hein, crois-tu que…
Je fis l’effort de lever la tête et la voir, droite devant ma table de travail, les deux mains aux hanches, la mine froncée comme celle d’un militaire sur une photo passeport. Parle à mon cul, ma tête est malade. Je fixai de nouveau l’écran de mon ordinateur. Elle reposa la question, la voix plus menaçante avec en fichier joint un long juron. Lui répondre de la manière la plus polie.
– Oui, Mariam, j’ai éteint mon phone parce que je t’ai toujours demandé de ne pas m’envoyer ce message et…
– Je veux que tu recharges mon compte, c’est tout, ce n’est pas beaucoup te demander non ?
– C’est trop me demander, Mariam, parce que celle qui m’a mis au monde n’a jamais demandé quoi que ce soit à mon père sur ce ton.
– Eh bien, c’est désormais ta chère mère qui t’ouvrira son cul parce que tu ne me verras plus jamais chez toi, sale violeur.
Sale violeur ? Je m’en moque éperdument. Même de très grands cinéastes le sont, sans oublier certains papes… euh certains prêtres je veux dire. Mais que cette fille ouvre cette bouche puante pour parler de ma mère, Mère Marthe… de son cul ! Touché, poussy cat ! Je crus voir une pléthore d’étoiles filantes devant moi. La frapper à mort, la bousiller, lui labourer et relabourer le corps comme le font les milices du Rassemblement du Peuple togolais aux opposants après les élections volées… Vlan, vlan, vlan ! Trois claques bien épicées sur ce visage allongé de petite peuhle ! Pièce jointe, un grand coup de pied dans le ventre…
– Sors de ma chambre et sache que je ne veux plus jamais te voir ! Crois-tu que c’est pour une histoire de carte de recharge que tu peux ouvrir ta sale gueule-là contre ma mère ? Je te tuerai si je te vois encore ici, pute.
Ce fut une fille Larmes, une fille Gémissements qui sortit de ma chambre en courant. Et c’est quand je la vis disparaître que je réalisai le crime que je venais de commettre. Je venais, moi un étranger, de frapper une belle fille de Bamako ! Pour une histoire de carte de recharge ! Une de celles-là qui peuvent obtenir des cadeaux de centaines de mille juste en claquant les doigts ! Rédiger à la hâte mon testament si j’avais quelque chose à dire et avertir mes meilleurs amis pour qu’ils ne m’enterrent jamais ailleurs que chez moi, à côté de mon père, parce que je savais que je n’allais pas passer la nuit vivant. Les frères, cousins, amis, oncles… de Mariam allaient dans quelques minutes débarquer chez moi pour me rouer de coups de gourdins et de machettes, m’envoyer dans l’autre monde en douleurs, avant de repartir après avoir cassé tous mes meubles. J’avais touché à l’intouchable, et je devais être expédié six pieds sous terre… Ma mère, Mère Marthe ! Ecouter sa voix avant de fermer, définitivement, les yeux… J’allumai mon phone qui était toujours éteint. Ah, un message de Kadi, une belle étudiante que j’avais rencontrée la veille dans un resto. Quoi de plus chouette que de lire le message d’une belle fille avant de mourir ! « Peux-tu recharger mon compte sur ce numéro ? ».

I Heart SMS
par katielips


Les filles UEMOA

 

 Les filles UEMOA

Une heure trente minutes déjà à l’attendre ! Et les copains ont déjà appelé plus de dix fois, tout est prêt, il ne manque que nous. Et pourtant elle m’avait dit qu’elle passerait juste après la prière qui s’est achevée il y a plus de deux heures ! De quoi lui donner six gifles comme le fait un jeune président – très fort, paraît-il – aux vieux barons de son père qui l’entourent à la présidence de mon pays dont j’ai oublié le nom. Attendre une fille ! Celles-là qui chez moi sont prêtes à nous attendre par dizaines sous le soleil, bien que nous ne leur donnions rien – en espèces bien sûr ! Eh Allah, fasse que je retourne chez moi, dans la dictature familiale!

Souley mon meilleur ami rentre, dans un long boubou. Pieux muslim le jour de la Tabaski !

– Ah, le grand écrivain sans bouquins n’écrit pas aujourd’hui ! Il se croit sapé alors qu’il ne ressemble qu’à un instituteur retraité allant jouer au tiercé. Mon vieux, tu pars où comme cela le jour de la Tabaski, toi qui te dis chrétien et qui n’as ni Bible, ni Nouveau Testament, et qui n’es jamais allé, même en rêve, à l’église ?

– Je suis invité chez des amis musulmans et je dois y aller avec Mariam qui…

Il explosa de rire en se laissant tomber sur le lit à côté de moi.

– Tu l’attendras, ta Mariam, jusqu’au retour de Jésus et de tous les Saints qui paraît-il sont au ciel. Je t’ai dit de chercher une bonniche pour copine mais tu joues au grand play-boy alors que tu es plus laid que l’anus d’un mouton et plus pauvre que la sébile d’un mendiant noir de Paris. Ta Mariam est une fille UEMOA et elle est en train de tourner pour le moment dans la sous région. Ton tour va arriver tard. Très tard. Trop tard, mon vieux.

– C’est quoi cette histoire de fille UEMOA ? lui demandai-je en le regardant rire, ébahi.

– Eh bien, mon grand écrivain idiot, sache que beaucoup de filles d’ici pratiquent bel et bien l’intégration et la libre circulation des personnes et des biens d’en bas. Elles sortent simultanément avec des gars de tous les pays de l’UEMOA. Pour des intérêts différents. Les Togolais pour le chauffage de leur moteur, c’est-à-dire le choc, parce que tu sais que ça c’est notre spécialité, nos trucs-là sont bien durs, on nous met suffisamment d’eau chaude dedans pendant nos jeunes âges. Les Béninois pour la bouffe car la cuisine est la profession de prédilection des Béninois qui viennent ici, il paraît qu’ils préparent très bien et je me demande si ce n’est pas leurs gris-gris-là qu’ils mettent dans les plats parce qu’il ne faut pas blaguer avec ces sacrés voisins que nous avons. Les Ivoiriens et les Sénégalais pour l’habillement, tu n’ignores pas que les meilleurs brodeurs de ce pays et les patrons des plus grands salons de couture sont des Ivoiriens et des fois des Sénégalais, et ces filles se collent à ces tailleurs pour faire gratuitement des habits. Les Burkinabais pour le show en boîte de nuit et la bière parce que tu sais que ces échappés du désert qui se disent des hommes intègres ne savent rien faire à part boire et faire bombance en boîte. Les Nigériens pour leurs menus besoins de filles : montres-bracelets, colliers, autres parures… tu sais bien qu’il n’y a pas meilleur commerçant que ces Nigériens, les médjiras comme on les appelle chez nous, qui s’obstinent à multiplier par zéro tous les efforts de l’Unesco qui se tue chaque jour à leur demander d’étudier, ces sacrés petits foulanis que Mamadou Tandja avait voulu dissoudre après avoir dissout toutes les institutions de son pays pour s’accrocher au pouvoir. Les Maliens pour les chèques, comme c’est ce que valent ces vieux puceaux des bords du Djoliba qui se croient galants, bourrer les nanas de billets de banque sans même oser vouloir connaître la couleur de leur petite culotte. Mon vieux, tu vois donc ce qu’est une fille UEMOA. Elles font circuler librement tous les garçons de l’UEMOA sur leur territoire. Eh bien, c’est ce qu’est ta Mariam. Et aujourd’hui jour de fête, elle doit accomplir des missions dans tous ces pays de la sous région ouest africaine. Et si tu es vraiment intelligent, tu dois deviner ton rang ! Elle doit d’abord passer chez son gars malien pour le chèque, ensuite chez l’Ivoirien et le Sénégalais pour ses habits, puis chez le Nigérien pour les parures, avant de passer au restaurant chez le Béninois pour manger, partir après en boîte avec le Burkinabais. Elle ne viendra chez toi aujourd’hui qu’autour de deux heures du matin, pour se faire pointer. Mon vieux, va te déshabiller et garde ces habits pour les funérailles des hommes politiques de notre pays parce que j’ai rêvé cette nuit qu’ils vont tous mourir bientôt. Va reprendre ton vieil ordinateur et tes brouillons-là que même les mendiants les plus crasseux de ce pays n’accepteront pas pour se torcher le cul. Tu occupes, dans le programme de la fille UEMOA, la dernière place comme ta brousse de pays dirigé par des broussards, dans la sous région… Ah, si tu veux une bonne, je peux t’en chercher. Deux cents francs pour lui acheter une bouteille de coca et tu tires un coup bien sec. Qui dit mieux !


Afro découverte :Fatou la Malienne, Fatou la Belle, Fatou le Rêve

Les cinéphiles pensent immédiatement à elle une fois que l’on mentionne le film  Fatou la Malienne, son premier film, où elle a joué le rôle principal en 2001. Sa beauté et sa brillante – et précoce – réussite éblouissent toute la jeune génération féminine africaine qui rêve septième art. « Je suis très contente de voir une fille telle que Fatou N’diaye évoluer et gravir petit à petit les échelons dans ce milieu très controversé qu’est celui des acteurs français. Je te souhaite une belle et longue carrière et j’espère pouvoir avoir la même chance que toi car je suis une passionnée du cinéma et je rêve de pouvoir tourner un jour, un film » déclare une internaute sur le site Biostars International.

Fatou N’diaye, Fatou la Malienne, Fatou l’Africaine, Fatou le Rêve, est née à Saint Louis au Sénégal en 1980. Elle rejoint la France dès l’âge de huit ans et est repérée en 1997 par Oliviero Toscani, le photographe des publicités pour la marque Benetton qui la pousse à devenir mannequin. Quatre ans après, en 2001, elle signe l’exploit dans son premier film, Fatou la Malienne, avec 8,5 millions de téléspectateurs et des récompenses dont un FIPA d’or. Un an après, elle figure dans la superproduction française Astérix et Obelix, mission Cléopâtre d’Alain Chabat dans le rôle d’Exlibris, aux côtés de grands noms du cinéma français comme Gérard Depardieu, Monica Belluci, Jamel Debouze…

Riche d’une quinzaine de productions dans sa filmographie, dont le dernier, datant de 2010, Merci papa, merci maman de Vincent Giovanni, la belle Sénégalaise brise, à sa manière, tout un mythe, toute une philosophie, toute une flopée de préjugés collant à la peau des Africains : « Le racisme des Blancs ne permet pas aux Noirs de réussir en France », et envoie un message fort à la jeune génération du continent noir : « Le talent peut survoler et le racisme et toutes les autres formes de discrimination. »